3e Rencontres Business et industrie Ă  la CCIMP – Industrie 4.0 : demain, tous convertis ?

Publié le 15 novembre 2017 à  8h36 - DerniÚre mise à  jour le 28 octobre 2022 à  17h47

CompĂ©titivitĂ© oblige, les grands groupes ont besoin de se moderniser. Mais pour entrer de plain-pied dans l’industrie 4.0, ils ont besoin de se tourner vers ceux qui reprĂ©sentent l’innovation et la flexibilitĂ© : les TPI/PMI du territoire… Mailler et permettre aux uns et aux autres d’échanger, c’était l’objet des 3e rencontres Business et industrie, le 7 novembre dernier.

3e Rencontres Business et industrie Ă  la CCIMP (Photo Robert Poulain)
3e Rencontres Business et industrie Ă  la CCIMP (Photo Robert Poulain)
La Chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence (CCIMP) sait ce que mailler veut dire. Preuve en est avec les 3e rencontres Business et industrie, organisĂ©es le 7 novembre dernier au sein du Palais de la Bourse. Elle y a ƓuvrĂ© de concert avec la Team Henri Fabre, cheville ouvriĂšre du projet Ă©ponyme… laquelle accompagne depuis prĂšs de trois ans les entreprises du territoire dans une dynamique qui lui tient Ă  cƓur, celle de l’industrie 4.0. Et derriĂšre ce vocable, tout comme derriĂšre celui de Smart Factory, sont sous-tendues plus d’une problĂ©matique : celles liĂ©es Ă  l’échange, au big data, Ă  la rationalisation et Ă  l’organisation de la production. Avec en ligne de mire un objectif, trouver le bon retour sur investissement, l’organisation la plus Ă  mĂȘme de fluidifier l’ensemble des services des entreprises du territoire. Car elles ont tout Ă  y gagner, notamment en termes de compĂ©titivitĂ© et d’attractivitĂ©…
Pour Philippe Zichert, L’industrie 4.0 :
Pour Philippe Zichert, L’industrie 4.0 :

Il n’est donc pas peu dire que permettre au tissu Ă©conomique local de mettre le cap sur l’industrie du futur, c’est aussi un chantier prioritaire dont s’est emparĂ©e la CCIMP. Son Ă©lu, Philippe Zichert, l’illustre bien Ă  la lumiĂšre de son constat : «L’industrie 4.0, c’est notre prĂ©occupation. D’autant que l’on a du retard par rapport Ă  nos voisins, notamment ceux de RhĂŽne-Alpes. Nous devons nous battre pour le rattraper au niveau des infrastructures. Pour l’Internet des objets, Jean-Luc Chauvin explique rĂ©guliĂšrement aux Ă©lus les lacunes que l’on a encore aujourd’hui en termes d’accĂšs Ă  la fibre optique», formule l’élu consulaire en guise d’appel du pied Ă  destination des collectivitĂ©s. Mais ce n’est pas le seul manque recensĂ© par l’équipe consulaire, qui s’est livrĂ©e Ă  une analyse des besoins du secteur secondaire. «Nous devons permettre aussi l’attractivitĂ© de ce monde au niveau de l’emploi. L’offre, nous l’avons. C’est dans les ressources que l’on a des problĂšmes. Les postes de l’industrie ne reprĂ©sentent que 9 % de l’emploi salarial de notre rĂ©gion et ça ce n’est plus possible. On ne peut pas dĂ©velopper les services de support s’il n’y a pas de secteur secondaire. C’est certainement un problĂšme d’attractivitĂ©… Il faut rendre de fait l’usine moderne, plus sexy.»

GĂ©nĂ©rer l’écosystĂšme autour d’Henri Fabre

Et lui confĂ©rer une once de glamour supplĂ©mentaire, cela passe Ă©videmment par l’adoption des nouvelles technologies… Bienvenue donc dans l’ùre de l’industrie 4.0. Fort heureusement, s’il y a encore du chemin Ă  parcourir en termes d’infrastructures, on peut compter sur les projets structurants du cru pour impulser le mouvement. Encore faut-il leur accorder un soutien Ă  la hauteur de leurs ambitions… D’ores et dĂ©jĂ  lancĂ©, labellisĂ©, Henri Fabre a bĂ©nĂ©ficiĂ© de 8,7 M€ de financements. «C’est un projet phare, il ne pourra tenir ses promesses que s’il se forme un Ă©cosystĂšme innovant et performant. La CCIMP soutient les grands projets, car Ă  la sortie, avec leur concrĂ©tisation, on parle de milliers d’emplois crĂ©Ă©s. C’est pour cela que concrĂštement, nous accordons des soutiens financiers opĂ©rationnels pour Henri Fabre, Piicto, ainsi que pour l’éolien offshore flottant. Il s’agit de projets qui ne sont pas fermĂ©s, mais ouverts. Nous invitons donc les entreprises Ă  innover et Ă  se rapprocher en mĂȘme temps de ces projets.»
L’essence du mouvement Ă  impulser, c’est effectivement bien celui-lĂ  : «crĂ©er un nouveau modĂšle industriel, plus collaboratif. Travailler ensemble Ă  dĂ©velopper plus vite des solutions innovantes pour dĂ©velopper l’attractivitĂ© de la mĂ©tropole», avance Ă  son tour StĂ©phane Magana, directeur du projet Henri Fabre. Son action se concentre sur un cƓur de dispositifs nichĂ© au sein du technocentre, sur 2100 mÂČ. Cet espace ressources multiplie les outils, les moyens, les compĂ©tences, les espaces d’échanges propres Ă  dĂ©velopper des projets. On y rĂ©alise donc prototypage, assemblage, mise en forme, caractĂ©risation physico-chimique, formulation… «Des projets s’y lancent, comme le groupe de travail avec SCS sur tout ce qui est big data, sur le thĂšme de la maintenance prĂ©dictive.» Plus largement, la team Henri Fabre entend mener le tissu local vers l’industrie 4.0 par le biais de six piliers. En premier lieu, «la maĂźtrise des techniques dans les industries du futur, notamment l’usinage rapide, l’impression 3D, les moyens innovants», commence Ă  Ă©noncer StĂ©phane Magana. Viennent ensuite l’expertise, la mise en Ɠuvre de «travaux pour dĂ©velopper de nouvelles solutions techniques, la mise Ă  profit de la prĂ©sence de plusieurs filiĂšres fortes en Provence, la rĂ©ponse aux besoins de formation, Ă  l’adĂ©quation besoins/ressources, la contribution Ă  l’attractivitĂ© du territoire et enfin, la mise en relation des donneurs d’ordre avec les PME et les start-up».

Faire matcher besoins et compétences

Et justement, cette volontĂ© d’échanges entre donneurs d’ordre et TPI/PMI figurait comme l’objet de la manifestation du 7 novembre dernier au Palais de la Bourse. Car la philosophie de la rencontre, c’était clairement de dĂ©terminer comment faire matcher les besoins des sept grands comptes prĂ©sents lors de la table ronde, et les compĂ©tences que pourraient leur apporter les plus de 40 petites entreprises qui ont pitchĂ© tout au long de la journĂ©e. Ils sont cadres et dirigeants chez Thales Alenia Space, Airbus Helicopters, Safran/Snecma, EDF, CEA Cadarache, Naval Group et Thales Underwater System, ils ont Ă©voquĂ© les contextes dans lesquels Ă©volue leur groupe, les projets en cours et la nĂ©cessitĂ© pour eux d’en venir Ă  l’industrie 4.0. C’est dĂ©jĂ  imputable Ă  l’univers extrĂȘmement concurrentiel qui est le leur, Ă  l’instar des mondes de l’aĂ©ronautique et du naval. «Dans notre domaine, nous nous heurtons Ă  une rude concurrence internationale, notamment celle des start-up. Face Ă  ce marchĂ©, il nous faut ĂȘtre trĂšs innovant pour peser dans la compĂ©tition. Le besoin d’évoluer est fondamental, nous cherchons donc Ă  nous ouvrir Ă  des partenaires. Thales Alenia Space a engagĂ© une action trĂšs importante de transformation numĂ©rique. On ouvre l’ensemble de nos activitĂ©s au big data, Ă  la rĂ©alitĂ© augmentĂ©e… Il s’agit d’une rĂ©volution du numĂ©rique qui va toucher l’ensemble des process de l’entreprise», dĂ©crit Michel Castellanet, responsable Big Data chez Thales Alenia Space. Preuve par neuf que le groupe sait s’intĂ©resser aux TPI/PMI, il a Ă©galement lancĂ© depuis le dĂ©but de l’annĂ©e un programme d’Open Innovation, «puisqu’elle ne peut venir en interne, mais provient des Ă©cosystĂšmes qui vivent autour de nous. Ce sont les entreprises qui sĂ©lectionnent Thales dans les sujets oĂč elles peuvent faire Ă©voluer les choses.» MĂȘme son de cloche, donc, chez Airbus Helicopters, oĂč Jean-Marie Trabucco, directeur industriel, Ă©voque une obligation, «l’amĂ©lioration de la performance au sens large». Elle est liĂ©e notamment au «marchĂ© de l’hĂ©licoptĂšre civil, qui s’est effondrĂ© suite Ă  un ralentissement de l’activitĂ© d’offshore». AmĂ©lioration oĂč l’industrie 4.0 joue forcĂ©ment un rĂŽle, ne serait-ce qu’en termes de simplification et d’unification des process : «nous comptons une trentaine de filiales dans le monde, il est donc importance de parler le mĂȘme langage». C’est vers l’UIMM que Airbus s’est tournĂ©e pour ĂȘtre accompagnĂ©e vers l’avenir… Enfin, Naval Group connaĂźt lui aussi une concurrence sĂ©vĂšre, et pour tirer son Ă©pingle du jeu, l’innovation apparaĂźt lĂ  encore comme clĂ©. Non seulement en termes de satisfaction client, mais aussi de cyber-dĂ©fense. «Il nous faut faire face Ă  de nouvelles menaces, celles des drones notamment. Nous avons des programmes R&D pour nos clients, mais aussi pour protĂ©ger nos propres savoir-faire. Car il ne faut pas oublier que parmi les enjeux de l’industrie du futur, il faut savoir se protĂ©ger», renchĂ©rit de son cĂŽtĂ© Jean-Michel Laffite, directeur Compliance et RSE chez Naval Group.

Gain de temps, de sécurité, de performance

Outre le contexte extĂ©rieur, ce sont aussi les facteurs endogĂšnes qui motivent les dirigeants des grands groupes Ă  emprunter la voie du 4.0. Ainsi en est-il de Safran/ Snecma, qui concilie nouvelles technologies avec qualitĂ© et sĂ©curitĂ© au travail. Le constat rĂ©alisĂ© en amont a permis de sauter le pas dans le domaine des «gestes rĂ©pĂ©titifs, des cadences de production, de l’aspect de la performance», Ă©numĂšre Guy Christophe, directeur du site istrĂ©en Safran Aircraft Engines. L’objectif Ă©tant «de faire bien du premier coup, ĂȘtre fiable». Safran a Ă©galement cĂ©lĂ©brĂ© dĂ©but octobre la rĂ©ussite des premiers essais au sol du dĂ©monstrateur Open Rotor. DĂ©veloppĂ© dans le cadre du programme de recherche europĂ©en Clean Sky, il dispose d’une architecture en rupture, non-carĂ©nĂ©e et Ă  double hĂ©lice contrarotative… De quoi lui permettre de rĂ©duire la consommation de carburant et les Ă©missions de CO2 de 30 % par rapport aux moteurs actuels. Un projet dans lequel «la rĂ©alitĂ© augmentĂ©e, la simulation recĂšlent un intĂ©rĂȘt important pour gagner du temps, notamment sur la partie montage». Le gain de temps, c’est ce qui prĂ©occupe aussi EDF, Ɠuvrant dans «un contexte Ă©conomique oĂč il faut aller vite », cela corrĂ©lĂ© Ă  des enjeux de services associĂ©s Ă  diffĂ©rents modĂšles, dans un contexte marquĂ© par les enjeux Ă©nergĂ©tiques. Sachant que «l’on a des besoins techniques trĂšs variĂ©s, puisque l’on exploite de vieilles centrales, tout comme des beaucoup plus rĂ©centes. On se heurte donc Ă  la difficultĂ© de stocker, sur le plan numĂ©rique», dĂ©peint Vincent Gabette, directeur de l’unitĂ© de production EDF MĂ©diterranĂ©e. Et le fournisseur d’électricitĂ© regarde lui aussi vers la rĂ©alitĂ© virtuelle, «qui offre de gros avantages en termes de gestion de crise. Elle permet de promouvoir des gestes mĂ©tiers trĂšs prĂ©cis lĂ  oĂč on ne peut pas se permettre de perdre du temps». Enfin, les besoins de nouvelles technologies se font sentir au sein du CEA Cadarache, prĂ©sent non seulement sur la fusion mais aussi sur les EnR : «sur le rĂ©acteur Jules Horowitz ou sur Tore Supra, des dispositifs expĂ©rimentaux sont Ă  mettre en Ɠuvre en termes de matĂ©riaux innovants ou dispositifs d’instrumentation », avance Jean-Michel Morey, directeur adjoint.

Un nouveau paradigme

Des besoins ciblĂ©s, donc… «Mais demeurent des inconnues : on investit, mais on ne peut quantifier les retours sur investissement. Or pour se lancer dans les financements lourds, il faut trouver une rentabilitĂ©. A la base, la prudence prĂ©vaut quand mĂȘme. La transformation numĂ©rique, c’est trĂšs compliquĂ©. A long terme, difficile de quantifier son impact. Il y a forcĂ©ment prise de risque», analyse Michel Castellanet.
Et c’est ainsi en partie vers les TPI/PMI que les donneurs d’ordre entendent se tourner. « On n’est plus du tout dans un milieu protĂ©gĂ©, avec l’export. Il est donc indispensable de mettre en place des services nouveaux pour les clients. Et les PME locales peuvent nous y aider », lance Cyril Georges, directeur du site d’Aubagne chez Thales Underwater System. Mais point question aujourd’hui d’en rester Ă  la logique du top down. «La façon de penser le partenariat change, il est basĂ© sur le modĂšle de l’écosystĂšme», observe Vincent Gabette. Et cette configuration-lĂ , elle est forcĂ©ment bĂ©nĂ©fique Ă  tous… L’idĂ©e : respecter la propriĂ©tĂ© dans un accord win-win oĂč les produits nouveaux de la start-up et le grand systĂšme dĂ©veloppĂ© pour les donneurs d’ordre vont fusionner. Sans oublier que ces derniers ont aussi les ressources pour tirer les plus petits vers le haut… «Il y a plusieurs leviers, le soutien politique local, le fait de candidater Ă  l’échelle europĂ©enne. Nous devons inclure les TPI/PMI dans les appels d’offres, les accompagner dans les appels Ă  projets», poursuit le directeur d’EDF MĂ©diterranĂ©e. Au final, chacun y gagne. C’est aussi le sens du projet de Metropolitan Business Act, Ă©voquĂ© par Philippe Zichert et visant Ă  Ă©diter un guide des comportements d’achats plus vertueux, ce dans le but de ne pas exclure systĂ©matiquement les PME. De nouveaux rĂ©flexes peut-ĂȘtre, pour ne pas laisser sur la touche les quelque 95 % de TPE et de PME reprĂ©sentant le tissu Ă©conomique local. «Ici, on ne rĂ©invente pas la pluie, mais on fait localement ce qui se fait dĂ©jĂ  ailleurs», conclut Philippe Zichert.
Carole PAYRAU

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