SNCM

Publié le 4 mars 2013 à  7h00 - DerniÚre mise à  jour le 10 août 2023 à  10h17

EugĂšne Caselli interpelle l’ElysĂ©e et Matignon

Alors que la situation de la SNCM apparaĂźt chaque jour plus incertaine, avec notamment l’incertitude liĂ©e au renouvellement imminent de la DĂ©lĂ©gation de service public (DSP) permettant la desserte Corse-continent, le prĂ©sident de la communautĂ© urbaine Marseille Provence MĂ©tropole (MPM) EugĂšne Caselli (PS) a interpellĂ© ce lundi 4 mars par courrier l’ElysĂ©e et Matignon sur ce dossier.

Aux yeux d'EugĂšne Caselli, il y a plus que jamais urgence Ă  agir
Aux yeux d’EugĂšne Caselli, il y a plus que jamais urgence Ă  agir

« Je souhaite attirer votre attention sur la situation prĂ©occupante quant Ă  la pĂ©rennitĂ© de l’activitĂ© et des emplois salariĂ©s de la SociĂ©tĂ© Nationale Corse mĂ©diterranĂ©e (SNCM) » : c’est en ces termes que le prĂ©sident de la CommunautĂ© urbaine Marseille Provence MĂ©tropole (MPM), EugĂšne Caselli (PS), s’est adressĂ© par courrier, ce lundi 4 mars, au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, une lettre dont une copie a Ă©galement Ă©tĂ© envoyĂ©e Ă  Patrick Vieu, conseiller environnement et territoire, pĂŽle politiques publiques au palais de l’ElysĂ©e. Et le candidat dĂ©clarĂ© Ă  la mairie de Marseille d’énumĂ©rer les « nombreuses incertitudes » qui pĂšsent aujourd’hui sur l’avenir de l’entreprise crĂ©Ă©e en 1976 : « les risques relatifs aux dĂ©cisions juridiques europĂ©ennes, l’attribution prochaine de la DĂ©lĂ©gation de service public (DSP) entre la Corse et le continent pour la pĂ©riode 2014-2023, le nĂ©cessaire renouvellement de la flotte, les incertitudes sur l’actionnariat de la SNCM ».
L’intervention d’EugĂšne Caselli intervient trois jours aprĂšs que le journal « Les Echos » a rĂ©vĂ©lĂ© que VĂ©olia Environnement, dĂ©jĂ  actionnaire de la compagnie Ă  travers sa filiale de transport public Veolia Transdev (66% du capital), s’est engagĂ© Ă  reprendre 66% des parts dĂšs finalisation de l’accord actionnarial avec la Caisse des dĂ©pĂŽts et consignation (CDC) et VĂ©olia Transdev prĂ©vu cet Ă©tĂ©. Or, les deux tiers du capital de l’ancienne compagnie publique, privatisĂ©e en 2006, seront repris pour un euro symbolique selon le journal Ă©conomique. Une transaction qui ne manque pas d’interpeller puisque c’est exactement ce que le prĂ©sident du conseil de surveillance de la SNCM, GĂ©rard Couturier, avait proposĂ© au prĂ©sident du Conseil exĂ©cutif de Corse, Paul Giacobbi, il y a prĂšs d’un an, une proposition que ce dernier avait alors qualifiĂ©e « d’inconvenante ».

Pour VĂ©olia Environnement, hors de question de renflouer la compagnie

Or, si on pourrait considĂ©rer cette annonce comme un non-Ă©vĂ©nement puisqu’il ne s’agit jamais que de la reprise par la maison mĂšre de l’actionnariat dĂ©tenu par une filiale, le PDG de VĂ©olia Environnement, Antoine FĂ©rot, ne manque pas en outre de prĂ©ciser que si sa sociĂ©tĂ© assumera l’endettement de la compagnie maritime, Ă©valuĂ© Ă  76 M€, il est en revanche hors de question de renflouer la SNCM. Et lĂ , il y a de quoi ĂȘtre inquiet puisque la compagnie a affichĂ© une perte d’exploitation de 12 M€ en 2011, pour un chiffre d’affaires stable Ă  285 M€, et qu’elle est confrontĂ©e, dans le cadre du renouvellement de la DSP entre le continent et la Corse, Ă  l’ñpre concurrence de Corsica Ferries. Avec ses navires battant pavillon italien, cette derniĂšre domine aujourd’hui le transport de passagers entre le continent et la Corse, avec 60,6% de parts de marchĂ© au premier semestre 2012. Enfin, une autre menace pĂšse sur la SNCM puisque la Cour de justice des communautĂ©s europĂ©ennes est susceptible d’exiger d’elle le remboursement de 40 Ă  50 M€ d’aides publiques perçues avant sa privatisation, dĂ©cidĂ©e en 2005 et mise en Ɠuvre l’annĂ©e suivante.
C’est d’ailleurs Ă  ce moment-lĂ  que VĂ©olia Transdev – qui s’appelait Ă  l’époque Connex – avait fait son entrĂ©e dans le capital de la compagnie avec 28% du capital, une part qui est montĂ©e Ă  66% en 2008 aprĂšs le rachat des 38% dĂ©tenus Ă  l’origine par le fonds d’investissement Butler Capital Partners. Le reste du capital est quant Ă  lui toujours dĂ©tenu par l’Etat (25%) et les salariĂ©s (9%). Ce qui permet Ă  Antoine FĂ©trot de renvoyer, toujours dans Les Echos, la responsabilitĂ© de la possible disparition de la SNCM sur l’Etat si la Cour de justice des communautĂ©s europĂ©ennes devait exiger le remboursement des aides publiques perçues avant 2005. Un scĂ©nario que VĂ©olia se borne toutefois publiquement Ă  qualifier de peu probable car une telle jurisprudence mettrait en danger d’autres sociĂ©tĂ©s europĂ©ennes qui se trouvent dans la mĂȘme situation.

« Les semaines à venir seront déterminantes »

Mais EugĂšne Caselli n’entre pas dans ce type de considĂ©rations et, Ă  ses yeux, il y a plus que jamais urgence « face au dĂ©sengagement des principaux actionnaires ». « Les semaines Ă  venir seront dĂ©terminantes pour l’avenir mĂȘme de la compagnie, pour le maintien et la qualitĂ© du service public, pour Marseille et son port », juge le prĂ©sident de la communautĂ© urbaine qui souligne que « pas moins de 800 emplois sont menacĂ©s », tout comme « le futur portuaire de la deuxiĂšme ville de France ». Et d’ajouter : « On peut imaginer les dĂ©sastreuses consĂ©quences Ă©conomiques et sociales pour notre ville dĂ©jĂ  tant affectĂ©e par la crise ».
Alors Ă  l’heure oĂč l’avenir de Marseille et de son territoire a Ă©tĂ© dĂ©crĂ©tĂ© « enjeu national » lors du conseil interministĂ©riel du 6 septembre dernier, EugĂšne Caselli en appelle Ă  la prĂ©sidence de la RĂ©publique et au Premier ministre « afin que l’Etat trouve les moyens capitalistiques nĂ©cessaires Ă  la sauvegarde de cette entreprise et, par voie de consĂ©quence, Ă  celle de toute la filiĂšre portuaire, cruciale pour l’avenir de Marseille ». Car le prĂ©sident de la communautĂ© urbaine n’en dĂ©mord pas : « Si la SNCM est en crise, c’est le nouvel Ă©quilibre Ă©conomique mis en place sur le port qui est en danger », martĂšle-t-il. Et d’estimer qu’aujourd’hui face Ă  l’urgence de la situation dans laquelle se trouve la compagnie qui emploie 2 000 salariĂ©s, « nous ne pouvons nous contenter d’un constat alarmant ». « L’urgence est donc de proposer un scĂ©nario qui concilie le dĂ©veloppement de la SNCM et le maintien d’un service public de qualitĂ©, par le biais d’un actionnariat oĂč l’Etat, Ă  travers la Caisse des DĂ©pĂŽts, continue Ă  tenir toute sa place », souligne-t-il.

« Il convient d’entamer une rĂ©flexion prĂ©figurant un modĂšle Ă©conomique pĂ©renne »

Car « plus que de simples mesures palliatives », EugĂšne Caselli estime qu’« il convient d’entamer une rĂ©flexion prĂ©figurant un modĂšle Ă©conomique pĂ©renne seul Ă  mĂȘme de produire un effet levier profitable Ă  l’ensemble de l’activitĂ© portuaire ». Et de rappeler au sommet de l’Etat qu’à ses yeux, « la perspective d’une croissance harmonieuse du territoire est inenvisageable sans une articulation forte avec le port et ses activitĂ©s », un constat qui a amenĂ© le prĂ©sident de MPM Ă  signer rĂ©cemment la charte Ville-Port.
Une politique qui a dĂ©jĂ  portĂ© ses fruits selon EugĂšne Caselli. « L’ouverture sur la MĂ©diterranĂ©e de cet espace portuaire a dĂ©jĂ  permis Ă  Marseille de devenir le 2e port français de marchandises et le 3e mondial grĂące au commerce d’hydrocarbures. Afin d’optimiser ces atouts, la synergie entre les institutions et les activitĂ©s portuaires doit continuer Ă  se dĂ©velopper. Aujourd’hui, les bassins de Marseille concentrent l’intĂ©gralitĂ© du trafic passagers et croisiĂ©ristes. Les orientations stratĂ©giques sur 15 ans prĂ©voient le doublement de l’activitĂ©. Dans la partie sud (J4-Arenc), l’essor du trafic passagers se rĂ©alisera en association avec un centre-ville nouvellement rĂ©novĂ© et un pĂŽle d’affaires en constante croissance (Euromed I et II). Ceci reprĂ©sente un vecteur de rayonnement et d’attractivitĂ© rĂ©ciproque des activitĂ©s urbaines et portuaires », plaide le prĂ©sident de la communautĂ© urbaine.
Autant de perspectives qui « nous incitent Ă  faire de la sauvegarde de l’économie maritime un objectif prioritaire car corrĂ©lĂ© au dĂ©veloppement de notre territoire ». Alors EugĂšne Caselli sollicite l’intervention de l’Etat « afin que la SNCM retrouve un nouveau cadre permettant une gouvernance stable et dynamique au service de ses ambitions ». Avant d’enfoncer le clou en Ă©voquant « la grande MĂ©tropole marseillaise », que le prĂ©sident de MPM et le Premier ministre appellent de concert de leurs vƓux, qui « ne pourra se construire et se consolider qu’avec l’émergence de grandes entreprises au potentiel certain et au savoir-faire reconnu, moteur de notre dĂ©veloppement ».

Serge PAYRAU

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