Publié le 14 mars 2025 à 8h36 - Dernière mise à jour le 2 avril 2025 à 11h48
La région Sud vient d’organiser une soirée d’information sur la situation en Syrie. Elle lance, dans ce cadre, un appel aux dons en faveur des minorités alaouites et chrétiennes après le massacre perpétré, après le 6 mars, dans l’Ouest du pays et qui a fait plus de 1 000 morts.

« Nous avons une urgence, apporter un soutien aux populations qui viennent d’être touchées par un massacre et des destructions. Pour cela nous avons identifié deux grandes associations humanitaires pour les appels aux dons : L’Œuvre d’Orient et l’Agence d’Aide à la Coopération Technique et au Développement (Acted)», décrit Jean-Pierre Colin, vice-président de la région avant d’ajouter: «Nous avons un devoir de vigilance : le nouveau pouvoir tiendra-t-il ses promesses ou se dirige-t-on vers un régime islamiste dur et une destruction des minorités ? » A ses côtés Bernard Valero ancien ambassadeur et porte-parole du Quai d’Orsay et Salih Azad, responsable du Centre démocratique Kurde de Marseille et, en visio, Vincent Gelot, de l’Œuvre d’Orient et Camille Fourré, responsable du Pôle Stratégie de l’Acted qui ont expliqué l’action menée en Syrie par leur ONG et à quoi serviront les dons au rang desquels les 50 000 euros versés à ses deux structures par la Région.
Pour Bernard Valero : « La Syrie est dans un jeu de réconciliation/reconstruction et elle a connu, au Nord- Ouest, pendant plusieurs jours à partir du 6 mars un massacre des minorités alaouite et chrétienne. Face à cela il faut dénoncer et être solidaire ». Il salue la réaction rapide de la Région « fidèle à son engagement de toujours avec tous les pays de la Méditerranée ». « Cette solidarité, poursuit-il, est d’autant plus importante qu’elle est en résonance avec l’État et la société civile.» Il ne manque pas de rappeler que « la France n’a pas attendu le 8 décembre 2024 et la fuite de Bachar Al Assad à Moscou pour apporter son soutien au peuple syrien. Je me souviens encore avoir eu du mal à trouver des mots pour qualifier les tragédies qui se déroulaient en Syrie entre 2011 et 2013 tant je devais intervenir régulièrement en tant que porte-parole du Quai d’Orsay pour dénoncer les exactions commises. » Bernard Valero évoque l’intense activité diplomatique avec les conférences en Jordanie, à Ryad et à Paris. Revient sur la réunion parisienne lors de laquelle participaient les ministres et représentants de la République arabe syrienne, de la République fédérale d’Allemagne, du Royaume d’Arabie saoudite, du Royaume de Bahreïn, du Canada, de la République arabe d’Égypte, des Émirats arabes unis, du Royaume d’Espagne, de la République hellénique, de la République d’Irak, de la République italienne, du Japon, du Royaume hachémite de Jordanie, de l’État du Koweït, de la République du Liban, du Sultanat d’Oman, de l’État du Qatar, du Royaume-Uni, de la République de Turquie, de l’Union européenne, de l’Organisation des Nations Unies, de la Ligue des États arabes et du Conseil de coopération des États arabes du Golfe.
Il a été notamment envisagé la création d’un groupe pérenne de « soutien à la transition syrienne » afin d’assurer «la poursuite du dialogue, d’appuyer la coordination stratégique des efforts de la communauté internationale et d’aider le peuple syrien à réaliser ses aspirations légitimes, pour mettre fin à des décennies d’isolement et de divisions et bâtir un avenir pacifique, prospère et stable». Pour Bernard Valero cette conférence de Paris a mis en avant « la nécessité de continuer à lutter contre l’influence des acteurs étrangers : l’Iran et le Hezbollah, mais aussi la Russie car on se souvient des bombardements d’Alep et des bases militaires russes en Syrie. Il y a aussi la Turquie dont le rôle est ambivalent et je n’oublie pas Daech, organisation toujours présente en Syrie. » Il souligne l’importance de la signature de l’accord signé entre le pouvoir et des minorités dont les Kurdes pour l’intégration de ces forces dans l’armée syrienne.
« Faire preuve de solidarité et de vigilance »
Concernant la gouvernance Bernard Valero indique que « les participants ont souligné l’importance de la prochaine période de la transition. Ils sont ainsi convenus de tout mettre en œuvre pour assurer une transition pacifique, crédible, ordonnée, rapide et inclusive, dans l’esprit des principes fondamentaux de la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies, afin de permettre la mise en place d’une gouvernance inclusive et représentative de l’ensemble des composantes de la société syrienne, incluant dès le départ les femmes.» Il ajoute : « Les massacres que vient de connaître le pays invite à la plus grande vigilance » tout en signalant que le président par intérim Ahmed al-Charaa a promis de poursuivre les responsables des massacres des minorités alaouite et chrétienne. Bernard Valero rappelle « l’importance du rétablissement d’un État de droit. Il ne peut y avoir impunité, la justice doit pouvoir faire son œuvre car sans justice il ne pourra pas y avoir de réconciliation et de paix ». D’insister enfin sur la méthode française « qui comprend une coordination étroite entre l’État, les collectivités territoriales et la société civile. Et si ce triangle fonctionne on ira loin ». Il conclut son intervention en insistant: « Il faut faire preuve de solidarité et de vigilance.»
« Ce qui se joue c’est donc la survie de la communauté chrétienne en Syrie »
Vincent Gelot, de l’Œuvre d’Orient, exprime son profond sentiment de révolte face à la situation que connaît la Syrie « qui est devenu un champ de ruine où 70% de la population est en détresse humanitaire et qui connaît 14 millions de réfugiés et 7 millions de déplacés internes. » Il ajoute : « La population chrétienne a souffert comme tous les Syriens et c’est la communauté qui s’est le plus restreinte en 13 ans puisque cette communauté, présente depuis 2000 ans, a vu les 2/3 de ses membres partir. Ce qui se joue c’est donc la survie de la communauté chrétienne en Syrie. Une communauté qui joue un rôle important dans le pays avec ses écoles, ses hôpitaux ainsi qu’un secteur associatif qui s’est développé pendant la guerre. La communauté joue un rôle de pont entre la Syrie et l’Occident et de pont entre les communautés de ce pays qui est une mosaïque. Ainsi elle tend la main aux nouvelles autorités. Elle est prête à construire ce pays » Il tient à préciser : «Certains parlent du massacre des alaouites et de chrétiens. Ce n’est pas le cas, les chrétiens qui ont été tués l’ont été non pour ce qu’ils étaient mais parce qu’ils habitaient dans les quartiers alaouites ». Pour Vincent Gelot : « Il y a maintenant un défi de reconstruction, de justice, de réconciliation et de sécurité.» Il précise que l’association soutient le projet d’aide humanitaire d’urgence pour les familles de Lattaquié: «L’objectif est de permettre aux familles déplacées ou en situation de précarité extrême d’accéder aux ressources essentielles : la nourriture, l’eau potable et les produits d’hygiène via des coupons alimentaires. Ce projet vise 1 000 familles à qui seront distribués des coupons de 50€.»
« 37% de la population vit dans une extrême pauvreté »
Camille Fourré signale qu’Acted a installé 9 bureaux en Syrie pour 1200 salariés dont 68 internationaux dans un pays où «16 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire et où le coût de la vie augmente de 20% par an ces dernières années ce qui a conduit 37% de la population à vivre dans une extrême pauvreté.» Elle signale que l’ONG internationale interviendra dans le district de Jableh à Lattaquié. «Elle soutiendra la reconstruction et le réapprovisionnement d’une trentaine de commerces essentiels tels que les épiceries, les boulangeries et les pharmacies. Elle contribuera également à la restauration du service d’eau dans la région pour assurer un accès équitable à l’eau potable grâce à la réhabilitation de l’infrastructure d’eau et à la fourniture de matériel et d’équipements essentiels.»
Salih Azad insiste sur l’accord que les forces démocratiques, comprenant les Kurdes mais aussi des rebelles arabes, des Arméniens et les chrétiens du conseil militaire syriaque vient de signer avec le pouvoir intérimaire : « L’accord comprend deux articles importants : la reconnaissance des droits des minorités quelle que soit leur religion et le droit des réfugiés au retour. L’accord a été signé grâce à la pression des Etats-Unis et de la France. La France qui a été la première à soutenir les Kurdes. » Il considère: « Il faut de la stabilité en Syrie et il n’y en aura pas tant que l’on ne dira pas non à la Turquie d’Erdogan dont les liens avec Daech ne sont plus à démontrer. » Salih Azad lance en conclusion: «Chacun a droit à une nouvelle chance. On espère que le nouveau gouvernement respectera ses engagements et que l’on aura une Syrie stable, respectueuse des droits de chacun.»
Michel CAIRE