Les opérations étaient bien rodées. Des collecteurs récupéraient l’argent liquide à Marseille, Saint-Étienne ou Clermont-Ferrand, des transporteurs transféraient le numéraire en Italie où, avec la complicité d’une fonderie milanaise, il était converti en or puis en lingots avant de repartir vers des pays de l’Europe orientale peu regardant sur le blanchiment.

Un système bien rodé
Dès lors que l’on touche à des millions d’euros ce ne sont pas des petites mains, comme sur les points de deal, qui opèrent. Les artisans de ce trafic international entre l’Italie et la France ont entre 22 et 47 ans. Ils sont habiles, discrets. Ils sont Kosovars et Moyen-orientaux. Il y a une taylorisation des tâches, le système est bien rodé. « Des personnes viennent dans les cités récupérer le numéraire lié à la vente de stupéfiants, résume le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone. Il est entreposé au niveau d’un collecteur qui centralise l’argent qui vient de plusieurs points du territoire et ensuite on va transporter ce numéraire, dans des véhicules avec des caches très sophistiquées, en Italie. Avec cet argent on va acheter de l’or et en faire des lingots qu’on va transporter clandestinement vers l’Europe orientale ou le Sud de l’Espagne.»
Coopération exemplaire
A partir du moment où l’on touche au trafic de stupéfiants la coopération internationale s’impose souvent. C’est le cas dans ce dossier avec l’Italie où a été mise en place une équipe commune d’enquête pour démanteler ce réseau. « Les enquêteurs qui sont saisis des deux côtés des Alpes font partie de ma même unité, indique Olivier Leblanc le commandant de la section de recherche de Marseille. Les enquêteurs sont autorisés à échanger tout élément de preuve dans un dossier ou dans l’autre. Les communications de pièces sont extrêmement fluides. »
Des millions récupérés
Entre le numéraire et les lingots récupérés le montant total pour la période d’octobre 2024 à août 2025 est estimé à plus de 30 millions d’euros blanchis. La collecte avait lieu chaque semaine, principalement à Marseille et sa périphérie (environ 70%), mais aussi à Lyon, Paris et en Italie. « Avec le colonel on va saisir 2,4 millions d’euros chez un des collecteurs, c’était le produit d’une semaine à Saint-Etienne et Clermont -Ferrand, précise le procureur. Donc sur 9 mois, sur le grand Sud-Est plus Paris et Strasbourg, quand on dit 30 millions d’euros on reste très mesurés. »
Interpellations
Au total 14 personnes ont été mises en examen et 11 ont été placées en détention provisoire. L’Italie a opéré 4 arrestations et incarcérations. 238 kg d’or et 400 kg d’argent ont été saisis de l’autre côté des Alpes ainsi que 24 biens immobiliers. L’ensemble est estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros. Frapper au porte-monnaie devient l’une des tactiques des enquêteurs pour terrasser le trafic de drogue.
Reportage Joël BARCY