Aix-en-Provence – « L’Apocalypse d’Icare » à l’Archevêché : étrange « révélation »

Étrange soirée que celle vécue au théâtre de l’Archevêché et consacrée à un « opéra-concert » comprenant le « triple » de Beethoven et l’opéra « L’Apocalypse d’Icare » de Dominique de Williencourt. Rien que le fait de retrouver ce lieu emblématique de la musique et de l’art lyrique dans la fraîcheur de prémices automnaux était déjà surprenant, mais la suite allait l’être encore plus.

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C’est le ténor Sébastien Guèze qui incarnait Icare sur la scène de l’Archevêché. ©Yonanan Robberecht

A l’heure de débuter le concerto de Beethoven, les portes n’étaient pas fermées et la salle était encore accessible aux retardataires qui ne se sont pas privés de rejoindre leurs places alors que la musique jouait. Étonnant, aussi, de retrouver les musiciens de l’Open Chamber Orchestra dans la fosse et les trois solistes, Bilal Alnerm, violon, Nicolas Bourdoncle, piano et Dominique de Williencourt, violoncelle, sur le plateau ! Disposition surprenante qui n’a pas servi la qualité de l’interprétation de cette pièce sous la direction de Yaïr Benaïm, lui ôtant sa dimension de symphonie concertante et conférant aux tutti des sonorités éteintes avec quelques décalages.

La grande évasion

Suivait, après la pause, « L’Apocalypse d’Icare », composition de Dominique de Williencourt écrite après une rencontre, qui aurait pu s’avérer mortelle, du musicien avec un serpent à sonnettes dans le désert Mojave. Sautant pour échapper au crotale il se souvient : « Avant de retomber sur le sol quelques centièmes de seconde plus tard, ma vie entière défile dans ma tête, jusqu’à l’enfance, et me rappelle la fulgurance de la chute d’Icare. La certitude de ne pouvoir échapper à la mort rallonge l’instant de sa prise de conscience. Et me révèle. »

Quatre tableaux, de la chute (vieillesse) à l’enfance, en passant par la maturité et la jeunesse, composent la première partie de l’ouvrage, suivis par un Cantique du Mont Ararat et un long épilogue pour la seconde partie. Entre les deux, samedi dernier au soir, pas d’entracte mais la fuite, ou la grande évasion, de dizaines de spectateurs, peut-être chassés par la froidure de l’instant ou par l’incompréhension de la chute introspective et apocalyptique. On l’a écrit en préambule, cette soirée avait des côtés étranges…

A la recherche du fil conducteur

Pour tenter d’y voir clair, on attendait beaucoup d’Andréa Férréol, récitante. Une fois son micro réglé, ses interventions entre jardin et cour essayent d’expliquer et soutenir l’action avec plus ou moins de bonheur. A ses côtés, devant une Sainte-Victoire qui passe du crépuscule à l’aube en toile de fond, et entre les sculptures de papier mâché de Guillemette de Williencourt qui signe une scénographie non dénuée d’intérêt, la distribution tente de livrer son texte de façon cohérente et intelligible. Mais le livret et l’écriture musicale de la pièce ne facilitent pas la tâche des intervenants, notamment dans les aigus.

Sébastien Guèze, Icare, Adam Barro, le prophète, Sébastien Fournier, songe d’Icare, tout comme Théodore de la Roncière et Anastase de Williencourt incarnant Icare enfant, font donc leur maximum pour clamer, plus que chanter, des phrases qui n’ont parfois que peu de rapport entre elles. Quant à Romain di Fazio, il livre un intéressant solo de danse devant le monstre à sept têtes.

A l’instar du texte, qui cherche son fil conducteur sans jamais vraiment le trouver, la composition musicale, servie par un orchestre attentif duquel Yaïr Benaïm obtient nuances et couleurs, est construite autour de diverses origines, de temps et de lieux, classique, jazz, musiques du monde. Les interventions de solistes sur scène (Jean Ferrandis, flûte – Emmanuel Rossfelder, guitare – Michel Deneuve, cristalliste – Yaïr Benaïm, violon – Jean-Christophe Hurtaud, flûte à bec – Dominique de Williencourt, violoncelle) sont quant à elles autant de respirations bienvenues au long de la représentation. Créée à Paris au cirque d’hiver il y a un peu plus d’un an, cette « Apocalypse d’Icare » diversement appréciée, on l’a dit, était proposée à Aix-en-Provence dans le cadre de l’événement « Cezanne 2025 ».

Michel EGEA

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