Innovation. Du pipi à la prairie : quand l’urine nourrit les plantes grâce à Ehotil une start-up marseillaise

Transformer l’urine humaine en engrais, c’est le principe mis au point par Ehotil, une start-up marseillaise. L’idée est de récupérer le contenu des urinoirs ou des toilettes sèches et, après transformation, de pouvoir nourrir les cultures hors-sols, le maraîchage ou l’horticulture. Explications.

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Emmanuel Morin, Directeur général d’Ehotil et Stéphane de Lacroix de Lavalette,ingénieur agronome © Joël Barcy

Repenser l’assainissement

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Collecter l’urine et la transformer en engrais pour alimenter les plantes © Joël Barcy

Repenser l’assainissement par la valorisation de l’urine humaine. Chaque jour des tonnes d’eau sont dépensées pour évacuer les urines dans les stations d’épuration. Pour éviter cela, la start-up Ehotil a trouvé la solution:  collecter ces urines et les transformer en engrais pour alimenter les plantes. L’idée a germé dans la tête de deux ingénieurs qui se sont rencontrés au sein d’une fanfare. Le directeur général, Emmanuel Morin avait déjà fondé une société de toilettes sèches pour valoriser les matières fécales par compostage mais pas les urines. « En discutant avec Stéphane, qui est ingénieur agronome, on a pu avancer sur ce dossier, raconte Emmanuel Morin. Il m’a dit qu’on pourrait faire des engrais parce que les éléments qui composent les urines sont les mêmes qui composent les engrais. »

Nitrification

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L’urine va ensuite passer dans un réacteur pour être transformée en engrais assimilable par les plantes ©Joël Barcy

Stockée environ un mois pour être stabilisée l’urine va ensuite passer dans un réacteur pour être transformée en engrais assimilable par les plantes. Cette nitrification passe par le développement de bactéries. Un système complexe au regard de la concentration de l’urine. « Ces bactéries vont avoir des conditions dans lesquelles elles vont être en bon état, elles vont fonctionner, elles vont croître, résume Laurie Degeorges, doctorante au laboratoire M2P2 de l’université d’Aix-Marseille, et d’autres où elles vont se détériorer donc le plus compliqué c’est de comprendre et de trouver les paramètres optimaux pour qu’on puissse atteindre les meilleurs rendements et les meilleurs taux de nitrification de l’azote dans les urines.»

Un cercle vertueux

Ehotil propose finalement un cercle vertueux connu déjà au 18e et 19e siècle. Faute de tout à l’égout on récupérait les urines et les matières fécales des villes pour les transférer à la campagne et fertiliser les champs. Si le pipi fait forcément sourire les gens adhèrent au concept de l’engrais. «Il y a un côté amusant parce qu’on parle de pipi, sourit Stéphane de Lacroix de Lavalette, ingénieur agronome. Mais quand on discute du sujet les gens se rendent compte qu’il y a une logique derrière tout cela et qu’on l’a déjà fait dans le passé alors ils adhèrent au projet. »

De l’engrais normé

Mais cette fois l’ensemble est fabriqué dans les normes. Tout est filtré pour qu’il n’y ait plus de traces de médicaments. Pas d’odeur non plus. L’engrais liquide composé de nitrate, phosphore et sels minéraux est directement assimilable par les cultures. « Ce sera un intrant agricole haut de gamme, particulièrement qualitatif car le process de fabrication est très contrôlé, signale Adrien Gary, ingénieur agronome. La destination peut être de l’horticulture, la culture hors-sol ou les fleurs coupées alimentées via l’irrigation ou au goutte à goutte . De la culture à haute valeur ajoutée en tout cas. »

Certifications

En attendant les certifications européennes, la volonté d’Ehotil est de se développer, d’avoir des réacteurs plus gros pour traiter et transformer l’urine en engrais. Les points de collecte sont en partie identifiés avec les toilettes sèches ou les urinoirs sans eau déjà présents dans des centres commerciaux.
Reportage Joël BARCY

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