Biomim’expo à Marseille ce 28 octobre : Entretien avec son fondateur Alain Renaudin

Les participants de Biomim’expo ont été reçus ce lundi soir au siège de Pernod Ricard par Bruno Goimier, Directeur de la Communication chez Pernod Ricard France. Parmi eux, Alain Renaudin, président de NewCorp Conseil et fondateur de Biomim’expo intervient. Il plaide pour une révolution discrète: s’inspirer du vivant pour innover mieux et avec moins d’impact. À la veille d’une édition marseillaise réunissant chercheurs, entrepreneurs et acteurs publics, il défend une conviction simple : la nature, forte de 3,8 milliards d’années de R&D, est notre meilleur modèle. Entretien autour d’une filière d’excellence française, de la science comme boussole et d’un appel à « faire équipe » avec le vivant.

Destimed Alain Renaudin
Alain Renaudin, président de NewCorp Conseil et fondateur de Biomim’expo © Joël Barcy

« Le vivant, c’est un super designer »

Destimed : Pourquoi Marseille est-elle un cadre parlant pour évoquer la bio‑inspiration ?

Alain Renaudin : À Marseille, on est entre terre et mer. On est aussi entre nature et humanité : d’un côté, vous voyez la nature ; de l’autre, la ville. La bio‑inspiration, le vivant comme modèle, c’est à la fois un sujet de ré‑émerveillement devant les formes du vivant qui nous entourent et un formidable gisement de création de valeur pour l’entreprise, à partir du vivant. Le vivant, c’est un super designer, un super logisticien, un super fabricant de matériaux : il travaille en circuit court, ne produit pas de déchets, sait produire des couleurs sans pigments ni chimie, etc. Le principe de base, c’est : comment fait le vivant pour faire ce que j’ai besoin de faire, mais avec beaucoup moins d’impact ?

Nous sommes, en tant qu’espèce, très jeunes. Homo sapiens a environ 250 000 ans ; en face, la vie sur Terre totalise 3,8 milliards d’années d’essais‑erreurs et de R&D. Tout n’a pas 3,8 milliards d’années, bien sûr, mais quand vous voyez un oiseau voler, vous contemplez 150 millions d’années de recherche et développement. Le vivant, ce sont des « boîtes » ingénieuses à l’inventivité inouïe.

Des exemples concrets d’inspiration par le vivant ?

On s’inspire de nos structures osseuses pour fabriquer des matériaux plus légers, moins énergivores, qui consomment moins de matière : designers et architectes s’en emparent. On s’inspire aussi de l’ondulation des poissons pour concevoir une pompe cardiaque à ondulation (type CorWave) qui, demain, pourra sauver des vies. Autre exemple : s’inspirer des modes de communication des insectes en diffusant des phéromones au lieu de pesticides pour perturber l’accouplement -empêcher la reproduction sans tuer. L’idée générale est de comprendre comment marche le vivant et appliquer ses leçons aux activités humaines pour qu’elles soient moins polluantes, moins invasives, moins destructrices.

Parcours et déclic

Qu’est‑ce qui vous a donné envie de regarder le vivant ?

Je ne suis pas biologiste -contrairement à notre ami Gilles Boeuf. Je suis universitaire, économiste de formation (Sorbonne, Sciences Po), très généraliste. Je « tombe » dans le développement durable en 2002, au sommet de Johannesburg. C’est le moment où Jacques Chirac prononce « La maison brûle et nous regardons ailleurs ». Les lois NRE (Nouvelles régulations économiques)  arrivent et obligent les entreprises à rendre compte de leurs impacts ; le droit s’en mêle. On voit apparaître des « Monsieur/Madame Développement durable » en entreprise.

À l’époque, je dirige des activités à l’IFOP (études politiques, d’opinion, marketing) et je fais de la prospective. Je me dis : « Il se passe quelque chose, étudions‑le et répondons‑y ». Dix ans plus tard, je découvre le biomimétisme : on est un petit groupe à lancer une dynamique en France. Je me dis alors : « C’est formidable, mais pas assez connu. Il faut notre « CES » du biomimétisme : ainsi naît Biomim’expo, pour rassembler chercheurs et entrepreneurs et montrer à quel point le vivant est un maître — et pas juste un stock de matière. Se remettre en posture d’élève face au vivant fait beaucoup de bien.

Biomim’expo, une « grande cousinade » transversale

En quoi Biomim’expo est‑elle à part ?

J’aime dire que c’est d’abord une réunion de famille, une grande cousinade. C’est très transversal : pour inventer le monde de demain, il faut sortir des silos. L’événement rassemble chercheurs, entrepreneurs, industriels, associations, grands groupes… et nous portons un même étendard : considérer le vivant comme un modèle. Nous sommes une espèce jeune et déjà en péril ; le vivant, présent depuis 3,8 milliards d’années, a tant à nous apprendre si nous acceptons de descendre de notre piédestal et d’adopter une posture d’élève.

Marseille, édition spéciale

Que va‑t‑on vivre lors de l’édition marseillaise ce mardi 28 octobre ?

Appelés par le Sud, par « l’Année de la mer », par l’Université d’Aix‑Marseille et des réseaux d’entrepreneurs et chercheurs locaux, nous organisons l’édition 2025 au Palais du Pharo de marseille. Ce mardi 28 octobre nous attendons près de 1 500 personnes. Nous investissons 3 000 m² de showroom pour un parcours étonnant, par exemple:

  • des start‑up qui montrent comment diffuser des phéromones pour réduire les insecticides ;
  • des matériaux inspirés des structures osseuses, sobres en matière et en énergie ;
  • de l’agriculture régénérative (avec Biosphères et d’autres) ;
  • un défilé de mode bio‑inspirée à 12 h 20, mené par des stylistes et créateurs marseillais — et si la nature était directrice artistique ? ;
  • un focus « IA & biodiversité » : comment l’IA peut servir la protection du vivant ;
  • « la nature actionnaire » : donner un siège (et un droit de veto) à la nature dans certains conseils d’administration ;
  • environ 80 intervenants et animateurs tout au long de la journée ;
  • un concours de projets (record de dossiers cette année) : 16 finalistes, pitch de 3 minutes chacun, puis remise de prix ;
  • un film projeté en amphithéâtre : Nature, notre allié insoupçonné ;
  • un « salon du livre » avec, entre autres, Aïna Kéros (Cosmétique et biomimétisme) et Marc‑André Selosse (Nature et préjugés) ;
  • des ateliers participatifs (Fresque de la biodiversité, Fresque Océane…) ;
  • fabrication en public d’un récif artificiel de recolonisation de biodiversité marine (avec Seablocks) : une fois construit au Pharo, il sera installé au port de l’Estaque ;
  • et des espaces pédagogiques : l’expo des Petits Débrouillards, le Le PolarPODibus (expédition de Jean‑Louis Étienne)…

La journée se clôturera par « l’Appel du Pharo » : notre destin est de faire coalition, de faire équipe avec le vivant.

« Re‑carburer » au vivant

Le mot de la fin ?

Biomim’expo grandit mais reste convivial, presque familial. Beaucoup nous disent que ça fait du bien, que ça rassure, que ça ré‑enthousiasme. On a besoin de perspectives simples et fortes : se ré‑émerveiller du vivant, redécouvrir la biodiversité qui nous entoure. On ne protège jamais ce qu’on ne connaît pas. Nous avons en France une filière d’excellence -académique, entrepreneuriale, industrielle- et nous avons besoin de tous les joueurs sur la pelouse. La biodiversité est une partie de la solution au climat : moins de biodiversité, plus de carbone dans l’air. Si l’on veut décarboner l’atmosphère, l’urgence est aussi de re‑carboner les sols. Biomim’expo n’est qu’un échantillon d’équipe ; l’enjeu, c’est de changer d’échelle, de faire coalition -et de nous remettre, humblement, à l’école du vivant.

 

Science, coopération, entreprises. L’aparté de Gilles Bœuf, biologiste, Professeur honoraire au Muséum national d’Histoire naturelle

Destimed : Vous citez souvent la science comme boussole. Pourquoi ?

Gilles Bœuf : L’aventure commence en 2011 avec un premier colloque au Muséum national d’Histoire naturelle sur la bio‑inspiration. L’intérêt, c’est de relier des gens qui ne se connaissaient pas assez : industriels, chercheurs, ingénieurs. La clé du biomimétisme ? Un chercheur, un ingénieur et une entreprise, pour concrétiser. Il faut de la science -la science n’est pas une opinion-, de la politique (tous les partis doivent faire de l’écologie scientifique), des citoyens et ONG (sciences participatives), et bien sûr les entreprises.

Je parcours les entreprises depuis des années : conférences, formation des influenceurs qui veulent parler du vivant sans dire de bêtises. Avec Tara (départ de Lorient en 2009 pour 4 ans), on a montré la profondeur du vivant océanique ; on mesure à quel point la coopération, la symbiose, le mutualisme dominent. Si l’humain persiste à bâtir une économie uniquement sur la compétition, ça ne marchera pas. Il faut tuer trois défauts très humains : l’absence de prévoyance, l’arrogance (souvent masculine) et la cupidité.

Propos recueillis par Patricia CAIRE 

Biomim’expo de 9h à 18h. Palais du Pharo, Marseille. Billetterie en ligne. Tous publics. Tarifs adaptés à la carte, et tarifs de groupes possibles sur biomimexpo.com

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