Ce jeudi 18 décembre 2025 , au Port Center, le Smart Port Day #5 a joué pleinement son rôle : faire la démonstration, preuves à l’appui, que la transition des ports ne se résume plus à des intentions. Ici, l’innovation prend la forme d’outils testés, de prototypes éprouvés, de solutions co-développées entre grands acteurs portuaires, industriels, logisticiens, gestionnaires d’infrastructures et startups. Dans le cadre du Smart Port en Grand, l’événement, organisé par le Port de Marseille Fos, la CCIAMP et Aix-Marseille Université, avec le soutien de la Ville de Marseille, de la Métropole Aix-Marseille-Provence et de la Région Sud, a surtout marqué la clôture du Smart Port Challenge #5 : un cycle d’expérimentation pensé comme un laboratoire à ciel ouvert pour répondre aux transitions énergétique, écologique et digitale.

Au-delà des tables rondes et des échanges, cette 5e édition avait une portée symbolique : elle venait clore le Smart Port Challenge #5, programme d’innovation ouverte qui, depuis plusieurs années, sert de terrain d’expérimentation au territoire. Ici, pas de promesses hors-sol : les solutions présentées ont été co-développées entre grands donneurs d’ordre et entreprises innovantes, puis testées dans des environnements réels, au plus près des contraintes opérationnelles du port, de la logistique et des mobilités.
Une ambition : fédérer un écosystème et passer des idées aux preuves
Le Smart Port en Grand s’est progressivement imposé comme une démarche structurante, à la fois territoriale et industrielle. Son principe consiste à mettre en réseau les acteurs – grands groupes publics et privés, startups, PME, institutions, monde académique, économie sociale et solidaire- pour transformer le “port d’aujourd’hui” en plateforme de transition : décarboner les activités, rationaliser les flux, mieux exploiter les données, améliorer les usages et l’intégration au territoire. Le périmètre dépasse désormais le seul bassin marseillais : en s’étendant à l’Axe Méditerranée–Rhône–Saône, la démarche revendique une vocation logistique et fluviale plus large, avec l’idée d’un corridor d’innovation où l’on teste de nouveaux usages, de nouveaux services, de nouvelles infrastructures — et où l’on peut ensuite répliquer ce qui fonctionne.
Smart Port Challenge #5 : 34 candidatures, 8 défis, 8 solutions éprouvées
Lancée en juillet 2024, la cinquième édition du Smart Port Challenge a suscité 34 candidatures. Huit défis avaient été formulés par de grands donneurs d’ordre (port, compagnies, industriels, opérateurs, gestionnaires d’infrastructures…), en lien direct avec leurs problématiques : modernisation d’outils critiques, fluidification des escales, report modal, logistique urbaine décarbonée, eau et biodiversité sur sites minéralisés, dépollution de friches, nouvelles sources d’énergie, amélioration de l’expérience passager. Les lauréats ont été annoncés en octobre 2024. Puis, pendant près d’un an, chaque tandem “porteur de défi-entreprise lauréate” a bénéficié d’un accompagnement en sprints, fondé sur l’intelligence collective, avec l’appui du LICA et de l’équipe Smart Port Challenge : cadrage du besoin, itérations, tests, validation, mesure de la valeur, préparation du passage à l’échelle. À la clé : une dotation de 15 000 € par défi, mais surtout l’accès à des lieux d’expérimentation, à des données, à des ressources techniques et à un réseau d’acteurs capables de transformer un prototype en solution déployable.
Huit réponses concrètes aux enjeux du port du futur
Au Smart Port Day #5, ces travaux se sont matérialisés par la présentation de preuves de concept (POC) et de preuves de valeur. Huit solutions, huit angles d’attaque — mais un même objectif : faire du port un espace plus efficace, plus sobriété, plus intelligent, plus lisible.
Défi 1 – Neptune AI : moderniser un outil critique du port grâce à l’IA
Le système Neptune est le cœur numérique de la gestion des escales : documentation, coordination des acteurs, conformité, sécurité. Lancée en 2015, la plateforme est devenue lourde à maintenir. L’enjeu n’était pas de “patcher” mais de préparer une refonte solide, évolutive, compatible avec les usages numériques actuels.
Avec Himydata, l’idée est d’utiliser l’IA comme levier de transformation : analyser un code très volumineux, le documenter automatiquement, puis générer une base modernisée – avec une automatisation annoncée pouvant aller jusqu’à une large part du processus. Objectif : réduire les coûts et les délais, standardiser, fiabiliser, et ouvrir la voie à des fonctionnalités avancées.
Défi 2 – Port Call Workspace : une escale enfin “partagée” par tous les acteurs
Une escale, c’est une partition collective : pilotes, remorqueurs, terminaux, autorités portuaires, agents, services au navire… et des ressources critiques à synchroniser. Le défi visait à mieux prévoir et coordonner cette mobilisation pour gagner en fluidité.
La solution Pharaday propose un espace collaboratif, accessible sur mobile et ordinateur, où l’escale est suivie en temps réel : statuts, documents, échéances, informations terrain. L’IA vient alléger l’administratif (génération de documents, réponses à des questions opérationnelles), pour recentrer les équipes sur l’exploitation. Une phase d’expérimentation élargie, sur la base du volontariat, doit permettre de valider les gains en conditions réelles.
Défi 3 – Intermodalité prédictive : réduire la route en identifiant les “corridors verts”
Le constat est clair : le port a un potentiel rail/fluvial important, mais une large part des flux reste routière. Avec CMA CGM et DMS LOG, le challenge consistait à bâtir une approche digitale et prédictive : modéliser des combinaisons intermodales, comparer carbone/coût/disponibilité, et proposer des itinéraires plus vertueux.
Le pilote développé s’appuie sur l’analyse de flux et met en évidence une fenêtre d’action : une part importante des conteneurs peut être réorientée rapidement vers des solutions intermodales. Grâce à la prédiction, il devient possible d’anticiper les sorties, d’identifier les clients plus enclins au report modal, et de leur proposer des alternatives pertinentes. Ambition affichée : test opérationnel, puis déploiement élargi si les résultats sont confirmés.
Défi 4 – Fluvial + cyclo-logistique : organiser le dernier kilomètre sans camion
Comment passer d’un mode massifié (le fluvial) à une livraison urbaine fine (vélo cargo), avec des contraintes très concrètes : dégroupage, poids, gabarits, standardisation, productivité ? VNF cherchait un modèle reproductible.
La solution co-développée met en avant une chaîne hybride : barges pour amener en ville sans bruit ni émissions, puis cyclo-logistique pour distribuer “du premier au dernier mètre”. Testée et structurée à Lyon avec un écosystème d’acteurs, l’approche vise désormais le passage à l’échelle via un guide méthodologique, la mutualisation des flux, des leviers économiques et l’adaptation des outils (hubs, quais, connexions cyclables).
Défi 5 – F.L.O.R.E. : eau de pluie et biodiversité sur des sites très minéralisés
Sur un espace portuaire et industriel urbanisé, l’eau de pluie est souvent une contrainte. Le défi voulait en faire une ressource : mieux la capter, mieux l’utiliser, tout en créant des îlots de fraîcheur et en favorisant la biodiversité.
La solution F.L.O.R.E. associe désimperméabilisation et solutions végétalisées capables de fonctionner avec une logique d’autonomie en eau. Un démonstrateur à l’échelle 1 est engagé à Istres, et la projection sur un contexte portuaire sert de base à la réflexion sur la réplicabilité.
Défi 6 – SCAN360 : diagnostiquer les sols pollués plus vite, mieux, et à coût maîtrisé
La reconversion de friches est un levier majeur de réindustrialisation verte… mais l’incertitude sur l’état des sols ralentit les projets, renchérit les coûts et complexifie les décisions. Le défi de la CNR portait donc sur la fiabilisation, l’accélération et l’optimisation du diagnostic.
Avec ENVISOL, la solution combine mesures terrain via spectroscopies et modélisation 3D en temps réel, afin d’ajuster l’échantillonnage, réduire les itérations et sécuriser les estimations. Les gains annoncés portent sur le temps, la précision et une baisse des coûts d’investigation.
Défi 7 – Énergie houlomotrice : transformer les vagues en électricité locale
Dans un mix énergétique en transition, l’énergie houlomotrice est explorée comme complément : potentiellement locale, et à intégrer aux usages portuaires. Equans/Bouygues et HACE ont présenté une solution modulaire convertissant l’énergie des vagues via une technologie à air comprimé et turbine basse pression, y compris sur des vagues faibles.
Les cas d’usage évoqués sont très portuaires : alimentation d’équipements critiques, soutien au branchement électrique à quai (CENAQ), appui à des infrastructures numériques. Prochaine étape : structurer un collectif public/privé pour approfondir les études et préparer un démonstrateur.
Défi 8 – InfoPax : fluidifier les flux ferry et réduire le stress passager
Le port est aussi un lieu de passage, parfois complexe à comprendre : contrôles, chaleur estivale, files, services disséminés… Le défi, porté avec Corsica Linea et La Méridionale, visait à mieux guider les passagers tout en donnant aux opérateurs une vision des flux.
La solution GuideMe propose un parcours guidé via QR code, indique les services utiles, et permet de digitaliser certains contrôles. Un test a eu lieu au Cap Janet en haute saison 2025 ; l’enjeu est désormais de consolider l’expérimentation pour évaluer l’industrialisation et l’intégration dans les processus portuaires et compagnies.
Une journée de débats… et de démonstrations
Le Smart Port Day #5 a alterné tables rondes et pitchs, avant de laisser une large place aux démonstrations et au networking. L’objectif avancé est de faire se rencontrer décideurs, opérationnels, chercheurs, innovateurs et partenaires institutionnels – pour transformer des solutions “intéressantes” en solutions “adoptées”.
Au final, l’événement illustre une stratégie qui consiste à ne pas opposer transition et compétitivité, mais tester, mesurer, itérer — et bâtir un portefeuille d’innovations directement connectées aux usages du port, du territoire et du corridor logistique Méditerranée – Rhône – Saône.
La rédaction
Repères de calendrier
- Juillet 2024 : lancement des défis.
- Septembre 2024 : clôture des candidatures.
- Octobre 2024 : sélection.
- 23 octobre 2024 : annonce des lauréats.
- Octobre 2024 → novembre 2025 : expérimentation.
- 18 décembre 2025 : valorisation des solutions (Smart Port Day #5).



