Entraide. Fermer le Roy d’Espagne ou déposer le bilan de l’association

La Carsat Sud-Est a décidé d’assigner en justice l’Entraide pour la vente de la Maison autonomie du Roy d’Espagne à Marseille (8e). L’affaire passe, en référé, devant le tribunal ce lundi 11 mars à 14 heures. Occasion de revenir sur le dossier du Roy d’Espagne.

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Résidence du Roy d’Espagne de l’Entraide (Photo Joël Barcy)

L’affaire de la résidence autonomie du Roy d’Espagne à Marseille va connaître un nouvel épisode ce 11 mars avec un passage en référé devant le tribunal à la suite d’une assignation de l’Entraide devant la justice par la Carsat Sud-Est. Le bureau de l’Entraide tient à revenir sur les différents événements qui ont conduit à une promesse de vente du Roy d’Espagne et ce qui s’est produit depuis.

Alain Comba, membre du Bureau relate : « Avant les vacances d’été nous avons reçu une alerte émanant du Commissaire aux comptes qui nous prévient que la situation économique est inquiétante. On demande un audit au cabinet KPMG qui confirme». Le bureau de l’association, composé de bénévoles, apprend qu’il a trois mois pour trouver une solution sous risque de dépôt de bilan. «On va voir des banques, l’ARS… sans résultat», signale Jean-Pierre Francoul, le trésorier qui poursuit : «Le cabinet, après le commissaire aux comptes, nous recommande de céder un actif. Nous pensons au Roy d’Espagne car c’est le seul établissement où nous sommes propriétaires des murs et du terrain». Plusieurs promoteurs sont alors contactés. Jean-Pierre Francoul précise : «Tous, nous ont donné à peu près le même prix mais aucun ne voulait, sur une promesse de vente, nous prêter rapidement de l’argent si ce n’est Sifer qui s’est engagé à nous verser 3 millions d’euros. Ce n’est jamais de gaieté de cœur que l’on envisage de se séparer d’une partie de son patrimoine mais, parfois, pour sauver l’arbre il faut couper une branche».

L’Entraide met en exergue les difficultés qu’elle a rencontrées. Jean-Pierre Francoul décrit : « La résidence autonomie du Roy d’Espagne n’a jamais fait le plein car il faut savoir qu’elle est un peu loin de tout et ne dispose pas de transports en commun suffisants pour répondre aux attentes d’usagers. Usagers qui, je le rappelle, sont autonomes. Puis nous avons dû faire face au Covid. Il y a eu des décès, les consignes du ministère de la Santé via les ARS  nous ont empêchés de les remplacer par mesure de précaution et ils nous ont aussi interdit de réduire nos effectifs. Or, là où il nous faut 900 résidents pour avoir une situation saine nous n’en avions plus que 600 et, spécifiquement au Roy d’Espagne car, là où il nous fallait 75 résidents nous n’étions qu’à la moitié quand nous avions retrouvé un taux supérieur à 90% dans tous nos autres établissements. Et il faut encore savoir que la revalorisation du prix de journée entre 2018 et 2022 a été de 0,69%, bien loin de l’augmentation du coût de la vie. C’est ainsi que nous avons subi des pertes de 850 000 euros par an ». Pour Hervé Cilia, le président de l’Entraide : « Il faut mesurer à quel point l’effet Covid a été dévastateur. 35 établissements pour seniors ont fermé dans le département, sans se soucier des résidents, du personnel, sans que cela fasse réagir quiconque. Nous, nous ne mettrons dehors aucun résident. Et cette crise ne touche pas que notre département puisqu’un collectif régional breton, regroupant des Ehpad et des élus, a annoncé en début d’année sa volonté d’attaquer l’État en justice pour obtenir plus de financements afin de sauver leurs établissements dont la situation financière s’est fortement fragilisée à cause de l’inflation ».

Alain Comba rappelle : «Sous la précédente mandature l’Entraide a été confrontée à des difficultés en 2006. Elle avait alors obtenu un prêt de 5 millions d’euros du Département des Bouches-du-Rhône qui a été intégralement remboursé. Mais, cela a eu sur la durée de lourdes conséquences sur la maintenance des bâtiments et n’a permis aucun investissement durant de nombreuses années». Il aborde ensuite les  effets de l’annonce de la promesse de vente : « Lorsque la nouvelle est connue un collectif se forme, ce que nous pouvons comprendre, mais il ne nous a jamais contacté. Dans un premier temps il est dit que cette résidence ne peut fermer car les résidents y sont particulièrement bien, comme le personnel. Comme nous sommes contraints de maintenir notre position, des critiques se font jour, on parle de maltraitance des résidents comme du personnel». Hervé Cilia tient à préciser : «Un établissement a fermé l’an dernier. Les habitants du quartier apprennent que nous allons fermer à notre tour et ils ont peur de ce que vont faire les promoteurs. Je peux comprendre les craintes mais pourquoi ce collectif ne nous a pas contacté ? ».

L’Entraide, face à ces rumeurs, présente des documents de médecins, de résidents, de leurs parents… Le docteur Lavit, médecin coordonnateur, certifie «ne jamais avoir remarqué, de la part du personnel de la résidence, de malveillance, de geste ou de parole déplacée ». Elle tient à préciser : « Les résidents sont autonomes au Roy d’Espagne à la différence des résidents d’un Ehpad ». Brigitte Sage, dont la mère réside au Roy d’Espagne lance : « Je suis outrée du dépôt de plainte d’une résidente pour de prétendus actes de maltraitance ». Elle ajoute : «Même si ma sœur et moi avons été contrariées par l’annonce de la fermeture de la résidence 4 mois après l’installation de notre mère le personnel a toujours été serviable et prévenant avec maman». Roland Gamon, curateur d’une personne résidant au Roy d’Espagne avant de partir sur Aix-en-Provence avance : « Je n’ai rien à reprocher à l’Entraide. Certes, elle est obligée de vendre, c’est regrettable, mais elle ne peut faire autrement. Et en ce qui concerne le personnel, il  est remarquable et je n’ai jamais entendu la moindre critique à son encontre». A la suite de l’annonce de la fermeture, le docteur Blanc, psychologue, indique : « J’ai pu proposer des temps d’entretien en individuel et en groupe aux résidents» et « j’ai pu observer que les résidents étaient dans le processus de deuil : déni, colère, tristesse, acceptation. Ce processus est normal et plutôt adapté ». Il note d’autre part « ne pas avoir entendu de plaintes liées à la maltraitance » et conclut en signalant qu‘«un suivi psychologique a été proposé aux  résidents».

Concernant les salariés, l’Entraide a fait appel, en 2022, à deux psychiatres experts auprès de la Cour d’Appel d’Aix pour un audit des risques psychosociaux. Dans leurs conclusions les experts mettent certes en avant que si, concernant l’intensité au travail, le risque psychosocial est réel « il faudra cependant prendre en compte le lien de cette surcharge avec la pandémie de Covid ». Ils notent aussi « les problèmes des usagers ou des collaborateurs ne génèrent pas de difficultés particulières. (…) Les rapports sociaux au travail sont vécus comme satisfaisants pour la grande majorité. Ils ne constituent pas un risque psychosocial avéré ». De même, à propos des conflits de valeur et des conflits éthiques il est indiqué : « De façon spontanée lors de nos entretiens il n’a pas été verbalisée de plainte récurrente et systématique ».

Les syndicalistes veulent aussi faire entendre leur voix. Chrystel Aubert, FO, avance : « Bien sûr que cela nous a fait quelque chose d’apprendre la fermeture du Roy d’Espagne mais entre perdre une résidence et la totalité de l’Entraide il n’y a pas de questions à se poser. On sait très bien qu’il faut vendre le Roy d’Espagne car sans cela il y a un vrai risque pour l’ensemble du groupe. Et nous pensons aux salariés mais aussi à leurs familles, leurs enfants sachant que lorsque l’on approche les 50 ans il est très dur de retrouver un emploi ». Dridi Ardia, CGT, ajoute : « Pour sauver l’association il faut vendre le Roy d’Espagne et oui les salariés sont d’accord pour aller dans un autre établissement. Il faut savoir à ce propos qu’il y a eu un travail de fond, plusieurs réunions où tous les éléments ont été mis sur la table. Et quand vous amenez bien les choses automatiquement les salariés comprennent. Alors chacun veut garder son emploi, pérenniser l’Entraide ». Fatima Mema, FO, insiste par ailleurs sur le fait que les salariés ont été profondément choqués par les rumeurs de maltraitance.  Dubitative Cécilia Lombardo, CGT indique : «Je ne comprends pas. Ceux qui parlent de maltraitance ne veulent pas que l’établissement ferme. Ce n’est pas cohérent ».

Enfin Daniel Dubois, le directeur général adjoint avance : « Concernant la Carsat nous voulons réserver la primeur de nos propos au tribunal mais il est important de préciser que cet organisme ne débloque de l’argent que sur facture et vérifie sur site que les travaux ont bien été effectués ».  « Dans ce dossier, poursuit-il, on semble oublier que nous avons 841 personnes dans nos établissements dont nous nous occupons au mieux et 520 salariés, 760 avec les vacataires. Est-ce que l’on imagine le drame humain, social que cela représenterait si nous devions déposer le bilan ?».

 Reportage vidéo Joël BARCY, rédaction Michel CAIRE

 

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