Un dessin de jeunesse de Paul Cézanne et une rare lithographie de la grande exposition Cezanne chez Vollard en 1898, dont les acquisitions ont été rendues possible par l’engagement du Fonds de dotation Aix-en-Provence Mécénat, font désormais partie des collections du Musée Granet. Les œuvres ont été officiellement remises le 18 juillet à Sophie Joissains, maire de la ville.

Un carnet de dessins familial
« Soldat et vieille femme » et « Paysage au calvaire » : sur la même planche, recto et verso, on découvre ces deux œuvres. En fait, cette feuille appartenait à un carnet de dessins familial utilisé à la Bastide du Jas de Bouffan par Paul Cezanne et sa sœur Marie et, plus tard, par leur petite sœur Rose. Le premier de ces deux dessins, réalisés en 1856-1857, a été authentifié comme étant du Maître d’Aix, le paysage, lui, a été attribué à Marie Cezanne. La planche appartenait donc à un carnet qui rassemblait 18 feuillets et 36 dessins. Mais au fil du temps, cet ensemble a été démembré ; aujourd’hui la couverture du carnet est conservée au Musée Granet et le corps, comprenant 24 dessins, la moitié de Paul Cezanne, 11 de Marie et un de Rose, est conservé quant à lui au Musée d’Israël à Jérusalem. Il manque donc six feuillets dont on perd la trace au fil du temps. Deux sont réapparus en 2018 à New-York lors de ventes à des collectionneurs privés.
Le soldat et la vieille femme
Le dessin qui nous intéresse est identifié en 2019 à Cannes au cours d’un inventaire de succession. Pour cause de crise sanitaire il faudra attendre deux ans pour avoir la confirmation qu’il est de Paul Cezanne. En fait, le format et le type du papier correspondent au carnet de Jérusalem, quant au sujet, le soldat notamment, il correspond à la thématique développée dans ce carnet. Quant à la technique utilisée, encre brune sur traits de crayon, elle est propre aux premiers dessins de Cézanne. Le dessin représente une vieille femme assise, de face et pieds nus, tenant une fiole dans sa main droite. A sa gauche, debout et de profil, un soldat caqué serre une petite bouteille dans sa main gauche et la lui montre du doigt. Il est, lui aussi, pieds nus.
26 000 € aux enchères
La vente aux enchères de l’œuvre est programmée à Reims le 13 mars 2022 et le musée Granet en est informé. Rapidement, une mobilisation se met en place en lien direct avec Sophie Joissains et Marie-Pierre Sicard Desnuelle et le Fonds de dotation entre en action. Une vente gré à gré n’étant pas souhaitée par les vendeurs, il faudra passer par l’incertitude des enchères et rien n’est joué, le dessin étant le clou de la vente. Conseillé par Denis Coutagne, le Fonds identifiera un montant d’enchères raisonnable dans le contexte du marché et sa proposition à 26 000 € ne sera pas couverte. Un montant cohérent avec la mobilisation des mécènes et qui au total s’élèvera à quelque 40 000 € avec les frais de vente, la restauration et l’encadrement du dessin désormais inclus dans le catalogue raisonné de l’œuvre de Paul Cezanne.
L’efficacité du mécénat
En cette année « Cezanne 2025 » qui voit la renaissance de la Bastide du Jas de Bouffan, l’enrichissement du patrimoine de la ville avec ce dessin réalisé dans la demeure familiale du peintre est plus que symbolique; elle renforce la volonté de reconnaissance d’Aix-en-Provence pour le père de l’art moderne. Par ailleurs, avec l’apport de la lithographie-catalogue de 1848, qui entre aussi dans les collections du Musée Granet, l’action de mécénat de grandes entreprises de la ville, consacre idéalement l’union du secteur économique avec celui de la culture. Rappelons que le Fonds de dotation Aix-en-Provence Mécénat participe à la restauration de la Bastide du Jas de Bouffan et qu’elle a permis la parution de « Cezanne, Les Lauves », ouvrage collectif de référence sur l’atelier et le site cezannien des Lauves sous la direction de Denis Coutagne et François Chedeville.
Michel EGEA