Aix-en-Provence. Théâtre du Jeu de Paume. Louis Caratini enflamme le public durant deux soirs avec « Tu connais la chanson ?»  spectacle participatif en forme de blind-test

Dans l’écrin du Théâtre du Jeu de Paume d’Aix-en-Provence, propice en matière de musique classique à promouvoir des orchestres de chambre férus de Rameau, Schubert ou Mozart, la programmation de Louis Caratini a de quoi surprendre. Bien en a pris à Dominique Bluzet patron du lieu que d’avoir ouvert ses portes à cet artiste incroyable de virtuosité, pour deux soirées de concert inouïes et inoubliables.

Destimed Louis Caratini dans Tu Connais La Chanson ©Jerome QUADRI
Louis Caratini dans “Tu Connais La Chanson” ©Jérôme Quadri

Des Aixois en liesse, une standing ovation des plus chaleureuses, la découverte pour pas mal de spectateurs de chansons plutôt anciennes comme « Mon amant de Saint-Jean », l’engouement affiché des plus jeunes pour Pomme, ou Stromae, le show fut complet. Il faut dire que la forme s’y prêtait. En effet « Tu connais la chanson ? » proposé par Louis Caratini dans une mise en scène inventive, de Charlotte Adrien qui a co-signé avec lui le texte du programme et une régie son d’Aurélien Dalmasso jouant sur les lumières et un son parfait, se présente comme un savoureux blind-test sur la chanson francophone. Chacun y trouvant son bonheur.

De Lavilliers à Amel Bent dont la chanson « Ma philosophie » fut introduite avec drôlerie manière Vincent Delerm comme s’il s’agissait d’une préface à une conférence sur Heidegger, d’Aznavour à La Rue Ketanou, de l’incontournable Trenet au pratiquement inconnu  Québécois Alexandre Poulin signataire du chef d’oeuvre « L’écrivain » joué par Louis Caratini à… la machine à écrire, de Jacques Higelin à William Sheller, de Gainsbourg à Montand avec « Quand tu dors près de moi » écrit par Françoise Sagan pour le film « Aimez-vous Brahms ? » en passant par Julien Clerc et son association avec  Roda-Gil, ou Johnny, pour qui Roda-Gil (ajoutons-le) changea les paroles de la chanson « Le marché aux puces » de Joe Dassin pour en faire « La guitare fait mal », Ils sont venus, ils étaient (presque) tous là. Sans oublier Barbara, Diane Tell, Mylène Farmer, Angèle Catherine Ringer et Piaf pour une partie très féministe du spectacle on mélangea ici grands standards, chansons poétiques et titres plus populaires.

Dans un de ses textes Marguerite Duras signalait en son temps qu’il ne faut pas se moquer ni mépriser justement les chansons populaires, car ce qui est grave pour nous dans notre vie sentimentale c’est que… « Capri c’est fini ». La réaction du public est allée dans ce sens, qui, non content de répondre aux questions posées par Louis Caratini sur l’origine des titres et des noms de leurs signataires n’a pas hésité à reprendre avec lui les refrains qu’il connaissait. Des morceaux de chansons qui, de toute évidence, comme l’a fait remarquer en aparté une spectatrice à la fin du concert rappellent ce que nous vivions et avec qui surtout nous étions accompagnés au moment de la sortie de l’opus.

« Sur mon chemin de mots » et « Les gens qui doutent » d’Anne Sylvestre

Destimed Louis Caratini au piano Photo Jerome Quadri
Louis Caratini au piano (Photo Jérôme Quadri)

Réflexion en filigrane sur la création, la notion d’écriture, la naissance d’une inspiration, ou comment on fabrique un titre, « Tu connais la chanson ? », débordant d’anecdotes fut un exceptionnel moment truffé d’hommages au plus grands artistes comme à ceux en devenir. Avec des moments suspendus hors du temps comme lorsque Louis Caratini s’installa au piano pour interpréter « Sur mon chemin de mots » d’Anne Sylvestre et plus tard à la guitare « Les gens qui doutent » de cette même grande dame de la chanson française qui n’aimait pas qu’on dise d’elle qu’elle était « une grande dame de la chanson française. » Anne Sylvestre dont il raconte en quelques mots l’incroyable parcours et dont on ne le souligne pas assez qu’elle signa des musiques incroyablement belles. Précisons à ce sujet, même si ce n’est pas évoqué dans le spectacle, qu’en effet Anne Sylvestre signa pour la chanson « Racines » de Catherine Ribeiro, non un texte mais une mélodie…

Louis Caratini, chanteur auteur-compositeur magicien des mots et comédien bondissant

Enfant de la balle dont le père fut un des musiciens accompagnant Maxime Le Forestier sur scène, Louis Caratini semble savoir tout jouer, est à l’aise avec toutes les musiques, classiques, jazz, blues, connaît tout, et propose un tour d’horizon de la chanson francophone donné avec humilité et éclat. Auteur-compositeur lui même, qui offrit deux de ses titres (ce fut le moment le plus bouleversant du récital) Louis Caratini est également un comédien hors normes qui électrisa son public. Il fallait le voir escalader un des balcons du Jeu de Paume et venir parler avec un tel ou une telle pour s’en convaincre si besoin était. Cela a duré plus d’une heure trente, ça aurait pu durer le double, tant cette fête des mots et du son interprétée à la machine à écrire au piano, au clavecin, à la guitare et au clavecin offrit un voyage musical drôle autant qu’érudit. On fut également emballé par l’improvisation donnée par Louis Caratini à partir de mots lancés par le public, là aussi très interactif. Et pour citer Brassens qui parlait certes de tout à fait autre chose, on dira de Louis Caratini que « tout est bon chez lui, y’a rien à jeter. »

Jean-Rémi BARLAND

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