Les candidats américains à l’asile se sont bousculés aux portes d’AMU. 300 en trois semaines et près du double ont pris des informations. Les coupes sombres dans la recherche prises par Trump, les licenciements et autres mots interdits de citer ont incité des chercheurs à franchir l’Atlantique dans le cadre du programme «safe place for science », un lieu sûr pour la science.

Des mots forts
AMU est la première université européenne à s’investir aussi massivement dans l’accueil des chercheurs américains. Pour son président, Eric Berton, c’est un engagement, un acte militant symbolique « en réaction à la censure de la liberté académique et à la chasse aux scientifiques du gouvernement Trump. » Il rappelle d’autres périodes sombres de l’histoire. « Il y a plus de 80 ans, l’Amérique accueillait les chercheurs exilés alors que la France sombrait, à ce moment-là, sous l’occupation et la répression. Beaucoup ont trouvé refuge aux Etats-Unis pour travailler librement. Voici qu’aujourd’hui, dans un triste renversement de l’histoire, ce sont certains d’entre vous, scientifiques américains, qui venez en France chercher un espace de liberté de pensée et de recherche. Cette situation nous bouleverse profondément et nous oblige. Elle nous rappelle que la liberté scientifique n’est jamais acquise et qu’elle doit être protégée, toujours. »
« Tout le système est attaqué »
La scène est étrange dans le hall du Laboratoire d’astrophysique de Marseille (LAM). Un pupitre, 8 chaises disposées en regard et les journalistes parqués derrière un beau cordage bordeaux. On interroge sur la difficulté de faire du « champ contre champ » puis un briefing apporte l’explication. Une partie des chercheurs ne veut pas être filmée et encore moins répondre aux questions. Seuls deux s’y prêteront en évoquant un système de recherche attaqué, des financements qui n’arrivent plus voire des licenciements.
« Je m’appelle James »
pour « éviter que mes collègues de l’université ne subissent des représailles ». On sent que cette période est dure à vivre pour lui. C’est toute une vie à tenter de reconstruire. « C’est très décourageant d’être un chercheur actuellement aux Etats-Unis. Il y a plein de mots qu’on ne peut plus utiliser. Le domaine pour lequel je travaille, le climat et l’environnement sont visés dans deux sens. Ce sont des thèmes qui sont difficiles politiquement à aborder et on a beaucoup moins de soutien financier. » James a entendu parler du programme « safe place for science » et « je pense que ce sera une manière beaucoup plus fiable de continuer mes recherches. »
Même sentiment pour Bryan Sandberg. Ce professeur d’histoire dans l’État de l’Illinois devait rejoindre la France dans le cadre d’une collaboration avec l’AMU. Il n’est donc pas tout à faire un réfugié mais il fait le même constat. « Tout le système éducatif est visé par l’administration Trump. Il y a des étudiants qui sont menacés de perdre leur bourse d’études, il y a des professeurs qui ont été licenciés. Moi j’avais des bourses dans le passé dans le domaine des sciences humaines mais tout est démantelé. »
300 candidatures
300 candidatures officielles en provenance de chercheurs américains ont été déposées à l’AMU. Ces chiffres ont étonné Eric Berton. «Cela prouve qu’il y a un besoin, qu’Aix-Marseille Université est aussi une université désirée par les chercheurs. Ils seront payés au salaire français mais ils auront les moyens pour accueillir des étudiants et des post-doctorants dans leurs travaux. »
Un plus pour l’AMU
Si certaines voix se feront entendre en disant que la recherche française n’a pas les moyens d’accueillir ces réfugiés scientifiques, le président de l’AMU estime que « la recherche est mondiale, les collaborations multiples et que cela servira le pays ». Dans le laboratoire d’astrophysique de Marseille on espère bien accueillir deux chercheurs. « C’est un plus car ces chercheurs ne viennent pas seuls mentionne fièrement le directeur du laboratoire, Stéphane Arnouts. Ils seront environnés. Ils vont embaucher des étudiants et des post-doc, donc ça permet de construire un groupe avec une force de travail, une force de frappe conséquentes. »
Un labo à la pointe
Plusieurs unités composent le LAM, le laboratoire astrophysique de Marseille. La plateforme polaris, est chargée du polissage de miroirs. 16 paraboles vont intégrer un télescope d’un centre de recherche de la Nasa pour imager les exoplanètes. « Tout l’art du polissage c’est de donner la bonne forme au miroir, tout en lissant la surface, explique scientifiquement Johan Floriant, ingénieur de recherche en optique. Il faut éliminer les rugosités. On les voit bien sous le microscope et après polissage on découvre ce fond gris, qu’on ne voit pas en fait ! » Quelques couloirs plus loin dans une vaste enceinte cylindrique sont tester les instruments optiques de grande dimension appelés à partir dans l’espace. Les assemblages s’opèrent au micron près. «Des pièces du satellite Euclide lancé en 2023 ont été testées dans cette enceinte Erios », rappelle fièrement Mickaël Carle, ingénieur au LAM.
Arrivée en septembre
La vingtaine de chercheurs, peut-être plus, si l’État met la main à la poche, rejoindra AMU en septembre. Forte de 80 000 étudiants, Aix-Marseille est la première université française elle figure dans le Top 5 des universités françaises au classement de Shanghai.
Reportage Joël BARCY