Avignon. Entretien avec Harold David : Le festival OFF est « le miroir inversé des difficultés du spectacle vivant »

1 724 spectacles à l’affiche, 139 théâtres sur le pont, le festival OFF bat à nouveau tous les records. Mais,  s’il rime avec fête et richesse du spectacle vivant, il masque la crise profonde que subit le secteur face aux désengagements des financements publics. Rencontre avec le codirecteur du festival OFF, Harold David.

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Harold David, codirecteur du festival OFF ©Johanna Baschke

 Destimed: Pour la première fois le IN et le OFF sont au diapason, c’est un vrai plus ?

 Harold David: L’alignement des dates, porté par les deux festival (du 5 au 26 juillet) apporte de la clarté. Auparavant le OFF se prolongeait 4 ou 5 jours après le IN et on notait une baisse de la fréquentation en fin de festival. Là, on commence et on finit en même temps, c’est plus clair pour le public.

Vous annonciez l’an passé qu’on aurait toujours plus de spectacles à l’affiche. C’est le cas ?

Oui, on atteint un record avec 1 724 spectacles programmés. L’inflation dont vous parlez est un peu mathématique. Pour des raisons financières, une partie des compagnies ne peut pas rester trois semaines alors on saucissonne les créneaux dans les théâtres, on alterne journées paires et impaires. Cela marque la crise dans laquelle nous sommes, les troupes veulent être à Avignon à tout prix pour exister.

C’est un gage de survie ?

Oui en quelque sorte. Le OFF est devenu incontournable pour montrer son travail, pour exister et avoir des tournées postérieurement. 2 200 professionnels sont accrédités dont 1 500 programmateurs. C’est l’occasion de les rencontrer. Les compagnies sont toujours plus nombreuses à vouloir participer et on passe notre temps à refuser des propositions tout au long de l’année.

Avec 1/3 de créations le OFF demeure un laboratoire de la création ?

Plus de 500 spectacles sont proposés pour la première fois. Le OFF c’est le lieu de la découverte, du défrichage. La fidélité des spectateurs est en partie liée à cela. Le type de production a sérieusement évolué ces dernières années et la qualité s’est énormément accrue avec l’arrivée de compagnies conventionnées et subventionnées. Le OFF est vraiment le reflet du monde. Il brasse de nombreux thèmes de sociétés qui sont interrogés et invitent à réfléchir.

Avignon est le reflet d’une réalité paradoxale, c’est une grande fête mais la crise du spectacle vivant est profonde?

Il n’y a que des difficultés actuellement dans le spectacle vivant. Avignon est la caisse de résonance. Le désengagement des financeurs publics est patent et cela impacte la vie des compagnies. 2025 sera une année charnière. Difficile de prédire quelles seront les conséquences à moyen terme. Les troupes savent faire preuve d’agilité et de résilience mais à un moment ce sabrage dans le budget des compagnies va se faire sentir. Durant 3 jours, du 11 au 13  juillet des ateliers et des tables rondes évoqueront ce sujet mais la casse sociale dans l’artistique et la technique est une vraie menace.

 De votre côté vous essayez d’avoir un public toujours plus varié et de vous rapprocher au plus près des spectateurs.

On multiplie les innovations pour toucher un public toujours plus large. Nous aurons pour la première fois un village enfants/ famille à destination des 30-40 ans, ils sont les moins présents dans le OFF. L’idée est de les inciter à venir, de montrer que le festival est aussi à la portée des parents avec jeunes enfants. Autre nouveauté on va avoir, comme au OFF d’Édimbourg (Écosse) qui est notre frère jumeau en quelque sorte, une billetterie physique au village du OFF. On a voulu remettre de l’humain au cœur du spectacle vivant. Les visiteurs pourront obtenir des informations sur les théâtres, dialoguer dans la file d’attente avec d’autres festivaliers, le bouche à oreille va fonctionner et on sait le poids qu’il a dans la prescription des spectacles. A Édimbourg cette billetterie complémentaire au numérique a entraîné une hausse des ventes de places.

Comme tous les festivals vous voulez aussi être écoresponsables?

 Depuis l’an passé, des dizaines de troupes utilisent le ferroutage pour transporter leur matériel à Avignon au lieu d’utiliser des camions. La région a aussi adapté les horaires de trains pour permettre aux festivaliers de venir et repartir en TER. C’est énormément de CO2 d’économisé.

Quels sentiments à quelques jours de l’ouverture ?

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De l’excitation, de la tension nerveuse et une grande joie de voir les artistes dans la rue et un public impatient d’assister aux spectacles. C’est la fête, malgré toutes les incertitudes qui touchent le spectacle vivant.

Propos recueillis par Joël BARCY

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