Avignon, festival OFF. « Des fleurs pour Algernon », une pièce fascinante, bouleversante, portée par un magnifique acteur

Le spectacle est adapté du roman de l’Américain Daniel keyes, « Des Fleurs pour Algernon ». Un livre de science-fiction où l’utopie se mue en dystopie. William Mesguich incarne merveilleusement Charlie, un simple d’esprit. Sa diction, sa gestuelle évoluent à mesure que Charlie se transforme.

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William Mesguich incarne Charlie Gordon @©Isabelle Simon

 

Un décor glacial

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“Des fleurs pour Algernon” @Isabelle Simon

Le décor est sombre, froid. Sur l’avant-scène un homme est recroquevillé sur un tabouret. C’est Charlie Gordon, un simplet, son QI est inférieur à 70. Il est appelé à être le cobaye d’une expérience scientifique. Derrière des rideaux, deux musiciens rythment ses émotions intérieures. Charlie Gordon, dans un monologue nous raconte sa pensée intime, son évolution à travers son journal intime.

Une souris et un homme

Deux chercheurs ont réussi à augmenter l’intelligence d’Algernon, une souris de laboratoire. Encouragés par ses fulgurants résultats, ils tentent ensuite l’expérience sur un homme. Charlie est le parfait prototype. Il est limité intellectuellement, le benêt vit dans un monde fait de naïveté et de bonheur et réunit un important atout : il a envie d’apprendre. La science est en marche. L’opération chirurgicale semble inopérante puis, progressivement, Charlie se transforme.

 Interprétation remarquable

«Plus tu deviendras intelligent, plus tu auras de problèmes, Charlie». La phrase est prémonitoire. Quand il prend conscience qu’il devient plus intelligent, de nouveaux sentiments, des émotions nouvelles naissent. Le « nouveau » Charlie a honte de l’ancien Charlie. Il découvre qu’on l’a toujours pris pour un imbécile, qu’on s’est moqué de lui sans qu’il ne s’en doute : « C’est facile d’avoir des amis si vous avez laissé les gens rire de vous», confie-t-il dans son journal. William Mesguich traduit à merveille cette évolution du simplet qui se mue en être intelligent. Sa voix, sa gestuelle, le corps qui se redresse… On vit, on ressent cette transformation, accentuée par la musique. L’utopie est là.

Conte philosophique

Mais progressivement l’horizon s’assombrit. Algernon, son double animal, devient agressive envers lui, puis meurt. Charlie va-t-il subir le même sort ? Après son ascension intellectuelle, sa prise de conscience du mépris qu’il subissait, va-t-il sombrer dans l’oubli ? Il s’interroge comme l’auteur du roman « Je me demande ce qui est le pire : ne pas savoir qui l’on est et être heureux ou devenir qui l’on a toujours voulu être et se sentir seul ».  Derrière les mots de Charlie, il y a toute la souffrance d’un être incompris, d’un être qui n’a sans doute pas la maturité affective d’assumer sa transformation. Il plonge vers un oubli inéluctable, se sent abandonné. On aimerait lui venir en aide tant son humanité est bouleversante. On reste avec cette interrogation philosophique. Peut-on vivre heureux sans comprendre, ou comprendre sans souffrir ?

Joël BARCY

«Des fleurs pour Algernon », Théâtre du Roi René à 9h45 jusqu’au 26 juillet. (relâche le 23)

 

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