Avignon. Théâtre du Chêne noir. Robin Renucci en osmose avec Camus dans la lecture d’extraits du livre «Le premier homme»

Robin Renucci excelle dans la fréquentation des auteurs contemporains ou classiques. Pour preuve les enregistrements audios d’œuvres signés Confucius, Maupassant, Kafka, Zola, Fred Uhlman, Hervé Le Tellier, ou sa participation à l’intégrale du chef d’oeuvre de Proust «A la recherche du temps perdu». Aussi accueillait-on avec un intérêt extrême sa lecture d’extraits du texte de Camus « Le premier homme » donnée sur la scène d’un Théâtre du Chêne noir à Avignon archicomble.

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Robin Renucci, et le violon émouvant de Bertrand Cervera pour une lecture magnifique d’extraits du «Premier homme» d’Albert Camus. (Photo Clément Vial)

Non seulement nous n’avons pas été déçus, mais nous avons été subjugués par la netteté, la précision, et la perfection de ce moment produit par le Théâtre National de Marseille La Criée, qui de fait s’est transformé au fil des minutes en un authentique spectacle. D’une voix assez exceptionnelle et accompagné au violon par Bertrand Cervera, offrant des morceaux entre chaque chapitre, Robin Renucci a saisi en une heure l’essentiel de ce qui fait la spécificité du livre de Camus édité chez Gallimard en 1994, où il est dit en sustance : «Le temps perdu ne se retrouve que chez les riches.»

Monsieur Germain, l’instituteur qui ouvrit les portes de la littérature et de la liberté

Revenant sur son enfance en Algérie Camus y évoque un père inconnu, une mère douce et courageuse, une grand-mère autoritaire, quelques copains de classe, l’oncle Ernest atteint de surdité, inséparable de son chien se prénommant Brillant, et cet instituteur monsieur Germain qui lui ouvrira les portes de la littérature, et lui permettra en l’inscrivant à un examen de boursiers de sortir de la misère qui est, dit l’auteur, « une forteresse sans pont-levis. »

Cet enseignant républicain  qui lui offrira « Les Croix de bois » de Dorgelès, et à qui il adressera plus tard, une fois devenu écrivain, une longue lettre de reconnaissance, publiée par Gallimard, à la fin de l’ouvrage. Le vent à Alger, les Salettes où on mangeait des frites, une blessure à la main, l’importance des livres, l’évocation de la richesse et de la pauvreté, la description du monde des démunis, autant de thèmes abordés par Camus que Robin Renucci a su mettre en lumière par les pages lues avec émotion, sobriété, et une communion parfaite avec l’esprit du chef-d’oeuvre inachevé d’un auteur puissant.

Un homme humble au demeurant s’exprimant dans un récit à la prose chargée d’images, où il confiait en préambule : «En somme je vais parler de ceux que j’aimais». Un texte qui symbolise ce que Camus a toujours voulu faire, c’est à dire parler au nom de ceux à qui la parole est refusée. Un livre où il avait jeté les bases de ce qui serait le récit de l’enfance de son « Premier homme » et, où l’on voit apparaître les racines de sa personnalité, sa sensibilité, la genèse de sa pensée d’homme révolté, les raisons de son engagement. Le tout servi comme on l’a dit par Robin Renucci au sommet de son art de lecteur-comédien, accompagné ici par le violon très émouvant de Betrand Cervera.

Jean-Rémi BARLAND

« Le premier homme » d’Albert Camus est disponible chez Gallimard, collection blanche ou en Folio n° 3320.

 

 

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