Chronique littéraire de Christine Letellier : « Mémé, tout simplement « 

Publié le 19 juillet 2014 à  9h54 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h57

Rugueuse à la tâche, dure avec elle-même, elle s’appelait Denise, une taiseuse deux fois veuve qui aimait la terre, ses bêtes et son petit-fils
Le livre que consacre Philippe Torreton à sa grand-mère est un pur bonheur de lecture, on le respire, on reconnaît les odeurs qui nous berçaient enfant lorsque l’on avait la chance d’être confié, le temps des vacances, à une tante ou une grand-mère à la campagne.

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Mémé, c’est Denise, une fermière normande, deux fois veuve, une belle âme qui donnait à ses vaches des noms de filles et faisait grandir son «bésot» à grand renfort de soupe de riz et de tartines de graisse de porc. Et c’est qu’il en avait besoin le petit Torreton !
Né fragile, plutôt gringalet ensuite, ses parents l’avaient confié tout jeune à sa grand-mère pour qu’il devienne un «p’tit gars» bien grand et costaud.
C’est ainsi que Philippe Torreton, né à Rouen, découvrit le canton de Pont-Audemer, la vieille maison de Grand-mère toute étriquée, pas chauffée mais fleurant bon la pomme à cidre et le foin coupé.
Le futur acteur de la Comédie Française y a appris à nourrir les bêtes, à couper le bois, à grimper aux arbres et travailler la terre, à faire des économies de bouts de ficelle, à ne rien jeter car tout peut être réutilisé, comme lui apprenait l’infatigable Mémé.
Si ce livre a tant de succès, ce n’est pas un hasard, on a tous en nous une « Mémé » qui sommeille, l’a-t-on connue, l’a-ton rêvée ou imaginée, peu importe, l’auteur nous offre la sienne et comme lorsque l’on était enfant le frottement des pantoufles de Mémé sur le vieux carrelage nous rassure, on n’a plus peur du loup, on ne craint plus les fantômes en entendant une serrure mal huilée grincer…
Philippe Torreton n’est pas resté à Triqueville, il est devenu «un gars de la ville» et même plus, un acteur, fichtre !
A plus de 80 ans, Mémé Denise a voulu en avoir le cœur net. Elle ne quitterait pas ce monde sans l’avoir vu sur scène.
En 1995, elle qui était née en 1914, prit pour la première fois le train corail en gare de Bernay (Eure) pour venir applaudir à la Comédie Française son petit-fils dans le Barbier de Séville.
Philippe Torreton ne le cache pas : jamais il n’eut autant le trac que ce jour-là. Il n’a rien oublié, la robe toute neuve qu’elle portait alors qu’elle ne quittait jamais ses vieilles blouses à fleurs, ses cheveux bien coiffés, Mémé, il ne voyait qu’elle. Elle l’a applaudi, serré dans ses bras, puis a repris son train et n’est plus jamais revenue à Paris.
On connaissait l’immense talent de l’acteur plusieurs fois récompensé lorsqu’il était à la Comédie Française pour y avoir interprété des rôles aussi prestigieux que Scapin, Lorenzaccio, Hamlet, Tartuffe, puis par le monde du cinéma avec un César du meilleur acteur en 1997 pour Capitaine Conan de Bertrand Tavernier, on découvre avec ce livre de 144 pages à peine, un auteur qui a gardé en lui la sincérité et la générosité de l’enfance. Voilà certainement le plus joli cadeau que Mémé lui ait fait.
A découvrir sans faute.
Et puis comme aurait dit Mémé, c’est un livre «économique» que l’on peut lire et relire sans jamais se lasser.
«Mémé» de Philippe Torreton, Ed. L’Iconoclaste, 144 pages, 15€.

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