Publié le 27 août 2016 à 9h41 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 15h33
La publication en 1936 du «Petit arpent du Bon Dieu» d’Erskine Caldwell, c’est de lui. «Gatsby le magnifique» de Fitzgerald aussi. Les romans d’Hemingway «L’adieu aux armes», «Pour qui sonne le glas», «Paris est une fête» également. Et ce même Hemingway lui dédia «Le vieil homme et la mer» ouvrage publié en 1952, soit cinq ans après la mort de cet éditeur de génie. Car, oui, on peut parler aisément de génie quand il s’agit d’évoquer Maxwell Perkins (1884-1947), qui marqua de son empreinte les lettres d’Outre-Atlantique. Homme d’envergure, fantasque autant que rigoureux, ce dernier voulait que les livres touchent le maximum de gens. Son travail d’éditeur tenait de l’ascèse du combat pour la beauté en soi, du relationnel transformé en art, car, ne se contenant pas de publier, Perkins accompagnait ses auteurs, les aidait, les encourageait, et n’hésitait pas à les critiquer pour les faire progresser. Il fut leur premier lecteur et leur premier fan. Son parcours étonnant, on le retrouve dans une vaste biographie d’A. Scott Berg, qui paraît en France aux éditions Michel Lafon, et où on plonge de manière inédite dans l’âge d’or de l’édition américaine, et dans l’univers d’un esprit libre.
Son amitié avec l’écrivain Thomas Wolfe (1900-1938)
Parmi tous les auteurs choyés par Perkins, il en est un, Thomas Wolfe («L’ange exilé », «Le temps et le fleuve») qui noua avec lui une amitié aussi professionnelle qu’affective le premier voyant en lui une sorte de fils. Ces rapports très intenses, racontés en détails dans la biographie, forment la matière du film «Genius» réalisé par Michael Grandage, avec Colin Firth, dans le rôle de l’éditeur, de Jude Law dans celui de Wolfe, et de Nicole Kidman dans les traits de l’épouse de l’écrivain. Lent, mais passionnant, bénéficiant d’une photo superbe, ce film est un miracle d’équilibre entre la description d’une société complexe et l’introspection psychologique faite par chacun des personnages. Les parties les plus significatives demeurent les relations de travail de Perkins et Wolfe où l’on voit l’éditeur justifiant la demande de coupes dans le manuscrit -l’écrivain à la différence de Fitzgerald ayant une propension à écrire long, ample, et touffu- et réussissant à faire changer un adjectif ou un verbe. Comme Wolfe, Perkins ,qui mourra très jeune à 38 ans, vit pour son œuvre et, on découvre alors la souffrance de leurs deux épouses respectives délaissées, non par manque d’amour, mais par «nécessité» professionnelle. Nicole Kidman est bouleversante tout comme Laura Linney dans le rôle de la femme de Perkins. Sans tomber dans le cliché et tournant le dos à l’exotisme le réalisateur brosse des portraits d’Hemingway et Fitzgerald aussi contrastés que poignants. Bien sûr il est question de l’égotisme de l’artiste non pas dénoncé mais expliqué et saisi en mouvement. On y parle également de trahison rachetée par la demande de pardon des fautes dans un épilogue qui tire les larmes. Oui «Genius», c’est « Génial » !
Jean-Rémi BARLAND
«Max Perkins, un éditeur de génie » par A. Scott Berg, Ed. Michel Lafon, 575 p., 21,95€. «Genius» film de Michael Grandage avec Colin Firth, Jude Law, Nicole Kidman, et Laura Linney.
