Publié le 19 novembre 2017 à 15h12 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h47
Little big man
L’une des grandes forces du film est d’avoir enrichi l’histoire de «La promesse de l’aube» d’autres pans entiers de la vie de Gary qui ne se trouvent pas dans le livre. Ainsi le début du roman dont les premiers mots sont : «C’est fini », se passe sur la plage américaine de Big Sur et on y voit Gary très déprimé. Le film débute en Amérique du Sud où Romain devenu écrivain ne va pas fort non plus. Par un jeu de bascule on se retrouve dans un hôpital, pas celui de la mère morte pendant la guerre du diabète mais là où Romain Gary croit avoir une tumeur au cerveau, alors qu’il souffre de s’être placé du guacamol dans les oreilles. Sans cesse Eric Barbier et sa co-scénariste Marie Eynard soulignent des éléments autobiographiques de l’existence de l’écrivain, diplomate, ambassadeur, Gaulliste et aviateur, par d’autres tirés des principaux chefs-d’œuvre de l’auteur. C’est époustouflant et très beau à regarder et, lors de la scène où Pierre Niney à cheval ramène dans le désert africain une vieille femme noire dans son village fait songer à un western. A «Little big man» en fait, qui met en scène un homme entre deux cultures, rejeté par les uns et les autres, comme Gary en fait, moqué par les Français comme par les Polonais, se trouvant en porte-à-faux avec un décalage saisissant entre la manière dont on se voit et ce que l’on est en réalité. Tout le drame de Romain Gary en fait, avec en filigrane un film sur la France, tant aimée de Gary et de sa mère Nina qui devient par leurs regards respectifs un des thèmes de la narration. Ample, dans la lignée des grandes sagas signées Jean-Jacques Annaud «La promesse de l’aube» brille comme un film rare dans l’actuelle production française. De l’enfance difficile de Romain en Pologne, en passant par Nice, jusqu’à ses exploits d’aviateur durant la Seconde Guerre Mondiale, de l’amour de sa mère à la perte de celle-ci dont il ne se remettra jamais avec au cœur cette phrase expliquant le titre du roman : «Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais» voilà un somptueux long métrage d’une générosité à la hauteur du sujet. Avec, répétons-le un Pierre Niney absolument phénoménal.
Jean-Rémi BARLAND