Publié le 9 juillet 2019 à 21h34 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 12h00
Le 20 juin dernier au Théâtre de l’œuvre, à l’initiative du Conseil citoyen de Marseille 1/6, le rapport de synthèse du collège d’experts missionnés par l’État dans le cadre des effondrements de la rue d’Aubagne, ainsi que la Charte du relogement, adoptée le 17 juin dernier au Conseil Municipal, ont été présentés au public.

«Des obligations pour la Ville et l’État »
Une Charte dont la réalisation a su fédérer, ça c’est un premier constat. Puisqu’ils ont été nombreux, les collectifs et associations à participer aux négociations menant à sa formalisation. Un préalable à son adoption, lors du conseil municipal du 17 juin dernier. Parmi ces derniers, «le Collectif du 5 novembre, Noailles en colère, le Conseil citoyen 6, Un centre ville pour tous, l’association Marseille en colère, Emmaüs Pointe rouge, l’assemblée des délogés, la Fondation Abbé Pierre, les Compagnons bâtisseurs Provence, l’Ampil, (Action Méditerranéenne Pour l’Insertion sociale par le Logement, ndlr), Destination Famille et la Ligue des droits de l’homme Marseille», détaille Emmanuel Patris. En termes de contenu, la Charte «offre de nombreuses garanties que l’on espère voir appliquées, avec un certain nombre d’obligations auprès de la Ville et de l’État». Toutefois, le travail de ces onze organismes ne s’arrête pas à la finalisation du texte. «On reste très vigilant, on ne donne aucun mandat de confiance aux collectivités». Car l’important, pour la suite, c’est de bien s’assurer que cette charte soit opérante et suivie d’effets. Et pour ce faire, les collectifs sur le terrain demeureront attentifs aux retours des délogés… Délogés qui ont déjà nettement contribué à la rédaction de cette charte, en pointant du doigt de nombreux dysfonctionnements dans la prise en charge, ainsi que dans le dispositif mis en place par les pouvoirs publics.Retrouver les mêmes avantages que dans son logement d’origine
Toujours sur le contenu, le texte apporte des réponses, quel que soit le moment du processus du relogement, en partant de l’étape souvent traumatisante de l’évacuation. A la genèse justement, il impose notamment, en cas d’absence d’arrêté de péril, d’«avoir a minima une attestation d’évacuation qui permette d’avoir dans les 24 heures un document pour offrir d’emblée un statut à ces délogés». Munis de cette attestation, ils pourront ainsi être pris en charge de façon plus fluide. La charte insiste aussi sur «le respect d’un droit au logement décent et adapté. On souhaite que l’hôtel soit un moment très court et que l’on bascule très rapidement vers un logement temporaire adapté». L’idée, on la comprend : retrouver une vie normale, se faire à manger, laver son linge, ce qui n’est forcément pas possible dans un hôtel. Mais aussi, rester proche géographiquement de l’école des enfants, du travail des adultes… «En gros qu’on retrouve les mêmes avantages qu’on connaissait dans son logement d’origine». Et même chose bien sûr pour le toit définitif, lorsque les délogés ne peuvent pas réintégrer celui d’origine. A ceci près qu’il faudra aussi, outre l’aspect géographique, y ajouter la composante budgétaire. Puisque la Charte prévoit que les familles relogées «soient réintégrées dans des logements qui ne bouleversent pas leur économie et leur niveau de loyer. Ainsi quand on connaît les niveaux de loyer que les ménages pratiquaient dans leur logement d’origine, on sait qu’il faudra créer du logement social et très social, du PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration NDLR) notamment». Une Charte qui met par ailleurs en avant une volonté de transparence de l’information, afin que les personnes aient accès à l’ensemble des données en présence, rapports d’expertise, arrêtés de péril, correspondances… Elle n’oublie pas non plus les propriétaires occupants, dont certains ont fait l’objet d’évacuations préventives et pour lesquelles des garanties ont également été formulées. Pour l’heure téléchargeable sur le site du Collectif du 5 novembre, la charte ne devrait pas changer dans les termes, même si «la signature pour avoir un document complètement définitif est attendue».![]() |
La municipalité contrainte par la charte ?
A la lumière des propos de Me Jean-Pierre Binon, la volonté de «rester vigilant», exprimée par Emmanuel Patris, se justifie bel et bien. Car cette Charte n’a pour l’heure pas de caractère contraignant. En effet, «elle a été votée, mais n’est pas encore signée». Toutefois, la signature n’est sans doute qu’une question de temps. Le texte sera ainsi ratifié «par une autorité politique et publique. A ce titre-là, on comprendrait mal que la collectivité en question se dédit et se renie. On peut imaginer que cette Charte, étant appliquée, va créer des précédents qui par eux-mêmes rendront obligatoire le recours à ladite charte… » Et puis, fait encore remarquer Jean-Pierre Binon, «il y a un comité de suivi et s’il y a des manquements à l’application de cette Charte, qui doit être exécutée d’après les conventions de droit civil, de bonne foi et de bonne volonté, il y aura des remontées. On pourra intervenir pour que ce soit réparé». Enfin, si la Mairie se rétractait, cela mettrait à mal son image, d’un point de vue purement stratégique. «On est quand même dans un contexte extrêmement douloureux, sensible, il ne faut pas se leurrer ». Et puis, élections prochaines obligent, la municipalité n’a pas trop intérêt à s’écarter des prérogatives de la charte. Elle est désormais dans l’œil du cyclone, d’autant qu’«on a fait beaucoup de reproches à la Mairie par rapport à ce que pourrait être sa responsabilité. Alors que pour l’instant, on n’a aucun élément là-dessus ! » Ainsi, la Mairie a tout intérêt à contribuer à la mise en application de la charte du relogement, conclut Jean-Pierre Binon, «sans aucun état d’âme et sans aucune réticence».![]() |