Publié le 5 mars 2020 à 11h03 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 9h48
«Notre Institut a été bâti pour cela : pouvoir traiter comme en ce moment une telle situation que l’on connaît avec le coronavirus»
Un avantage qui semble apparaître comme prépondérant pour pouvoir travailler avec efficacité sur le traitement du virus et sa prise en charge, grâce à cette « approche pragmatique » sur laquelle l’éminent spécialiste insiste : «Nous partageons tout ici entre nous. Nous ne sommes pas en compétition les uns avec les autres. De la biologie la plus fondamentale à l’application du soin, en passant par le centre de conseils des soins à l’adresse des voyageurs, les questions se succèdent. Nous avons aussi des laboratoires en Afrique pour pouvoir être en relation avec les pathologies du Sud. Notre instrument, à savoir l’Institut, que l’on a voulu et que l’on a bâti ici, est fait précisément pour cela. Afin de pouvoir traiter comme en ce moment une telle situation que l’on connaît avec le coronavirus. Il faut avoir tout sur un même site pour mieux pouvoir comprendre ce genre de situation. Pouvoir compter sur une telle organisation constitue la base de la recherche fondamentale et du modèle français dans le domaine de la recherche.»
« Je n’ai pas peur de grand-chose pour ma part, mais j’ai peur de cette peur de masse»
Le Pr. Raoult enchaîne sur le degré de gravité de la maladie, en l’état actuel toujours des connaissances : «Nous nous basons sur un site officiel chinois, car c’est une maladie essentiellement chinoise, il ne faut pas l’oublier, qui déclare près de 89 000 cas dans le monde, dont près de 80 000 en Chine continentale. A l’échelle de la planète, en termes d’importance, je compare le nombre actuel des décès liés au coronavirus à un autobus qui tomberait dans un ravin. C’est pourquoi il n’y a pas à avoir peur. Mais ce qui fait peur, pour tout le monde, c’est l’avenir. Nous, à l’Institut, on regarde au jour le jour.» Au regard de l’évolution actuelle du virus, le spécialiste marseillais compare le phénomène à celui de la grippe durant l’hiver. «Mais la peur s’installe car elle intervient toujours comme un instinct de survie, ajoute-t-il, et l’on a toujours peur des choses nouvelles et inconnues, cela fait partie de notre nature. Il faut aussi trouver le moyen de se rassurer, c’est l’instinct de survie qui est ainsi. Mais cette peur de masse, cette peur panique, c’est ça qu’il faut empêcher. Je n’ai pas peur de grand-chose pour ma part, mais j’ai peur de cette peur de masse. La situation actuelle ne justifie pas une telle peur, une telle tension, c’est déraisonnable.»
«Les personnes âgées sont moins porteuses de virus, mais sont beaucoup plus malades en raison des pathologies dont elles peuvent souffrir»
A l’état actuel des connaissances scientifiques sur le virus, quelles seraient les catégories de personnes les plus exposées au coronavirus ? Difficile de pouvoir y répondre précisément, semble-t-il, même si le Professeur Raoult explique sur le sujet. «On sait que les plus jeunes sont peu sensibles à ce genre de maladies infectieuses respiratoires. Pour ce genre de maladies, ils sont en général très peu malades, mais y sont très contagieux dans le sens où ils sont porteurs d’énormément de virus, donc peuvent davantage contaminer. Les personnes âgées sont elles moins porteuses de virus, mais sont beaucoup plus malades en raison des pathologies dont elles peuvent souffrir.» Selon les informations officielles communiquées en début de semaine par l’Institut marseillais, l’épidémie du coronavirus concernerait essentiellement une épidémie touchant une région de la Chine – Hubei – de 56 millions d’habitants. L’essentiel des décès actuels liés au virus a été constaté dans cette région précise. Hors de cette zone, où la prise en charge médicale aurait été mauvaise comme le reconnaîtrait le gouvernement chinois en personne – la mortalité serait jugée faible. Toujours selon l’IHU, le nombre de morts par rapport au nombre de cas détectés en Chine hors de cette zone, ou dans tout le reste du monde, serait de 0,5 %. Avec des décès qui toucheraient essentiellement des hommes âgés et présentant d’autres pathologie en termes de maladies.
Le point sur l’efficacité annoncée de la chloroquine pour pouvoir soigner le coronavirus
Au sujet de l’efficacité de la chloroquine avancée depuis plusieurs jours par le Professeur Raoult pour pouvoir soigner le coronavirus, il explique : «Il y a un malentendu qui pourrait intervenir quand on ne fait pas partie du monde des experts scientifiques. La chloroquine est un médicament avec lequel je travaille depuis longtemps. J’ai été le premier à l’utiliser dans le traitement des maladies infectieuses où j’ai pu traiter des milliers de patients dans ce cadre. J’ai une énorme expérience de ce médicament dans ce genre d’infections. Et depuis longtemps on pense que ce qui marche pour ces bactéries intracellulaires doit marcher pour les gros virus, car ils rentrent par les mêmes mécanismes. Les Chinois ont publié leur dernier test sur le coronavirus, le 4e test, il faut leur faire confiance. Les Chinois ont 20 essais en cours, et ce sont leurs experts qui connaissent le mieux le coronavirus. La science chinoise va très vite, avance à une vitesse folle. Après, chacun sait qu’entre le moment où on obtient les premiers résultats et celui où est communiquée une première publication officielle et internationale acceptée, ce peut être très long. » La chloroquine, traitement anti-paludique, est présentée comme un médicament avec une activité polyvalente pouvant ainsi être efficace contre plusieurs virus. Pour le moment, d’après ce que l’on peut comprendre, la chloroquine pourrait avoir d’après le Pr. Raoult et son équipe des vertus préventives vis-à-vis de plusieurs virus, dont le coronavirus. Et qu’il pourrait y avoir de grandes chances que son utilisation ait des vertus curatives contre le coronavirus au regard des connaissances actuelles de l’IHU et des derniers tests pratiqués en Chine. Depuis le début de semaine et la prise en charge directe au sein de l’IHU de patients atteints du coronavirus, l’équipe du Pr. Raoult semble être désormais en condition de pouvoir isoler en quelques heures le génome du nouveau virus. Les prélèvements positifs effectués peuvent ainsi nourrir leurs laboratoires et réflexions pour pouvoir travailler sur le virus lui-même. « Nous pouvons commencer à tester sa sensibilité à différents médicaments dans le but d’établir une stratégie thérapeutique», conclut le Professeur.
Bruno ANGELICA