CPER mobilités en Provence-Alpes-Côte d’Azur : 1,8 milliard d’euros pour changer d’échelle

CPER mobilités en Provence-Alpes-Côte d’Azur : 1,8 milliard d’euros pour changer d’échelle

Il y a des signatures qui engagent un territoire bien au-delà d’un calendrier administratif. Celle apposée ce lundi par Philippe Tabarot, ministre des Transports, Georges-François Leclerc, préfet de région, Renaud Muselier, président de la Région Sud, et Martine Vassal, présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence et du Département des Bouches-du-Rhône, relève de cette catégorie. Le volet mobilités du Contrat de Plan État-Région (CPER) 2021-2027 atteint désormais 1,8 milliard d’euros, un montant rehaussé pour anticiper les besoins liés aux Jeux olympiques et paralympiques d’hiver 2030 tout en répondant, surtout, aux trajets du quotidien. En présence de Jean-Marie Bernard, président du Conseil départemental des Hautes-Alpes, l’avenant acte une ambition : conjuguer désenclavement alpin, compétitivité portuaire et qualité de vie.

Destimed Regis CINTAS FLORES
Philippe Tabarot entouré de Renaud Muselier, Jean-Marie Bernard, Martine Vassal et Georges-François Leclerc ©Régis Cintas-Flores

Au cœur du dispositif, les Alpes du Sud. Longtemps symboles d’un service public ferroviaire sous tension, elles se voient promettre un nouveau souffle. La ligne Marseille–Briançon doit être régénérée en profondeur : ouvrages d’art, signalisation, sections de voie et accueil en gare. L’enjeu ne tient pas qu’aux JO : il s’agit d’offrir, toute l’année, des circulations plus robustes et des correspondances lisibles pour les habitants comme pour les saisonniers. La sécurisation des grands axes routiers, sur des secteurs soumis aux aléas climatiques, complète ce volet. « Cet avenant constitue un investissement sans précédent… L’État est au rendez-vous », souligne Philippe Tabarot, fixant une boussole claire : tenir les délais sans sacrifier la régularité.

Sur le littoral ouest, la zone industrialo-portuaire de Fos et l’Étang de Berre concentrent d’autres priorités. Le contournement de Martigues–Port-de-Bouc et la liaison Fos–Salon visent à délester des axes saturés et à fluidifier des chaînes logistiques où chaque minute pèse. Derrière les chantiers, une équation simple : moins de congestion, moins d’émissions, davantage de fiabilité pour les entreprises comme pour les riverains.Martine Vassal rappelle que la concertation menée sur ce secteur a « révélé attentes, inquiétudes et propositions ». La signature, selon elle, entérine des « réponses concrètes » que seules des coopérations entre collectivités peuvent porter à cette échelle.

Le troisième pilier, la modernisation des transports du quotidien, agrège l’essentiel des crédits. On y retrouve la remise à niveau des petites lignes -Nice–Breil, Coni–Vintimille, Nice–Digne- dont la pertinence se mesure à la finesse du maillage qu’elles offrent entre vallées et littoral. S’y ajoutent la rénovation de gares (accessibilité, information voyageurs, pôles d’échanges), l’amélioration ciblée des routes départementales, un effort tangible pour le fret ferroviaire (capacités et triages à Fos, Arles, Miramas) et la montée en puissance des itinéraires cyclables, avec un mot d’ordre : la continuité, notamment aux abords des gares. « Tous les projets que nous lançons aujourd’hui sont des réponses proches, déjà en phase opérationnelle », insiste Renaud Muselier, revendiquant une approche pragmatique où l’on répare, renforce, relie.

Dans les Bouches-du-Rhône, la convention d’application concentre près de 900 millions d’euros. Elle pose des marqueurs très visibles : la régénération de la ligne de la Côte Bleue, véritable épine dorsale entre quartiers littoraux et centralités ; la création du pôle d’échanges multimodal d’Arles, levier d’attractivité urbaine autant que de fluidité intermodale ; la branche d’Aix de la ligne des Alpes, à fiabiliser pour sécuriser les liaisons vers Marseille ; la poursuite du plan « Escales Zéro Fumée » à Marseille-Fos, pour brancher les navires à quai et améliorer la qualité de l’air ; et l’amorçage d’une filière éolienne offshore, qui suppose des aménagements portuaires dédiés. Autant d’opérations qui, mises bout à bout, dessinent un bénéfice tangible : des correspondances plus simples, des temps de parcours stabilisés, un air plus respirable sur les bassins portuaires.

Reste la partie immergée de l’iceberg : l’exécution. Les acteurs publics savent qu’un milliard et demi ne fait pas un service fiable si les fenêtres travaux grignotent l’offre sans substitutions adaptées. Ils pointent aussi les risques de tension industrielle (matériels, caténaires, signalisation), l’inflation et la nécessaire coordination entre maîtres d’ouvrage. Les indicateurs à suivre sont connus : ponctualité et régularité sur Marseille–Briançon et les lignes azuréennes ; progression de la part modale du rail et du vélo sur les trajets courts ; tonnages de fret traités à Fos-Arles-Miramas ; heures d’escales branchées et baisse des NOx/PM10 ; recul de l’accidentalité sur les sections réaménagées. Autant de thermomètres qui diront si la promesse se transforme en service.

Au-delà des chiffres, l’avenant raconte une méthode. D’un côté, des chantiers structurants pour les Jeux d’hiver ; de l’autre, une myriade d’améliorations prosaïques mais décisives – un quai rehaussé, un passage sécurisé, un triage remis au niveau, une piste comblant un « maillon manquant ». C’est souvent là que se joue la perception des usagers, celle d’un système qui fonctionne sans y penser. « La coopération entre collectivités fait avancer le territoire », résume la présidente d’AMP et du Département : une façon de rappeler que, si l’État et la Région tiennent la rampe budgétaire, la réussite passera par des mains multiples, au plus près du terrain.

Au final, ce CPER mobilités trace une trajectoire : désenclaver, désaturer, décarboner. L’objectif est à portée, à condition de perturber peu en chantier et de livrer vite et bien avant l’hiver 2029-2030 pour les tronçons critiques. La région Sud tient peut-être sa fenêtre pour « changer d’échelle » ; encore faut-il convertir chaque euro en minutes gagnées, en trains fiables, en itinéraires sûrs. C’est à cette aune, concrète, que les habitants jugeront l’ambition.

Renaud Muselier de conclure :  « Ce ne sont pas des promesses à 10 ou 20 ans mais des projets qui sont pour la plupart déjà entrés en phase opérationnelle. Nous y dédions une enveloppe financière exceptionnelle, très sensiblement augmentée par les Jeux d’Hiver 2030».

Patricia CAIRE

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