Il aura fallu attendre 33 ans et un président espagnol pour que l’OM et son stade mythique créent un lieu de mémoire, dans l’enceinte du stade, sur la catastrophe de Furiani, le 5 mai 1992. 19 morts, plus de 2 000 blessés après l’effondrement d’une tribune lors de la demi-finale de la coupe de France Sporting de Bastia – OM. Rencontre avec les familles des victimes, les journalistes blessés, les élus et le président de l’OM.
Des larmes
Beaucoup d’émotion pour ce lieu de mémoire installé dans un salon au cœur du stade vélodrome de Marseille en hommage aux victimes du drame de Furiani. L’effondrement de la tribune de football a provoqué la plus grande catastrophe du sport français. 19 morts et plus de 2 000 blessés. Parmi les victimes Karine Grimaldi. Elle a perdu sa sœur de 15 ans et est paraplégique depuis sa chute. Cet espace Furiani à l’OM marque une reconnaissance. « Aujourd’hui au bout de 33 ans on s’aperçoit qu’on pense à nous. Enfin on a une image, un visage sur ceux qui sont partis et ça c’est important». Bastien Dumas a perdu son père, journaliste à RTL, la famille s’est battue pour qu’un lieu de mémoire voit le jour, le combat a payé. « On ne s’est pas battus toutes ces années par demande de compassion mais parce qu’on ne voulait pas qu’une telle catastrophe se reproduise. Aujourd’hui le fait que cette stèle soit installée dans l’enceinte du Vélodrome cela permet de parler de ce drame 33 ans après. » Cette stèle est une victoire pour Josepha Guidicelli, la présidente du collectif des victimes du 5 mai 1992, elle milite depuis des années pour que cette date soit sacrée. « Ce travail mémoriel est important, nécessaire pour qu’on n’oublie pas ce drame mais pour savoir aussi pourquoi il y a eu cette chute de tribune. Ce n’est pas un accident, cette tribune avait 100% de chances de s’effondrer selon les experts, les responsabilités ont été multiples. »
« Ce drame a changé ma vie »
Les journalistes ont aussi payé un lourd tribut lors de cette rencontre. Trois d’entre eux, blessés, reviennent sur cette soirée et les séquelles qu’elle a laissées. Hélène Foxonet travaillait à Radio Sprint – La Marseillaise. Elle a chuté, comme ses collègues d’une quinzaine de mètres. « C’est un traumatisme qu’on revit année après année, à la même date. Je peux dire que ce drame a changé ma vie comme beaucoup de gens, on ne voit pas les choses de la même façon, j’ai fait une dépression réactionnelle. On est nombreux à avoir fait des enfants derrière parce qu’il y a un instinct de vie qui est revenu plus fort. Il y a des choses qu’on ne peut pas oublier, le bruit des hélicoptères sur le stade, les cris, les joueurs qui viennent à notre chevet. C’est quelque chose de tellement fort qu’on ne peut pas oublier. »
Le silence et le bruit
« A la fois le silence et le bruit, le réveil avec des débris sur moi que j’essaie d’évacuer, se souvient Mario Albano, journaliste pour Le Provençal. Je bouge mes pieds et là je m’aperçois que je ne suis pas paralysé, c’est déjà quelque chose de gagné. Et des copains que je croyais morts ou gravement blessés qui ne l’étaient pas et d’autres l’inverse. C’était une grande incertitude.» Pour Patrick Fancello, lui aussi au Provençal, cette catastrophe reste poignante. « Encore aujourd’hui, 33 ans après, c’est comme si ça venait de se produire. Il y a toujours la même émotion, la même gravité. Pour ce drame, pour la lutte des associations, pour les gens qui souffrent encore, pour ceux qu’on a perdus.»
Longoria le militant
C’est Pablo Longoria, un Espagnol, qui est à l’origine de la création de ce lieu de mémoire au sein du stade vélodrome. En prenant les rênes de l’OM, on lui parle de Furiani, le président décide de se rendre à Bastia l’année suivante pour le 30e anniversaire. Il mesure l’ampleur de la tragédie des 2 côtés de la Méditerranée. Marseille pleure aussi les siens et doit aussi avoir sa stèle. « Le président doit représenter ce qui fait l’histoire de son club, rappelle à la tribune Pablo Longoria, cette tragédie n’a pas le devoir de mémoire qu’elle mérite, tout le monde doit se souvenir. Avoir un espace physique c’est toujours quelque chose de très important, finalement les paroles sont très belles mais des actions concrètes, des actions que tout le monde peut regarder et se souvenir sont des actions pour lesquelles on fait le football. » Jean-Pierre Papin, l’ancien capitaine de l’OM prend à son tour la parole: « Je suis très ému que l’OM rende hommage à la plus grande tragédie du sport qui nous a marqués profondément, qui nous a contraints à penser à autre chose que le football parce que on a perdus des amis ce soir-là, beaucoup d’amis. »
Un appel à la responsabilité
Les élus appellent à la responsabilité, au devoir de mémoire nécessaire pour bâtir l’avenir. « Il faut continuer le combat, sans mémoire -et les Corses savent ce que veut dire la mémoire- il n’y a plus d’histoire et sans histoire il n’y a ni présent, ni avenir», déclare Benoît Payan avant de dénoncer: «Trop longtemps les instances du football français se sont tues sur Furiani. Un procès bâclé, des mémoires oubliées, des victimes laissées pour compte pour la plus grande honte de ce qu’aurait dû être la justice. » Pour Renaud Muselier: «Cette catastrophe implique les collectivités qui doivent faire en sorte que toutes ces manifestations sportives soient couvertes règlementairement et ne soient pas des désastres. Cela nous renforce pour que toutes les manifestations soient à la hauteur de nos attentes c’est-à-dire la joie, la fête et la compétition sportive.»
Reportage Joël BARCY
