Exposition. « L’Aix de Cezanne » : retour vers le passé avec les joyaux photographiques du fonds Ely

Depuis le 1er juillet, plus de 200 tirages sont exposés à l’Hôtel de Boades proposant une découverte exceptionnelle, majoritairement en noir et blanc, d’Aix-en-Provence surnommée à l’époque « la belle endormie».

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Jean-Eric Ely nous commente une photo du grand incendie de Sainte-Victoire qui a dévasté les flancs de la montagne en 1989. © M.E.

Mise en place après plusieurs mois de travail et de choix « cruels » mais nécessaires, l’espace d’accueil n’étant pas extensible, cette exposition, à l’instar de celle organisée l’année dernière à l’occasion de la libération de la ville, propose avec intelligence de remonter le temps…

En 1888, lorsque Henri Ely, commence à prendre des photos à Aix-en-Provence, en Amérique George Eastman expérimente le premier appareil à pellicule… Cezanne est âgé de 49 ans, Maurice Bertrand est maire de la ville et depuis 34 ans, l’approvisionnement de la cité provençale en eau potable est garanti par le barrage et le canal que l’on doit à François Zola, le père d’Émile avec lequel Cezanne entretint une franche relation amicale. Cezanne peint, Zola écrit et Ely photographie déjà convaincu que ces clichés « formeraient un jour de précieuses archives historiques de notre cité». Il ne croyait pas si bien dire.

La « belle endormie » bien vivante

La visite de « L’Aix de Cezanne » débute par des scènes de vie de la société de l’époque. Vie quotidienne, mais aussi effervescence politique avec de nombreuses visites présidentielles et ministérielles. Si la belle est endormie, ce n’est pas le cas de ceux qui ont le pouvoir ! « J’ai essayé de montrer la ville d’alors sous ses multiples facettes, souligne Jean-Eric Ely. Comme pour installer une ambiance avant d’aborder des thématiques plus spécifiques.» Ainsi le portrait dont le Studio Ely s’était aussi fait une spécialité.

Il faut dire que chaque « œuvre » travaillée entre les murs du passage Agard avait fait l’objet de soins particuliers, au niveau du tirage mais aussi, et surtout, de la retouche pratiquée ici comme un art véritable et qui ressemble à un trait d’union entre peinture et photographie. Trait d’union aussi entre ces deux techniques artistiques avec un cabinet réservé au nu. S’il était commun pour les peintres, à l’époque, de travailler en atelier avec la présence de modèles, la chose était moins évidente pour les photographes. Les travaux d’Henri Ely, consacrés au sujet, n’en sont que plus exceptionnels.

Vies et liens d’artistes

Cezanne et Ely ne se connaissent pas ; mais les deux travaillent parfois sans le savoir sur des sujets et à partir de motifs identiques. La section de l’exposition consacrée aux « correspondances » est des plus intéressantes mettant en regard peintures et photographies. La section consacrée aux lieux cezanniens de création a ceci d’intéressant qu’elle réunit les photos prises par les quatre générations Ely. Jas de Bouffan, lac d’Annecy, Gardanne, Château-noir, atelier des Lauves y sont réunis; quant à la montagne Saint-Victoire, elle fait l’objet d’une section pour elle seule. Ici aussi, Henri, Hugo, Jean et Jean-Eric Ely voient leur travail mis en valeur avec un accrochage judicieux dont une partie est logiquement consacrée à l’incendie de 1989.  Une ultime section propose aux visiteurs de rendre visite aux peintres contemporains de Cezanne, Arnaud, Gautier, Camoin, mais aussi à quelques uns qui ne l’ont pas fréquenté mais qui ont puisé l’inspiration dans son œuvre, Picasso, Derain, Masson et, plus près de nous, Gabriel Laurin.

Rendue possible par l’investissement de Jean-Eric Ely et des membres de l’association CEPPIA, avec le concours de la Ville,  cette exposition est plus qu’un complément intelligent à l’événement « Cezanne 2025 »; par sa richesse et son intérêt elle en est aussi une pierre angulaire indispensable pour entrer pleinement dans l’univers du maître d’Aix.

Michel EGEA

 

Pratique

« L’Aix de Cezanne » jusqu’au 31 octobre à l’Hôtel Boadès – 8, place Jeanne d’Arc à Aix-en-Provence. Ouvert tous les jours de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 19 heures. Entrée : 5 €. (gratuit – 18 ans)  – plus d’information :  aixdecezanne.com 

 

CEPPIA : un collectif pour valoriser un patrimoine photographique
Ouvert en 1903, le Studio Ely a vu succéder quatre générations de photographes, inlassables témoins au quotidien de la vie d’Aix-en-Provence : Henri Ely, Hugo Ely, Jean Ely et Jean-Éric Ely. Sur tous les fronts de l’actualité et de la vie aixoise, ces artisans de l’instant ont compilé un patrimoine historique culturel et sociétal hors normes. De père en fils, pendant quatre générations, ils se sont transmis un savoir-faire, une sensibilité artistique et un amour pour le territoire aixois qui sont encore visibles par les fantastiques fonds photographiques qu’ils ont constitués ensemble. L’objectif de CEPPIA (Collectif Ely Patrimoine Photographique Iconographique Aix-en-Provence) vise à la création d’un musée aixois de la photographie en Provence, dont les objectifs principaux sont la sauvegarde, la conservation et la valorisation de la collection Ely qui s’étend du XIXe siècle à nos jours. associationceppia.fr

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