Festival de Cannes. « Les Aigles de la République », un thriller moral sous le régime égyptien

Après « Le Caire Confidentiel » et « La Conspiration du Caire », Tarik Saleh nous livre le troisième opus de sa trilogie : « Les Aigles de la République ». Commencé sur un ton humoristique, le film devient rapidement oppressant, glaçant. Un thriller moral où la corruption, la paranoïa qui sous-tendent le film, sont le miroir de la société égyptienne.

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De gauche à droite Tarik Saleh, Fares Fares et Zineb Triki © Joël Barcy

 

Acteur fétiche

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Tarik Saleh ne pouvait pas réaliser ce film sans son acteur fétiche, Fares Fares © Joël Barcy

 

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L’excellent Amr Waked incarne le Dr Mansour, © Joël Barcy

Tarik Saleh ne pouvait pas réaliser ce film sans son acteur fétiche, Fares Fares. Il incarne George Fahmy, une super star, contrainte d’accepter un tournage bien particulier : un biopic à la gloire du président égyptien Al-Sissi qui relate l’accession au pouvoir du général. Le « pharaon de l’écran » hésite puis accepte. Les hommes de Sissi lui font comprendre que les routes sont dangereuses et que son fils, étudiant, pourrait avoir un accident de voiture. Il pourrait aussi être rapidement blacklisté. Les menaces sont claires. Produit par l’armée, « La volonté du peuple » est supervisée par le Dr Mansour, excellent Amr Waked.

Collabo

Voilà le pharaon de l’écran contraint d’adopter, l’uniforme du général dans un pur film de propagande. Il n’est pas grimé, n’offre pas les traits d’Al-Sissi mais les siens. La propagande est habile ! George, incarné par un génial Fares fares devient progressivement collabo malgré lui. Assis à la table des dignitaires, il signe un pacte faustien avec le pouvoir : la libération du fils d’un voisin emprisonné, la promotion d’une consœur. L’engrenage se met en route sans réelle résistance.

Résister ou s’incliner

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Zineb Triki incarne Suzanne, la femme du général ©Joël Barcy

« Le film travaille l’inconscient, indique Zineb Triki qui incarne Suzanne, la femme du général qui supervise le film. Lors d’un dîner, j’interviens de manière disruptive, je casse les codes, c’est un moyen de préserver ma liberté dans un milieu oppressant. Le film travaille l’inconscient car il pose la question : comment j’aurais fait ? » C’est la question principale du film. Comment des stars, aspirants militants, souvent critique en privé à l’égard du pouvoir, peuvent-ils basculer. Perdre leur colonne vertébrale dès qu’ils entrent dans un monde fait de divers privilèges. Le cinéaste, qui a dû quitter l’Égypte voilà dix ans, pose cette question : quand passe-t-on du compromis à la compromission ?

Film noir

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Entamé sur le ton de l’humour, « Les Aigles de la République » bascule dans un univers oppressant. Un thriller politique et moral où la corruption, la paranoïa reflètent la société égyptienne. Dans un monde qui est de plus en plus sans foi ni loi, où le deal l’emporte sur toute notion morale, Saleh démontre qu’entre fiction et réalité la ligne de crête est périlleuse. Il a choisi le cinéma et le pharaon de l’écran pour l’incarner mais les réseaux sociaux et autres algorithmes ont déjà pris le relais.

Joël BARCY correspondant Destimed à Cannes

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