Festival de Pâques d’Aix-en-Provence. Schubert pour baisser le rideau : le succès du partage et de la jeunesse

L’édition 2024 du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence s’est achevée ce dernier week-end. Placée sous le signe du partage elle a offert de nombreux événement gratuits sur le territoire aixois et auprès de publics qui ont peu, ou pas, l’occasion d’assister aux concerts. Des concerts qui ont rassemblé, cette année, près de 30 000 personnes faisant de ce Festival l’un des plus courus à cette époque de l’année en Europe.

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Renaud Capucon, Mao Fujita, Paul Zientara, Lorraine Campet et Julia Hagen pour servir La Truite de Schubert. (Photo Caroline Doutre).

Comme le veut la tradition, pour tirer le rideau sur le festival, carte blanche était donnée à son directeur artistique Renaud Capuçon. Un final que le violoniste a voulu consacrer à Schubert et à la jeune génération d’interprètes en réunissant autour de lui la violoncelliste Julia Hagen, la contrebassiste Lorraine Campet, Paul Zientara à l’alto et le remarquable Mao Fujita au piano.

Au programme le trio en mi bémol majeur pour piano et cordes n°2 D.929, entré au panthéon de la musique classique par l’intermédiaire de son 2e mouvement choisi par Stanley Kubrick pour son « Barry Lyndon« , et le non moins célèbre quintette en la majeur D.667 « La Truite » définitivement consacré comme hymne officiel des pisciculteurs depuis le 1er avril ! Du Schubert magnifié par des interprétations sensibles, colorées, tour à tour sombres ou lumineuses, au long desquelles, outre l’excellence du violon de Renaud Capuçon, Julia Hagen, la violoncelliste et Mao Fujita, le pianiste, se sont fait remarquer, la première par un superbe son et un archet aérien, le second par une omniprésence intelligente frappé au sceau de la précision et de la puissance maitrisée; une main droite magique et un son frôlant la perfection. Immense succès au bout du compte avec un rappel et une nouvelle sortie de « La Truite » venue faire ses bulles dans l’eau avant que le public ne soit convié à déguster à son tour des bulles en trinquant à la prochaine édition du festival.

Bach et Pichon: ça matche !

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Raphaël Pichon magnifie Bach à la direction de l’orchestre et du chœur Pygmalion. (Photo Caroline Doutre)

Mettant en avant les grandes œuvres liturgiques de la période, le Festival avait programmé deux opus spirituels en deuxième semaine, un signé Bach, l’autre Beethoven. Pour servir la « Messe en si mineur » du premier nommé, Renaud Capuçon avait convié l’ensemble Pygmalion, chœur et orchestre, son directeur musical et fondateur Raphaël Pichon ainsi qu’un solide quintet de solistes vocaux. Un nouveau temps fort pour cette édition 2024 qui, une fois de plus, affichait complet au Grand Théâtre de Provence. Si Bach est un architecte de génie, Raphaël Pichon est, lui, un maître d’œuvre hors pair. Élevé musicalement au sens propre et au sens figuré par l’étude des partitions du Cantor de Leipzig, le directeur musical ne passe pas à côté de la moindre nuance livrant une lecture certes appliquée, mais oh combien vivante et généreuse de cette œuvre souvent considérée comme le testament musical de Bach. Un édifice monumental, en fait, auquel chaque artisan apporte sa pierre ; l’orchestre, sur instruments d’époque, distille ses sons et fait briller ses couleurs avec toute la science du relief impulsée par Raphaël Pichon.  Le chœur est dans la même ligne, précis et inspiré pour livrer le drame avec une extrême sensibilité ne négligeant rien dans la diction tout comme les solistes au sein desquels le contre-ténor William Shelton impose sa voix avec sensualité et puissance, livrant un Agnus Dei tirant les frissons. Des frissons, au moment de « recevoir la Paix », il y en eu encore et des applaudissements aussi… Le messe venait d’être dite, et de belle façon !

Rhorer solennel pour Beethoven

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Jérémie Rhorer a soigné l’expressivité de la Missa Solemnis de Beethoven. (Photo Caroline Doutre)

Changement d’époque, 48 heures plus tard, avec la « Missa Solemnis » de Beethoven, elle aussi monumentale, séparée d’un siècle avec la « Messe en si » de Bach. S’il mettra un peu moins de temps que Jean-Sébastien Bach pour construire cette messe, trois ans contre une vingtaine, Beethoven n’hésitera pas à considérer cette œuvre comme son « plus grand ouvrage ». A la spiritualité sensible de la partition du cantor, Beethoven substitue des pages héroïques non dénuées de romantisme que Jérémie Rhorer fait vibrer et rayonner à la tête de son Cercle de l’Harmonie, ensemble orchestral qui trouve ici un terrain d’expression idéal pour les instruments d’époque pratiqués par les musiciens. Couleurs et sons totalement adaptés à la magnificence d’un ouvrage qui compte aussi de belles parenthèses chambristes. Une dualité qu’a tenu à respecter le directeur musical notamment en plaçant le quatuor des solistes entre l’excellent Audi Jungendchorakademie et l’orchestre comme pour l’intégrer totalement au sein d’une seule et unique masse chantante et musicale œuvrant dans une direction unique au service de la partition. Le propos ne manquait pas d’intérêt, sa concrétisation pareillement, et le succès fut à la hauteur du moment très… Solennel !

Michel EGEA

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