L’histoire de Bilal Alnemr a souvent été racontée. C’est celle d’un jeune garçon, né en 1996 à Damas qui, enfant, s’est vu offrir par son père un petit violon qui faisait de la musique lorsqu’on appuyait sur un bouton. Le jouet s’est transformé en passion puis en carrière internationale pour le musicien et Vauvenargues en terre d’accueil où il a créé il y a trois ans un festival.
A Damas, Bilal Alnemr, fils d’un maçon et d’une comptable, étudie le violon au conservatoire Salih-Al-Wadi ; doué, voire très doué, il remporte deux premiers prix. En 2009, il joue devant Sophie Baduel et Michel Mabire, violonistes enseignants au conservatoire d’Aix-en-Provence qui lui proposent de venir poursuivre ses études en France. Encouragé par ses parents, Bilal arrive, à l’âge de 14 ans, sur le cours Mirabeau… Il intègre une classe à horaires aménagés musique au collège Mignet en octobre 2009 ; quelques mois plus tard c’est la guerre en Syrie.
La famille réunie au pied de Sainte-Victoire
Éloigné de ses parents et de sa sœur pendant plus de six ans, Bilal Alnemr est accueilli en Provence avec bienveillance ; il y obtient son bac et poursuit ses études de violon à Aix puis à Paris, joue avec l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée dont il est premier violon, se voit remettre par le CIC, au Festival de Pâques 2014, un violon réalisé par Pierre Bathel… Entre autres étapes de la vie qui lui donnent l’occasion de jouer en ensembles et en soliste.
En 2016, ses parents quittent la Syrie et le rejoignent. « En fait, se souvient-il, la volonté du maire Philippe Charrin était d’accueillir une famille de réfugiés syriens à Vauvenargues, ce qui a aussi été fait avec l’Ukraine par la suite. C’est Béatrice Albert, que je connaissais du conservatoire qui, un jour, m’a demandé si j’étais en contact avec des personnes qui pourraient éventuellement être accueillies. Je lui ai répondu: “Oui, mes parents, ils sont dans l’avion”… »
Devenir un acteur de la culture en Provence
La famille réunie (sa sœur l’avait rejoint auparavant) Bilal Alnemr continue brillamment son chemin dans l’univers musical. Conservatoire national supérieur de musique de Paris, Académie Barenboïm-Saïd à Berlin, il est rapidement invité par Daniel Barenboïm à rejoindre les rangs du West-Eastern Divan Orchestra constitué de musiciens israéliens et arabes et, à 29 ans, il mène désormais un début de carrière placée sous le signe du partage.
« Mon enfance, mon arrivée en Provence, mes études, font partie de l’histoire de ma vie… Mais aujourd’hui, je veux porter sur ces années un regard mature et responsable. J’arrive à avoir un certain détachement par rapport au fait d’avoir été un jour le “petit protégé d’Aix”. Ma volonté est de me servir de cette histoire qui est la mienne pour devenir un des acteurs culturels de cette terre qui m’a accueilli.» La création du Festival Ugarit en Provence à Vauvenargues est l’un de ses engagements aux côtés de la petite commune du nord de Sainte-Victoire.
Un festival pour remercier
« En 2022, se souvient-il, j’ai proposé au maire de remercier Vauvenargues en organisant un concert et des animations musicales. En deux jours, 1 200 personnes sont venues, ce qui est exceptionnel pour une petite commune comme ça. Alors nous avons commencé à réfléchir à l’organisation d’un festival. Je ne voulais pas être considéré simplement comme “le Syrien qui a réussi” mais construire quelque chose de pérenne. Nous avons fait un break d’une année avant de reconstruire un programme et lancer le festival. Ce qui nous a permis de constater que le public, 1 500 personnes l’an dernier, venait réellement pour la partie artistique et pas pour mon histoire… » Quant au nom du festival, « Ugarit-en-Provence », il précise: « Il a été choisi pour rappeler que ce port sur la Méditerranée, à dix kilomètres au nord de Lataquié en Syrie, a fait l’objet de fouilles archéologiques qui ont révélé, entre autres, que l’endroit était l’un des berceaux de la musique occidentale avec la découverte de 36 plaques d’argile, les Chants hourrites, gravées avec l’écriture cunéiforme, qui se sont avérées être pour moitié le texte d’un poème et pour l’autre des notes de musique. Comme une partition en quelque sorte. »
Aider les autres
Bilal Alnemr, qui se définit aujourd’hui comme « Européen, de nationalité française et de racines syrienne », aurait pu rester dans sa bulle et ne penser qu’à sa carrière. Mais il avoue être guidé par « un devoir moral humaniste »; entre autres préoccupations, il tient à apporter aux autres un peu de ce qu’il a reçu en arrivant en Provence. Il a notamment créé une association, « Les Cordes de Shams », pour aider les artistes en difficulté et aimerait pouvoir ouvrir une école dans l’avenir : « Je veux construire quelque chose à long terme» avoue-t-il. Il pose actuellement des pierres d’angles sans pour autant négliger, loin s’en faut, l’essentiel : « Je travaille le violon quatre à cinq heures par jour car sans ça, sans la qualité de la musique, je n’ai plus rien… »
Michel EGEA
Le programme du Festival
Le 18 juillet à 21 heures
Bilal Alnemr (violon) & Nadezda Pisareva (piano) – parvis de la Mairie, Vauvenargues.
• Clara Schumann (1819 – 1896) : Trois romances, op. 22
• Maurice Ravel (1875 – 1937) : Sonate pour violon et piano n°2 en sol majeur, M 77
•Amy Beach (1867 – 1944) : Romance pour violon et piano, op. 23
•Charlotte Sohy (1887 – 1955) : Thème varié, Op. 15 bis: Lent
•César Franck (1822 – 1890) : Sonate pour violon et piano en la majeur, FWV 8
Le 19 juillet à 21 heures
Claire Désert (piano) – parvis de la Mairie, Vauvenargues.
• Frédéric Chopin (1810 – 1849) : Nocturne Op. 27 n°1
• Robert Schumann (1810 – 1856) : Fantaisie Op. 17
• Johannes Brahms (1833 – 1897) : Extraits des Valses Op. 39
• Leoš Janáček (1854 – 1928) : Sonate 1905
• Claude Debussy (1862 – 1918) : 3 Préludes (Danse de Puck, Ondine, Minstrels)
• Béla Bartók (1881 – 1945) : 5 Mikrokosmos
Le 22 juillet à 21 heures
Gabriel Pidoux (hautbois), Bilal Alnemr (violon), Luc Dedreuil (violoncelle), Jorge Gonzalez Buajasan (piano) – Musée Granet, Aix-en-Provence.
• Claude Debussy (1862 – 1918) : Sonate pour violoncelle et piano CD 144
• Claude Debussy (1862 – 1918) : Études Livre I, III. Pour les quartes pour piano solo
• Déodat de Séverac (1872-1921) : Baigneuses au soleil pour piano solo
• Benjamin Britten (1913-1976) : 6 Métamorphoses d’après Ovide pour haubois solo
• Marina Dranishnikova (1929 – 1994) : Poème pour hautbois et piano
• Maurice Ravel (1875 – 1937) : Trio en la mineur M.67
Le 23 juillet à 21 heures
Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, direction Evan Rogister – Vallon des sports, Vauvenargues.
• Richard Wagner (1813 – 1883) : Les maîtres chanteurs de Nuremberg – Ouverture
• Charles Gounod (1818 – 1893) : Mireille – « Voici la vaste plaine » (Air de la Crau) Acte IV – 2 ème tableau avec Amina Edris
• Composition collective de l’OJM avec le quintet et Amina Edris
Entracte
• Gustav Mahler (1860 – 1911)
Symphonie N°1 en Ré majeur dite « Titan »
Plus d’informations et réservations festivaldevauvenargues.fr
