Foire internationale de Marseille : 20 prochaines années porteuses d’espoirs pour la cité phocéenne

Publié le 1 octobre 2013 à  19h15 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h23

Imaginer ce que seront « Nos prochaines années à Marseille » : c’est la mission à laquelle se sont attelés des acteurs locaux de premier plan, ce lundi au Palais des Arts du Parc Chanot dans le cadre de la 89e édition de la Foire internationale de Marseille. Des échanges qui ont brossé les contours d’une cité phocéenne habitée par la culture, au cœur d’une métropole, résolument tournée vers la Méditerranée, et résolument installée dans une dynamique porteuse d’espoirs.

Les acteurs locaux réunis au Palais des Arts du Parc Chanot ont livré leurs doutes et leurs espoirs pour Marseille pour les deux décennies à venir. (Photos S.P.)
Les acteurs locaux réunis au Palais des Arts du Parc Chanot ont livré leurs doutes et leurs espoirs pour Marseille pour les deux décennies à venir. (Photos S.P.)

Pour Bernard Belletante, directeur général du groupe Kedge Business school, on assiste aujourd'hui à
Pour Bernard Belletante, directeur général du groupe Kedge Business school, on assiste aujourd’hui à

Pour Richard Latière, directeur général de la Foire de Marseille,
Pour Richard Latière, directeur général de la Foire de Marseille,

Hugues de Cibon, directeur du mécénat des entreprises de MP 2013, estime que
Hugues de Cibon, directeur du mécénat des entreprises de MP 2013, estime que

Aux yeux de Michel Kester, président de la SAFIM,
Aux yeux de Michel Kester, président de la SAFIM,

« Nos 20 prochaines années à Marseille » : c’était le thème de la table ronde qui constituait le deuxième temps fort des Rencontres économiques qui se sont déroulées ce lundi 30 septembre dans la salle Euthymènes du Palais des Arts du Parc Chanot à Marseille. Bernard Belletante, directeur général du groupe Kedge Business school, issu de la fusion d’Euromed Ecole de Management et de l’école de management de Bordeaux, était le premier à livrer ses réflexions. « La prédominance du modèle anglo-saxon occidental est finie. 5% de la population indienne possède un Bac+5, ce qui représente 63 millions de personnes, et je ne parle pas des Chinois, des Russes et des Brésiliens. En Inde, 63 millions de personnes parlent anglais, même si on se moque de leur accent, et connaissent les techniques d’ingénierie financière. Et avec 2 000 € par mois à Bangalore, ils ont une villa avec chauffeur. Nos diplômés des grandes écoles, 2 000 € par mois, ils n’en veulent pas », relève-t-il d’emblée.
Le directeur général du groupe Kedge Business school souligne également que « 47% des emplois aux Etats-Unis pourront être robotisés dans les 20 ans ». « Bien entendu on dit que l’expert-comptable, il y en aura toujours. Sauf que toutes les fonctions de contrôle pourront être automatisées. Pour l’accident du vol Rio-Paris, on sait maintenant que quatre fois l’avion s’est remis en place, et quatre fois l’homme a été contre. On dit le chirurgien, il y en aura toujours, mais il y a de plus en plus d’interventions à distance par Internet. Donc aujourd’hui, délivrer des diplômes ne veut plus rien dire. La question est : où est-ce que les entreprises vont créer des ruptures ? », explique-t-il.
Bernard Belletante observe enfin « un énorme basculement du monde ». « Dans l’industrie de l’Education, on recense 6 200 Business school à travers le monde dont une soixantaine dispose des trois accréditations. Or, les deux tiers des nouvelles Business school accréditées dans le monde sont asiatiques, que ce soit en Corée ou à Taïwan : l’Europe est confrontée à une compétition croissante et personne ne nous attend », insiste-t-il.
Autant de constats qui l’ont amené à entreprendre la fusion entre Euromed Ecole de Management et l’école de management de Bordeaux. « Aujourd’hui, les entreprises se foutent que le campus soit à Luminy ou à Talence, d’autant que 80% des courts sont en accès à distance. Des étrangers seraient même capables d’être diplômés en France sans avoir mis les pieds dans le pays : et après tout pourquoi pas ? Donc il nous faut une économie de taille substantielle », plaide le directeur général du groupe Kedge Business school.

« Notre principale tâche est de hiérarchiser et de donner du sens »

Une évolution d’autant plus nécessaire que le métier d’éducateur a selon lui énormément évolué. « Comme quand Renault avait lancé son slogan « des voitures à vivre », nous sommes aujourd’hui des monteurs qui s’inscrivent dans la dynamique mondiale. On ne demande plus de Bac+5 mais du e-learning, avec une évolution tout au long de la vie. Le management est une affaire de confiance, c’est la notion maîtresse d’un enseignement global. Or, un chinois n’a pas la même confiance qu’un Européen : il faut donc travailler dans plusieurs systèmes de pensée », souligne Bernard Belletante.
Et de confier qu’il croit la jeunesse parfaitement capable de s’adapter à ce nouveau monde. « C’est une autre génération qui a un autre rapport au travail que nous. La législation du travail est d’ailleurs en retard par rapport à ça : le mono employeur français repose sur un modèle du XIXe siècle. Or, aujourd’hui, quand on n’est pas capable de vous offrir un job à 35h, il faut être capable de s’offrir trois jobs de 12h où vous serez maître de votre auto-entreprise », résume-t-il. Ce qui amène à repenser le rôle de l’éducateur. « Il y a désormais tellement d’informations que notre principale tâche est de hiérarchiser et de donner du sens. Avant les piliers de l’éducation était la diffusion du savoir, l’action et le sens. Or, les technologies ont assuré la diffusion du savoir : on peut aujourd’hui étudier le management à partir des pratiques du management et pas des théories ayant existé. Mais il reste l’action et donner du sens », analyse-t-il. Une révolution qui touchera également selon lui l’organisation de l’école. « On ne va plus être en classe de 9h à 17h car on n’apprendra plus qu’à l’école mais à tout moment de la journée », avance-t-il.
Pour Bernard Belletante, les nouvelles technologies modifient aussi la conception du rôle de parents. « L’utilisation du numérique est intuitive pour les nouvelles générations. Derrière ça, il y a la maîtrise de l’usage et je ne crois pas à la solution du contrôle parental. Donc, qu’on soit éducateur ou parent, à quel moment on va donner le sens, les repères ? Car il existe des valeurs et à un moment donné il faut être capable de dire « non » », conclut-il.
A l’heure de se pencher sur ce que sera la Foire internationale de Marseille dans 20 ans, Richard Latière, directeur général de l’événement, se veut résolument optimiste. « Les foires seront toujours la rencontre de l’offre et de la demande. Aujourd’hui, elles ont évolué : il faut créer du buzz, on a besoin de créer un nouvel événement tous les jours pour faire venir tous nos visiteurs », explique-t-il. S’il se veut confiant, estimant que « l’avenir est assuré dans nos métiers de foires et de salons », Richard Latière pointe cependant que « nous devons avoir conscience des pays émergents ». « Le danger c’est que l’économie file vers les pays du Sud et que nos économies européennes ne permettent plus de faire vivre un tel événement », relève-t-il.

« La culture apporte à l’entreprise une compréhension du monde »

Car pour le reste, le directeur général de la Foire de Marseille ne doute pas que « les foires sauront s’adapter à l’environnement économique ». « Elles ont encore un bel avenir mais il faut que chaque année elles se renouvellent, que chaque jour, chaque mois, on trouve la bonne idée pour y parvenir. C’est comme une série télévisée, il faut se renouveler mais de manière accélérée afin que chaque année, on trouve les bonnes idées », conclut-il.
En cette année Capitale, le débat a aussi été bien entendu l’occasion de s’interroger sur le rôle que joue la culture dans l’économie de la région. Hugues de Cibon, directeur général du mécénat des entreprises de Marseille-Provence 2013, rappelle que ce sont « probablement les entreprises qui ont compris les premières que la culture pouvait changer l’image de ce territoire, de manière un peu paradoxale en s’appuyant sur l’exemple de Lille ». « Nous avions étudié l’exemple de six villes dans le monde. Et dans un grand nombre d’articles on accrochait la culture à un territoire », relève-t-il encore.
Autant de constats qui ont amené les entreprises à se saisir pleinement de l’événement Capitale européenne de la Culture. « On a tout d’abord une démarche collective : changer d’image, attirer des personnes créatives, des entreprises. Cela impacte la productivité des entreprises. On a également une démarche individuelle : faire des relations publiques autour de l’événement », résume Hugues de Cibon. Mais pour le directeur général du mécénat des entreprises de MP 2013, le lien entre culture et économie est en réalité « plus profond que ça ». « La culture est un outil absolument complémentaire de ce que fait le marketing. On n’est plus à la recherche de la beauté. Aujourd’hui, c’est loin d’être la première préoccupation des artistes. Désormais, ils proposent une analyse du monde, une approche à la fois sociologique et politique. Ça apporte à l’entreprise une compréhension du monde », assure-t-il.
Or, ce n’est pas une mince affaire « quand on voit aujourd’hui la complexité du monde ». « La culture nous permet de capter les signaux faibles qui vont être les grandes tendances de demain. Elle permet à l’entreprise de comprendre le monde et donc ses marchés futurs », poursuit-il. Et Hugues de Cibon de corroborer cette thèse en s’appuyant sur l’apport qu’ont constitué les Ateliers de l’Euroméditerranée dans le cadre desquels des artistes ont été accueillis en résidence en entreprise pour une durée oscillant de 3 semaines à 2 ans. « L’artiste a fait remonter des choses que ne soupçonnait pas le chef d’entreprise avec une révélation de talents absolument sidérante », se félicite le directeur général du mécénat des entreprises de MP 2013.
Pour les 20 ans à venir, Hugues de Cibon souligne ainsi que le vœu formulé par les entreprises, c’est qu’il n’y ait plus de quartier d’affaires. « Les TPE et PME nous disent qu’il ne faut surtout pas de quartier d’affaires : « La Défense, on ne veut plus le voir ». Elles souhaitent un lieu en connexion avec les artistes, les lieux de divertissement, de diffusion. Les frontières ont disparu et c’est dans ces lieux que l’on trouve les plus belles innovations », plaide-t-il.

« L’ouverture méditerranéenne est une donnée essentielle des 25 prochaines années »

Une nouvelle réalité qui, selon lui, doit être prise en compte dans une double dimension. « Dans l’aménagement urbain, il faut créer des espaces pour faire se rencontrer des personnes différentes, créer des liens entre des univers qui ne se parlent pas », insiste-t-il en citant l’exemple des pôles de compétitivité qui « ont réuni, avec des incitations fiscales, des chercheurs et des professeurs d’université, ce qui a permis de faire émerger des projets ».
Hugues de Cibon souhaite également que « l’artiste ne se cantonne pas aux lieux de création comme les théâtres ou les salles de spectacle ». « Il faut déborder dans l’espace public », martèle-t-il. Et de conforter ses dires en s’appuyant sur l’événementiel créé autour du Vieux Port dans le cadre de la Capitale européenne de la Culture : « La dimension culturelle festive a permis de se réapproprier l’espace public. Alors laissons un peu plus de place à la culture dans l’aménagement urbain ».
Le directeur général du mécénat des entreprises de MP 2013 témoigne enfin de la confiance qu’il a dans le développement de Marseille pour les deux décennies à venir. « Pour faire venir une entreprise, il faut faire venir l’investisseur au moins une fois sur le territoire : c’est tout le défi des agences de développement. Or, le mois de mai, avec cette image stupéfiante du Mucem sur la ville, a été un moment de bascule. Depuis, on croule sous les demandes d’entreprises qui ont leur siège à Paris et qui veulent venir voir ce qui se passe à Marseille », se réjouit Hugues de Cibon.
Des espoirs, Michel Kester, président de la SAFIM, en nourrit aussi pour la cité phocéenne. « La Méditerranée est l’avenir de Marseille. Or, Marseille pâtit aujourd’hui du fait que les routes commerciales, de la culture, sont bridées. L’Algérie, c’est encore une histoire mal assumée. Alors que c’est une chance essentielle, Marseille a encore beaucoup de mal avec l’ouverture méditerranéenne. C’est pourtant une donnée essentielle des 25 prochaines années. Les printemps arabes, les révolutions, c’est une énorme hypothèque sur Marseille », analyse-t-il.
L’avenir, c’est aussi la future métropole Aix Marseille Provence qui verra officiellement le jour le 1er janvier 2016. « Je ne suis pas convaincu que la métropole administrative va être d’emblée un succès, elle se présente plutôt mal, souligne Michel Kester. Mais les citoyens eux veulent la faire. Sur deux millions d’habitants, nous sommes déjà très nombreux à travailler là et vivre ailleurs. » Le président de la SAFIM estime enfin que « 2013 nous a inventé une nouvelle ville ». « Par le littoral, le boulevard du littoral en est une amorce, se crée un littoral nord de Marseille : c’est vraiment une charnière importante », se réjouit-il.
Serge PAYRAU

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