Génération Marseille – Think tank Ecologie des solutions. A propos du dérèglement climatique: rencontre avec Patricia Ricard et Dominique Robin…

Publié le 19 juin 2025 à  17h11 - Dernière mise à  jour le 23 juin 2025 à  6h53

Patricia Ricard et Dominique Robin étaient les invités de la rencontre organisée conjointement par le Think tank Ecologie des solutions et le collectif Génération Marseille sur « Marseille 2050 face au dérèglement climatique».

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Dominique Robin, directeur général d’AtmoSud et Patricia Ricard Présidente de l’Institut océanographique Paul Ricard

Génération Marseille et le think tank Ecologie des Solutions ont en commun une ambition : penser la ville pour qu’elle puisse s’adapter aux effets du réchauffement climatique et du changement global. « Si l’on ne fait rien, la ville peut devenir invivable : en 2050, la température au sol pourrait atteindre les 90°  à Noailles », souligne Sandra Blanchard, la secrétaire générale de Génération Marseille. Romain Simmarano, porte-parole, président de ce collectif place cette rencontre dans la perspective des élections municipales à venir, appelant « celles et ceux qui  partagent le constat que tout n’est peut-être pas fait à Marseille en matière de transition écologique  à le rejoindre ». Christophe Madrolle, conseiller régional et co-président avec Fabien Perez du think tank Ecologie des solutions insiste sur le fait que « l’écologie n’est ni de droite, ni de gauche, c’est une autre façon de penser l’économie. »

Tous partagent une autre conviction : c’est ensemble qu’il faut penser la transition écologique en conciliant économie et écologie, en s’appuyant sur les expertises scientifiques. Tel était le sens de l’invitation lancée à Patricia Ricard, Présidente de l’Institut océanographique Paul Ricard – qui fêtera ses 60 ans l’année prochaine – et Présidente de la Plateforme Océan Climat, et à Dominique Robin, Directeur général d’AtmoSud.

« L’océan nous veut du bien, cessons de lui faire du mal ! »

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Patricia Ricard entourée de Christophe Madrolle et Romain Simmarano ©SL

De retour de l’UNOC3, la conférence des Nations unies consacrée à l’océan organisée par la France et le Costa Rica à Nice, Patricia Ricard livre un vibrant plaidoyer pour l’océan. « Il a déjà absorbé près de 30 % du CO2 émis dans l’atmosphère par les activités humaines, 93% de l’excès de chaleur lié au changement climatique planétaire. Conséquences : l’océan se réchauffe à toutes les profondeurs. Il est en danger ! »

« Le vivant est incroyablement résilient ! »

Certains tenants du développement durable opposent solutions technologiques et solutions fondées sur la nature. Pour relever les défis du changement climatique, il faut sortir de cette opposition et allier les deux rappelle Patricia Ricard. Pour illustrer son propos, un programme soutenu par l’Institut océanographique Paul Ricard vise à aider les petits pêcheurs en grande difficulté en raison de la concurrence de la pêche industrielle. Les femmes de pêcheurs devenues agricultrices utilisent de l’eau douce pour leurs cultures. Le projet a consisté dans un premier temps à capter l’eau pour créer des bassins et y élever des poissons. L’eau, enrichie des déjections des poissons, sert ensuite à irriguer les cultures. Dans un deuxième temps, pour éviter d’importer des alevins du bout du monde, des écloseries ont été installées. C’est un projet vertueux en qu’il reste à taille humaine, qu’il préserve tout à la fois une économie locale, une culture et des modes de vie traditionnels sans épuiser les ressources naturelles.

Le « carré magique » de Patricia Ricard

Pour la présidente de l’institut océanographique Paul Ricard, la réussite d’un projet repose sur 4 piliers qui constituent un carré magique : 1) la science – 2) les entreprises – 3) la société civile à savoir les associations, ONG, media, syndicats… et 4) les institutions et les territoires. « La science guide l’action, les entreprises trouvent les voies de valorisation économique, la société civile contribue à l’acceptabilité sociale du projet quand les institutions et territoires encouragent, encadrent et réglementent», précise Patricia Ricard.

Dernier conseil délivré avant les questions du public : « Jouez ensemble : rejoignez l’orchestre ! » Patricia Ricard insiste sur la nécessité de travailler ensemble, d’apprendre les uns des autres. Marseille est un port : que ferons-nous quand la mer montera ?  Pourquoi ne pas s’inspirer des Jardins de Nemo développés à Gênes ? Il s’agit de 9 bulles en plastique transparent qui sont autant de serres sous-marines. La vision de leur créateur est d’aider les pays côtiers arides à produire leur nourriture sans avoir à recourir au – coûteux – dessalement de l’eau !

« Pour l’interdiction des épuisettes ! »

A une question sur l’avenir de la pêche à Marseille, Patricia Ricard a répondu par cette citation du film Le guépard :« Il faut que tout change pour que rien ne change.. » Distinguant pêche artisanale et pêche industrielle, elle a rappelé le lourd bilan carbone de la seconde : il faut du fuel pour aller et revenir du lieu de pêche, pour la capture, pour la transformation et la conservation du poisson. Tout cela pourra-t-il durer ? Elle a également comparé chasse et pêche. Si pratiquer la première nécessite un permis, rien n’est exigé pour la pêche récréative. Enfin, imagine-t-on un enfant rapporter un oisillon pour le laisser mourir ensuite ? C’est pourtant ce que l’on fait quand on pêche à l’épuisette un juvénile qu’on laisse ensuite mourir dans un seau… Alors interdisons les épuisettes !

A une question sur l’éducation, Patricia Ricard a regretté le manque général de culture sur les questions de transition écologique : « On doit tous repartir à l’école » . Elle a plaidé pour un autre enseignement de la biologie qui plutôt que de partir de la cellule, partirait des animaux pour aboutir ensuite la cellule. Enfin, elle a proposé que Marseille attire des talents pédagogiques à même d’expliquer pourquoi et comment nous pouvons changer notre vision et repenser notre développement pour qu’il devienne réellement durable !

Dominique Robin, l’homme qui a permis la mise en œuvre de l’électrification des quais

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Dominique Robin entouré de Christophe Madrolle et Romain Simmarano ©SL

C’est par cette formule que Romain Simmarano a présenté le directeur général d’AtmoSud. Dominique Robin a effectivement rappelé qu’en matière de pollution de l’air, ce qui est produit par certains en un lieu se disperse et vient poser problème à des personnes bien éloignées du lieu d’émission de la pollution. L’électrification des quais a ainsi amélioré la qualité de vie des habitants de la Joliette. La décarbonation des entreprises situées autour de l’étang de Berre améliorera la qualité de vie des riverains mais aussi de toute la région environnante !

En matière de qualité de l’air, les seuils n’existent pas !

La pollution atmosphérique cause 6,7 millions de morts chaque année dans le monde, entre 40 et 50 000 en France. Marseille fait partie des villes où la pollution de l’air reste à des niveaux élevés. Si l’Europe avec le Green Deal -Pacte Vert- a défini des objectifs, des seuils.. ceux-là n’ont pas grand sens en matière de santé car les risques existent dès les premières expositions. Mais en plus, si l’on regarde la trajectoire des émissions polluantes et que l’on la compare avec les objectifs définis à horizon 2030, pour l’heure, le compte n’y est pas.. Même si de grands progrès ont été faits ! Tel est le premier message délivré par le directeur général d’AtmoSud.

Il existe pourtant 4 leviers d’action pour lutter contre la pollution atmosphérique !

Dominique Robin a identifié 4 leviers d’actions pour atteindre les objectifs fixés à horizons 2030 et 2050 : 1) l’énergie – 2) la technologie – 3) la planification et 4) la décision.

Premier levier d’actions : la transition énergétique. Dominique Robin rappelle qu’effectivement la sortie des énergies fossiles – y compris le gaz « qui n’a de naturel que son nom » permettra de faire baisser la pollution à condition que l’on reste vigilant sur le recours au bois énergie et que l’on équipe les installations de filtres…

Second levier : la technologie. Copier le vivant, s’inspirer de la nature : indéniablement, c’est là que se trouvent les solutions les plus prometteuses.

Planification urbaine, aménagement de la ville : le poids de la voiture à moteur thermique pèse lourd et même si on passe à l’électrique, il faut penser l’aménagement de la ville en tenant compte des sources de pollutions de l’air. Placer les stades dans les « dents creuses » à proximité des autoroutes n’est pas une bonne solution pour la santé !

Décision : sans réglementation ambitieuse, sans accompagnement, il sera difficile d’atteindre les objectifs de réduction de la pollution atmosphérique.

Valoriser l’action locale

Insistant sur l’importance de la prise de décision, le directeur général d’AtmoSud a rappelé que l’électrification des quais a été mené de façon exemplaire : il y avait une volonté politique, des moyens ont été dégagés et l’ensemble des acteurs ont cherché des solutions qui ont été mises en œuvre. Il évoque aussi la Convention des entreprises pour le climat où il a rencontré des entreprises qui agissent réellement à la fois pour améliorer les conditions de vie de leurs salariés mais aussi pour préserver l’environnement.  « Un regret : il n’y a pas de valorisation de ce qui se fait de bien au plan local et pourtant ce serait mérité ! »

Qualité de l’air intérieur, le sujet qui monte…

Aujourd’hui, et en partie grâce aux mesures prises lors de la Covid, pour améliorer la qualité de l’air intérieur, on ouvre les fenêtres… « C’est bien : cela élimine les microbes et évacue le CO2 ! mais on fait entrer les pollutions extérieures », rappelle Dominique Robin. La pollution engendrée par la circulation automobile, les pollens allergènes entrent dans les logements ou les classes d’école. Anne Claudius-Petit, présidente Commission Transition énergétique, stratégie des déchets, Qualité de l’air, complète cette intervention en rappelant que la Région met à disposition des capteurs individuels. A Belsunce, ces capteurs ont permis de relever des taux de polluants anormalement élevés dans des appartements situés à proximité de grills de rue ou liés à la présence de garages ou carrosserie en pied d’immeuble.

Végétalisons Marseille !

En guise de conclusion, Dominique Robin a insisté sur l’importance de la qualité de l’air pour la santé humaine : « Pendant des années, on pensait que seuls les poumons et le système respiratoire étaient atteints par la pollution. Mais avec les particules ultrafines, ce sont tous les organes qui sont affectés. » Alors.. parmi les solutions, à une remarque de Christophe Madrolle sur l’importance de la nature en ville, le directeur général d’AtmoSud a plaidé pour plus de végétaux en ville : « Ils apportent de la fraîcheur. Mais.. encore faudra-t-il qu’ils ne soient pas allergènes et qu’ils résistent au réchauffement climatique ! »

 Stéphanie LUX

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