Le maire de Marseille veut rester au travail jusqu’au bout et ne se déclarera sans doute pas candidat avant la fin de l’année. Pourfendu par ceux qui se sont déjà déclarés, Benoît payan rétorque, slalome entre les chausse-trappes. Et, ici point question de langue de bois : Martine Vassal ? « C’est le marchepied du RN», « elle a fait son temps à la Métropole». LFI, c’est une ligne rouge : « Ils sont là pour nous faire battre». L’ambition affichée pour ces municipales ? « Si on gagne Marseille, on peut aussi prendre la tête de la métropole». Entretien.

Les principaux candidats se sont déclarés pour les municipales 2026 : le député Franck Allisio pour le RN et Martine Vassal, la présidente du Département et de la Métropole, pour la droite et le centre. Et vous ?
Pour l’instant j’observe. Moi, je suis maire et je suis au travail. Je me demande d’ailleurs comment on arrive à être à la fois candidate et présidente du conseil départemental et du conseil métropolitain pour madame Vassal, et à la fois candidat et député… même si évidemment député ce n’est pas la même responsabilité. Moi, je ne peux pas être maire et candidat pendant 6 mois. Je dois aux Marseillais d’être au travail jusqu’au bout. Le temps de l’élection viendra. Et cette accélération du calendrier, que l’on est en train vivre, n’est pas au niveau de ce dont la ville a besoin. Je considère que les institutions qui sont présidées par les différentes personnalités doivent être au service des Marseillais jusqu’au bout et pas au service ni d’une ambition ni d’un camp et ni d’un clan.
Pourtant le débat est nécessaire pour confronter les idées ?
Bien sûr. Mais, pendant les années d’exercice des visions se sont opposées. Il y a eu des débats, et ils sont normaux, c’est la démocratie. Il y a eu des moments difficiles, d’autres moins difficiles. On n’a pas la même vision du monde, de l’Europe, du pays et on n’a pas la même vision de la ville et même pas des valeurs. Je ne partage pas les valeurs du Rassemblement national ni de près, ni de loin… Le débat viendra au moment où je le jugerai opportun.
Lors de la rentrée du Printemps marseillais vous avez indiqué que certains servaient de marchepied au Rassemblement national. Sans la citer, je suppose que Martine Vassal était visée ?
Elle, comme d’autres. Je ne veux pas jeter des noms en pâture dans le débat. Je considère que le débat politique doit être à la hauteur. La politique depuis trop longtemps est abaissée à des combats de coqs, des combats de personnes, et le personnel politique est assez faible dans son ensemble. Donc la personnalisation ne me plaît pas. Mais, Martine Vassal, comme d’autres aujourd’hui, en reprenant les thèmes du Rassemblement national, ses mots, en jouant sur les peurs, en mettant à l’index une partie de la population, en visant une certaine partie de la population, ne se rend pas compte qu’elle participe à une inversion des valeurs. Héritière d’une tradition gaulliste, de résistants, elle brise ainsi les digues que des républicains, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont toujours exigées et tenues. Et quand on parle comme le Rassemblement national, on le banalise, on lui permet d’avoir des victoires politiques. Il suffit à ce dernier de laisser parler ces personnes prétendument républicaines pour avoir raison et c’est extrêmement dangereux pour la démocratie.
Martine Vassal affiche, et le RN aussi, les chiffres de la préfecture de police de 2023 où 67% des délits de voie publique sont commis par des étrangers… Qu’en pensez-vous ?
Elle s’appuie sur des chiffres et elle s’appuie sur des peurs aussi. L’Etat -dont je veux rappeler ici qu’il a le pouvoir régalien de protéger la population d’assurer la sécurité des personnes des biens- a en effet depuis un moment failli sur cette question et c’est pour cela qu’il a fallu que je double la police municipale. Si la police nationale avait les moyens de faire son travail, si les douanes avaient les moyens de faire leur travail, si la gendarmerie avait les moyens de faire son travail, si les services de l’État avaient des moyens, si le département des Bouches-du-Rhône avait fait son travail de mise à l’abri des plus jeunes, on n’en serait pas là. Si la France est dans une situation aujourd’hui difficile c’est parce que les choix antérieurs qui ont été faits, par les gouvernements successifs, ont mis à bas notre système de fonction publique. On n’a pas fait qu’enlever des infirmières et des enseignants, on a aussi enlevé des policiers nationaux pendant des années. On en paie aussi les conséquences.
Je pense qu’il n’y a pas qu’un sentiment d’insécurité. Il y a une réalité au quotidien et d’ailleurs c’est pour cela que je dis à mon opposition qui tresse des louanges à Bruno Retailleau d’user de tout son poids pour nous envoyer des moyens. Encore une fois la France est un grand pays mais Marseille c’est la France et je suis navré que mon opposition soit à ce point déloyale vis-à-vis du ministre de l’Intérieur pour dire que c’est une ville où il y a autant d’insécurité. C’est-à-dire qu’elle met en évidence un échec patent du ministre de l’Intérieur.
Vous trouvez que les étrangers sont une cible ?
C’est facile aujourd’hui de dire que ce sont les étrangers, les responsables. Mais peut-être qu’il faut mieux organiser les contrôles, je ne dis pas le contraire. Quand une personne en situation irrégulière commet des crimes elle n’a pas sa place. Mais, je ne confonds pas une personne en situation irrégulière commettant un crime avec, un amalgame assez dégoûtant, qui considérerait que toutes les personnes qui ont un nom à consonance étrangère sont des dangers. On a connu ça à Marseille avec l’arrivée des Italiens, des Arméniens, des Portugais, des Espagnols… Il faut tout le temps un bouc émissaire. Aujourd’hui, il se trouve que la droite extrême et l’extrême droite ont trouvé leur bouc émissaire. Alors pour l’extrême droite c’est assez ancien, pour la droite extrême c’est nouveau.
Vous avez choisi, lors de la rentrée du Printemps marseillais, de prendre le contre-pied dans votre discours en évoquant la création de Marseille et en concluant : « On est tous des enfants d’immigrés… »
On est tous le fruit d’une histoire multiséculaire. On est tous des enfants de gens qui viennent d’ailleurs que ce soit des Landes, du Portugal, d’Algérie, d’Espagne, d’Italie, de Pologne… Nous ne sommes faits que de ça. L’humanité n’est faite que de ça. Le nationalisme est quelque chose qui emporte tout sur son passage. L’identité pure conduit aux pires atrocités. Et, le chauvinisme rance est extrêmement dangereux. Donc oui, cette ville s’est construite en acceptant l’Autre comme quelqu’un qui peut nous grandir.
Cette ville ne doit pas être divisée, elle ne peut pas être fracturée. Cette ville a trop longtemps souffert d’une fracturation et d’une mise à l’écart de certaines populations parce qu’elles ne votaient pas ou parce qu’elles votaient mal. Mais encore une fois faire l’amalgame, essentialiser les gens en fonction de leur religion ou de leur lieu d’arrivée est quelque chose d’extrêmement dangereux. Cela n’existe pas les Français de papier, cela n’existe que dans les fantasmes des nationalistes.
La réforme de la loi PLM, vous l’avez réclamée. Est-ce que cela ne va pas créer de l’instabilité à l’instar de l’Assemblée nationale ?
Je ne pense pas que cette réforme va créer de l’instabilité mais plutôt de la transparence. Les Marseillais vont pouvoir pour la première fois depuis très longtemps voter directement pour celui ou celle qu’ils considèrent être le meilleur pour diriger et gouverner cette ville. Je pense que les effets pervers de la loi de 1983 seront gommés et qu’une voix égal un Marseillais.
Cela aura plutôt tendance à favoriser celui qui est le plus connu, le maire sortant par exemple ?
Comme dans toutes les élections. Encore une fois les élections auront lieu en mars. Pour l’instant le temps de la campagne n’est pas venu, en tout cas pas pour moi. Si certains ont du temps à perdre qu’ils aillent en campagne, ce n’est vraiment pas mon sujet. Je pense que ce sera le meilleur programme, la meilleure incarnation et la meilleure vision d’avenir de la ville qui devra l’emporter. Il faut faire confiance aux Marseillaises et aux Marseillaises.
Si vous êtes candidat, est-ce que LFI sera une ligne rouge ?
C’est LFI qui l’a déjà annoncé. LFI a été très clair. Ils sont là pour nous faire battre et d’ailleurs ils passent leur temps à me taper dessus. On est une ville où il y a un danger Rassemblement national, on est une ville où la droite singe le rassemblement national et LFI n’a rien à dire sur ce que fait le Département et la Métropole dirigés par madame Vassal, la Région dirigée par monsieur Muselier. LFI n’a pas grand-chose à dire sur les outrances qui sont faites et dites dans ces institutions. LFI ne dit pas grand-chose sur le Rassemblement national. Il y a peut-être un sujet de compréhension de l’intérêt de la France insoumise dans cette élection.
Vous espérez toujours faire une liste d’union avec les Écologistes ?
Ce sont les Écologistes qui le diront. Ils ont un vote bientôt. Mais, je l’espère…
Vous êtes à la tête de Marseille depuis 5 ans. Quels sont vos regrets, vos réussites ?
Mes regrets c’est de ne pas aller assez vite, de n’avoir que 24 heures dans la journée. Mon plus grand bonheur c’est de croiser des Marseillaises et des Marseillais qui disent merci de ce que fait la ville ou de l’action municipale. Des petits qui me disent pour la première fois de ma vie j’ai fait de la voile, je suis allé à la montagne, je suis allé à la mer. Des petits qui nous disent merci parce qu’on les considère. Ou encore des gens, notamment des personnes âgées qui ont des visites presque quotidiennes, pour certains d’entre eux, avec le CCAS. C’est aussi évidemment la question de l’école qui est mon quotidien. Quand je m’assois le matin au bureau la première chose que je me dis c’est : « Où j’en suis sur les écoles ? ».
Donc, pour vous, l’école est la priorité des priorités ?
Je considère que l’avenir de l’humanité, l’avenir du pays, l’avenir de la ville ce sont les plus jeunes et c’est pour eux que je me bats. On est sur une ligne de crête. On voit bien que tout peut basculer d’un côté ou de l’autre et que si on ne donne pas aux plus jeunes les moyens, la force, de retrouver de la dignité, des conditions d’apprentissage dignes et meilleures alors, ma génération aura failli. Cela je ne le veux pas. Moi, je veux continuer à me regarder dans une glace. Et je considère encore qu’un maire quand il récupère une ville dans un tel état et notamment sur les écoles sa première mission, mission essentielle, c’est de rebâtir un avenir pour les plus jeunes, c’est de leur redonner un espoir et cela commence par l’école…
Vous avez obtenu un cadeau énorme à 5 milliards d’euros avec le plan « Marseille en grand ». Jamais aucun maire n’a encore obtenu une telle somme !
Il a fallu que je me batte pour cela. Je ne regrette pas une seconde d’avoir fait ce que j’ai fait. Beaucoup de gens m’ont dit : il ne faut pas s’entendre avec Emmanuel Macron, il ne faut pas faire « Marseille en grand » parce que vous n’êtes pas de la même sensibilité ou de la même philosophie politique. Je leur ai répondu très clairement que cela m’était égal, mon sujet n’était pas de savoir si j’allais faire de la politique avec lui mais si je réussissais à récupérer de l’argent de l’Etat pour les Marseillaises et les Marseillais. Les écoles ne sont ni de droite ni de gauche, les écoles il faut les faire sortir. Tout comme le logement indigne, il n’est ni de droite, ni de gauche, enfin en tout cas dans ma conception des choses. Aucun maire, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, n’a obtenu de tels crédits. Je n’ai pas bataillé longtemps pour convaincre le président de la République, je pense qu’il a été sensible aux arguments qui étaient les miens et même si je ne partage pas ses opinions politiques, même si je le critique sur ses orientations politiques nationales, je me dois de dire que sur cette question-là on a réussi à avancer et il n’a pas failli.
Mais ce plan met du temps à se concrétiser ?
Nous avons rencontré des obstacles parce qu’évidemment quand on obtient 5 milliards d’euros cela fait des envieux. Il a fallu que l’on se batte quelquefois ensemble contre vents et marées pour obtenir ces crédits. Des gens disent : « On ne voit pas tout de suite les choses. » Vous imaginez un plan à 5 milliards d’euros le temps qu’il faut pour le faire ? Moi, je n’ai pas la baguette magique. Il y a des gens qui, par tweet, pensent qu’ils peuvent construire des écoles. Je les laisse penser qu’un tweet peut suffire mais c’est bien plus difficile que cela. Mais on voit déjà les résultats. En un mandat j’aurais fait autant, voire plus, d’écoles que mes prédécesseurs en 25 ans.
Vous avancez le chiffre de 25 écoles et l’opposition parle de 5 écoles qu’en est-il ?
Comment je dois répondre à ça ? Le vrai sujet c’est quel est le problème du multiplexage pour que mon opposition dise 5 écoles alors qu’elle voit les écoles ? Il y a 25 écoles qui vont sortir de terre et 25 -soit une première pierre soit le chantier soit les marchés – seront lancés cela veut dire 50 livrées ou lancées d’ici la fin du mandat.
Avec un tel Plan vous ne vous êtes pas senti redevable vis-à-vis du Président ou bien tenté par les sirènes du macronisme ?
Jamais. D’abord parce que le Président ne m’a jamais demandé de me renier. Il connaissait la réponse. Ensuite, se battre pour sa ville cela n’implique pas de devoir mentir ou de se renier en raison de l’honneur qui vous est fait. Je ne me fais acheter par personne. Je défends l’intérêt des habitants. Je sais que certains macronistes ont considéré que parce que le président de la République aide Marseille, il aurait fallu que je devienne macroniste. Quelle perception de la démocratie, quelle basse idée que ces gens-là se font des convictions. Moi, j’ai été élevé avec un certain nombre de valeurs dans lesquelles la continuité de mes convictions est quelque chose d’important.
Ce sont donc les valeurs qui vous portent ?
C’est ce qui me tient debout et qui me pousse en fait parce qu’il y a des moments de doute et d’hésitations. Moi je ne crois pas aux hommes et aux femmes providentielles qui disent : « Je suis fort, Je n’ai peur de rien, je ne doute jamais… » Ce n’est pas vrai. Je les trouve pathétiques.
Sur un plan économique, le centre-ville de Marseille continue de souffrir : départ des Galeries Lafayette du Centre Bourse, départ de la cité judiciaire à Arenc, départ de l’Open 13… ?
Concernant l’Open 13, je regrette que certains n’aient pas su le retenir et encore plus ce qui a pu se passer dans la manière dont les flux financiers ont été organisés. Pour le reste quand j’étais dans l’opposition je disais déjà que la création des centres commerciaux était une catastrophe pour la ville, une bombe à retardement et que dans 10 ans ils allaient créer une situation terrible pour le centre-ville. J’ai prêché dans le désert et on m’a ri au nez. C’est-à-dire tous les grands experts, tous les grands économistes, dont la droite se targue d’être, m’ont expliqué que je ne comprenais rien, que c’était le sens de l’histoire alors que toutes les villes du monde voyaient leurs centres commerciaux devenir des friches. Et je disais : « C’est ce qui va nous arriver », on me répondait : « Mais non pas du tout », que je voyais tout en noir…
Aujourd’hui, j’ai le Centre Bourse qui est dans une situation extrêmement compliquée. Mais j’ai un plan fait, préparé, je n’attends que le go du président de la République. Il est ambitieux, tellement ambitieux que c’est un plan national. Dans les mandats précédents tout a été fait pour donner à des promoteurs la possibilité de faire des centres commerciaux qui, eux-mêmes allaient mécaniquement et économiquement péricliter, d’ailleurs on le voit. Par exemple, le centre commercial du Prado, qui est tout neuf, ne fonctionne pas.
Vous avez obtenu un prêt de la BEI d’un montant global de 425M€. Est-ce le signe que les finances de la Ville se portent mieux ?
Pour rappel, je suis la seule municipalité qui, depuis 1987, a réussi à décrocher un prêt de la BEI (Banque européenne d’investissement NDLR), qui n’est pas tout à fait un organe central du Parti communiste ni des philo-socialistes… Elle estime qu’elle a une majorité qui lui donne assez confiance pour lui prêter des centaines de millions d’euros. Parce qu’on a redressé les comptes. Regardez ce qui se passe dans les autres institutions du territoire… En ce qui concerne l’agence Fitch, on ne peut pas dire qu’elle soit adhérente du Printemps marseillais, pourtant j’ai amélioré la notation. Donc des cours d’économie, je n’en prends de personne et encore moins de ceux qui m’ont laissé la ville dans cet état.
Et concernant le départ de la Cité judiciaire vers Arenc quel impact sur le centre-ville ?
Pour l’instant on manque encore de recul c’est ma crainte. Je l’ai dit à plusieurs reprises. Il y a encore des études d’impact qui vont être réalisées … Il n’est pas encore fait le nouveau tribunal.
Au niveau des transports, fin 2024, il y avait une entente cordiale entre vous et la présidente de la métropole. Qu’est-ce qui est à l’origine de ce nouveau divorce ?
Je sais dire quand ça marche ou quand ça ne marche pas. Cela a fonctionné parce qu’il y avait un travail mutuel. Et puis, je pense que madame Vassal s’est mis en tête de devenir maire de Marseille. A partir de là, elle a cessé tout contact. Et je découvrais dans la presse des absurdités comme le tramway sur la Corniche ; des pistes cyclables, là où il n’en fallait pas ; je découvrais des nouvelles lignes de bus, alors que je n’avais pas été consulté… Des choses qui normalement ne se font pas avec un EPCI qui n’est pas une collectivité territoriale, c’est un Etablissement public de coopération intercommunale donc c’est une boîte à outils. Je regrette que madame Vassal n’ait pas compris à quoi servait la métropole. Elle sert aux populations, à la mobilité, à la transformation du territoire. Elle ne peut pas être une arme politique, elle ne doit pas être une arme politique. Quand les choses avançaient, et notamment sur la question du tramway de la Belle de Mai, quand elle m’a montré le projet, j’ai dit que c’était bien parce que je ne mens pas, parce que quand c’est bien c’est bien. Vous l’avez vu une seule fois dire que les écoles c’était bien ?
Et le boulevard urbain Sud (BUS) quand va-t-il se terminer ?
Quand on aura repris la métropole.
Si vous gagnez Marseille, la métropole sera à votre portée ?
Il n’y a jamais de certitude. Là, il y a une campagne, des votes. Et la nouvelle loi PLM, pourrait nous le permettre. Je pense que Marine Vassal a fait son temps à la métropole. A Marseille c’est un échec patent. Je ne suis pas boulimique, je ne serai pas candidat à la métropole. Moi ce qui m’intéresse c’est que les rues soient propres, que les poubelles soient ramassées, que l’on ait autant de tournées que toutes les communes de la métropole. A sa place j’aurais embauché des éboueurs, remis des cantonniers, j’aurais fait comme dans le reste de la métropole deux passages de ramassage de poubelles, des passages le week-end. J’aurais créé une police de la propreté, elle ne l’a pas fait. Puis je me serais astreint, sur la question des mobilités et des transports, afin que nous n’ayons pas que deux lignes de métro dans une ville qui fait 5 fois Lyon. La dernière ligne de métro a été inaugurée par Gaston Defferre en 1977. C’est un peu maigre comme bilan quand même. Maintenant ça suffit ! Les Marseillais sont des habitants de la métropole comme les autres. Il se trouve d’ailleurs, ils ne le savent pas, que ce sont eux qui paient le plus d’impôts métropolitains, par exemple pour la taxe des ordures ménagères. Les Marseillais paient pour que les villes adjacentes soient propres. Je suis content que ce soit propre ailleurs, je veux juste que ce soit propre à Marseille. Ce fonctionnement doit et va cesser.
Une campagne métropolitaine se prépare donc ?
Ça va être une campagne où la question des compétences métropolitaines va être très forte. Si on se dit de quoi nous parle les Marseillais : la sécurité, c’est la responsabilité de l’État ; la propreté, responsabilité de la métropole ; les transports, responsabilité de la métropole ; les infrastructures, responsabilité de la métropole ; l’aménagement urbain, responsabilité de la métropole. Fermons les yeux 2 minutes et imaginons une ville où il y a des rues propres, des transports en commun qui fonctionnent, un aménagement urbain qui va bien : mais c’est le paradis Marseille. Donc en fait cette élection, et je pense que certains ne l’ont pas compris, va être une élection sur laquelle et dans laquelle les Marseillais vont prendre la parole sur ces sujets. Et je vais le faire aussi.
Donc vous serez candidat ?
C’est vous qui le dites…
Sur le plan national que pensez-vous de Sébastien Lecornu ? Est-ce le mouton à cinq pattes ?
Pour Sébastien Lecornu cela va être très difficile de sortir le pays de l’ornière. J’ai considéré tout de suite après la dissolution que la partition de l’Assemblée nationale était extrêmement complexe et qu’elle n’amènerait pas le grand soir démocratique que tous les commentateurs nous prédisaient. J’ai participé à quelques émissions nationales sur ces questions-là et vous savez qu’il y a «des toutologues» -c’est-à-dire des gens qui sont capables de parler sur les plateaux de télé de vaccinations, de droit international, de droit constitutionnel, de la fonte de la banquise…- qui m’expliquaient que pas du tout que les députés allaient être obligés de parler et que de cette Assemblée où il n’y avait pas de majorité naîtrait un grand consensus dans la grande sagesse et sous le poids de l’histoire du Palais Bourbon. On allait voir ce qu’on allait voir. J’ai dit : « Ce sera bloqué ». On a vu ce qu’on a vu, ce n’est pas bloqué, c’est cadenassé parce que les institutions de la Ve République font que le fait majoritaire, que la question du programme de gouvernement ou des consensus ne sont pas dans l’ADN de la Ve République. Or les gens veulent des réponses, de la stabilité et de l’espoir. Ils ne veulent pas trinquer pour les autres. S’il s’agit de faire payer toujours les mêmes, ceux qui travaillent ou ceux qui ne travaillent pas, les foyers les plus en difficulté comme les petits commerçants, les entrepreneurs moyens… et de ne pas aller chercher l’argent là où il est, alors Sébastien Lecornu ira dans le mur.
Apparemment il ne souhaite pas taxer les très riches ?
Aujourd’hui il faut une juste répartition des richesses dans ce pays mais il n’y a pas de majorité pour fabriquer ça. Mon sentiment est que Sébastien Lecornu ne veut pas de la Taxe Zucman sur les plus hauts patrimoines. On parle de quelques centaines de personnes qui ont un patrimoine de 100 millions d’euros et moi je n’arrive même pas imaginer ce que c’est 100 millions d’euros. Qui peut accepter que les 500 plus grandes fortunes aient à ce point augmenté et que pour les autres on continue comme si de rien n’était. Ce n’est pas indécent de partager les richesses, il ne s’agit pas de dépouiller les gens. Il ne faut pas caricaturer les choses. Personne ne va prendre ceux qui créent de l’emploi avec des piques. On n’est même plus sur le capitalisme à la papa, là on est sur un libéralisme complétement débridé.
Et puis le niveau politique de l’Assemblée nationale qui n’est fait que d’invectives, de mises à l’index, c’est terrible. Je trouve pour la classe politique qu’il y a un abaissement intellectuel et culturel tellement fort qu’évidemment cela ne fait que le lit des populismes. Aujourd’hui, on voit bien ce qui se passe dans le pays. Le pays est fatigué, il est à bout alors qu’il a envie de perspectives et je ne vois pas de gens essayer de redonner cet espoir-là. Mais comme j’ai décidé de me consacrer qu’à Marseille je n’irai pas plus loin.
Cela va-t-il poser des problèmes pour la campagne des municipales ?
Il ne faut jamais sous-estimer l’intelligence des Marseillais. Une campagne municipale, les gens choisissent celles et ceux qui vont gouverner leur vie. Ce n’est pas la même chose que ce qui passe au niveau national. Beaucoup aimerait ici qu’il y ait une transcription pure cela n’a jamais été le cas.
Une centaine de mairies ont pavoisé leur fronton pour soutenir la création d’un État Palestinien décidé par Emmanuel Macron. Vous n’avez pas fait ce choix, pourquoi?
Je considère que les symboles sont importants mais que les actes sont plus forts encore. Au moment de la tragédie du 7 octobre on a tous été ébranlés par les atrocités commises par les terroristes du Hamas et on a tous été solidaires. Des Israéliens ont été sauvagement assassinés, et je crois qu’il n’y a pas de mots pour définir la violence inouïe de ce pogrom, l’inhumanité absolue du Hamas. J’ai considéré, et on a été nombreux à le faire, qu’Israël était légitime à se défendre mais, dans le cadre du droit international.
Alors oui, il faut mettre hors d’état de nuire le Hamas mais cela ne justifie pas et cela ne justifiera jamais ce qui est en train de se passer à Gaza. Et la mort de milliers d’enfants et de civils qui attendent de l’eau ou de la nourriture ne peut pas être justifiée. Donc j’ai considéré que mon devoir et que l’honneur de la ville de Marseille était comme je l’ai fait pour l’Ukraine ou pour ailleurs, de venir en aide à un peuple qui se retrouvait sans défense. Il faut imaginer que les Palestiniens, et notamment les Gazaouis, sont sous le fer du Hamas et sous les bombes d’Israël. Il n’y a plus personne pour les défendre. L’aide humanitaire n’arrive plus. J’ai considéré qu’il fallait envoyer de l’aide humanitaire. J’ai donc donner de l’argent à l’Unicef. Et au moment de la reconnaissance de l’État de Palestine j’aurais pu brandir un drapeau mais cela n’aide personne. C’est facile de se ceindre d’un drapeau pour penser qu’on a des convictions. Ce que j’ai fait à plus de poids. J’ai jumelé Marseille avec une ville de Palestine, Bethléem, pour faire un programme avec eux d’éducation, de culture, d’aide alimentaire, de centre de santé parce qu’ils vont avoir besoin de ça. Ils s’en foutent pas mal si j’ai mis un drapeau.
C’est un choix spontané Bethléem ?
Cela fait très longtemps qu’on y travaille, on parle d’un endroit du monde qui est en guerre. Quand la guerre est arrivée en Ukraine on était déjà jumelé avec Odessa c’était simple. Là, le processus a été extrêmement long et extrêmement difficile. Et, pour moi, il était très important d’arriver à se jumeler avec une ville de Palestine comme il était très important pour moi de ne pas me « déjumeler » d’une ville israélienne. Je n’essentialise pas les gens. Pourquoi est-ce qu’on me demande de me«déjumeler» de Haïfa ? Parce qu’ils sont juifs. En quoi les habitants de Haïfa sont responsables de ce que fait Benjamin Netanyahou. Haïfa est une des villes où il y a le plus de manifestations contre son gouvernement, et je devrais les punir, pourquoi ? Je n’accepte pas qu’on confonde un enfant de Gaza avec le Hamas, je n’accepte pas qu’on confonde un enfant de Tel Aviv ou de Haïfa avec Smotrich ou Ben Gvir ou Netanyahou. Je ne l’accepterai jamais.
Vous parlez du droit international mais il est en train d’être piétiné…?
C’est plus que le piétiner qu’Israël est en train de faire, c’est le mettre à bas. Je pense qu’Israël et d’autres, dont les États-Unis, teste la solidité de l’ONU. Par exemple pour l’instant, je vois l’ONU faire de belles déclarations mais dans les actes ça ne va pas loin. C’est quelque chose de très inquiétant parce qu’on est arrivés à un moment de post-vérité. On a un président des États-Unis capable de raconter absolument n’importe quoi à n’importe quel moment; de frapper n’importe quel pays à n’importe quel moment; de dire je te mets 100 % de droits de douane ou 3 %, 2 %, 50 %; de se réveiller la nuit pour faire un tweet improbable.
C’est une inquiétude pour vous ?
C’est une de mes principales inquiétudes, le populisme est vraiment le cancer de la démocratie et les métastases sont partout. En 3 ans on a assisté à une accélération exceptionnelle de l’Histoire.
Dans ce monde chaotique, une bonne nouvelle tout de même, la victoire de l’OM contre le PSG…
Un clasico pour un Marseillais c’est un moment suspendu. C’est toujours l’espoir pour nous d’une victoire même si depuis 14 ans on ne l’a pas connue. Mais au fond, on y va toujours avec la presque certitude qu’on va gagner. On a eu pas mal de déconvenues mais lundi soir j’ai ressenti des frissons dans les 10 dernières minutes. Je n’avais plus de souffle, tu es entre le chrono et le terrain, tu regardes les gens autour de toi et puis tu te dis ça y est, enfin, c’est possible.
J’ai vécu la grande époque de l’OM, celle où mon père, mon grand-père m’ont emmené au stade et où j’ai vu des victoires incroyables et où je n’ai vu mon club que gagner. Au moment où j’y allais, entre mes 12 et 16 ans, j’ai vu un club exceptionnel qui gagnait le championnat de France, la Ligue des Champions, la coupe et j’ai vu aussi mon club descendre. Mais, j’ai toujours eu la même ferveur. Quand on va dans ce temple du sport il se passe quelque chose qui ne se passe ni ailleurs ni comme ça. Et, lundi soir il y a eu ce moment de magie on était au paradis du sport. Et puis, il s’est passé quelque chose d’autre, j’ai entendu ce que j’entendais quand j’étais plus jeune, les gens qui klaxonnent dans la rue, qui chantent. Cela m’a fait penser à ces moments de gloire… et je me suis dit en fait tu vois que rien n’est jamais joué que rien n’est jamais fini, c’est aussi ça la magie du sport et de cette Ville.
Propos recueillis par Joël BARCY et Patricia CAIRE