« L’origine du monde » la « dépantalonnade » burlesque de Sébastien Thiéry au Gymnase de Marseille

Publié le 18 mars 2015 à  12h11 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h43

Grégoire Bonnet et Sébastien Thiéry dans
Grégoire Bonnet et Sébastien Thiéry dans

C’est à son ami et complice théâtral Jean-Michel Ribes que Sébastien Thiéry a dédié sa pièce «L’origine du monde». Créée au Théâtre du Rond-Point à Paris le 11 septembre 2013, dans une mise en scène de ce même Jean-Michel Ribes, actuellement reprise au Gymnase à Marseille dans une distribution sensiblement différente (deux des cinq acteurs ont changé), cette farce burlesque aborde les thèmes de la maternité, de la paternité et des racines familiales de chacun sur un ton d’insolence débridée. Au début de la pièce Jean-Louis (incarné par Sébastien Thiéry) reçoit chez lui Michel, un camarade vétérinaire, venu l’ausculter car il s’est aperçu que son cœur ne battait plus. Est-il mort ? Pas encore. D’après un marabout africain dépêché sur les lieux afin d’analyser cette étrange pathologie, la fin de Jean-Louis est inévitable si il ne remonte pas prestement aux sources de son origine biologique. Pour cela il faudra prendre en photo le vagin de sa mère. Les deux amis, aidés de Valérie, la femme de Jean-Louis invitent la maman de ce dernier et tenteront d’obtenir par tous les moyens l’impudique cliché, synonyme de guérison. Qualifiant la pièce d’ «énorme dépantalonnade», insistant sur aspect dadaïste, Jean-Michel Ribes a voulu une mise en scène «très classique dans la mesure où elle est baroque». Une mise en scène délirante aurait été, selon lui pléonastique, annulant ainsi «la vivacité absurde des dialogues et l’incongruité des situations». Dans des teintes de gris anthracite traitées selon une perspective oblique (c’est toujours Jean-Michel Ribes qui s’exprime) l’espace du salon c’est un peu un intérieur bourgeois revisité par Magritte. Des acteurs nus sur scène, (sans que cela soit vulgaire ni choquant, le propos s’y prêtant), des phrases cinglantes, une volonté de faire rire, et de déranger, «L’origine du monde» touche sa cible et déclenche auprès du public une franche hilarité. Cohérent le jeu des acteurs contribue à la réussite scénique, même si Tiphaine Gentilleau dans le rôle de Valérie, et Nicolas Giret-Firmin dans celui du Marabout, (ils ont remplacé Camille Rutheford et Diouc Koma) sont nettement en dessous des performances de Sébastien Thiéry, Grégoire Bonnet (solide Michel), et surtout Isabelle Sadoyan, irrésistible en mère au vagin rebelle. Mais, et c’est le défaut inhérent de chacune des pièces de Sébastien Thiéry dont on a salué l’audace et l’inventivité de «Cochons d’Inde», «Comme s’il en pleuvait», «Le début de la fin», ou «Qui est Monsieur Schmitt», ses principales comédies, l’écriture demeure parfois trop légère, pas assez puissante. Et surtout on s’aperçoit que l’effet de surprise passé, «L’origine du monde» résiste assez mal à une deuxième vision. Ni à plusieurs lectures que l’on peut entreprendre en le découvrant publié à «L’avant-scène Théâtre». Nous sommes loin de Kafka et Brecht, de Ionesco ou du « Nez » de Gogol. S’il parvient à introduire comme le font ses brillants devanciers des éléments fantastiques au cœur de déroulements de vies ordinaires, s’il réussit à installer un climat d’étrangeté, il échoue par une écriture trop plate, à donner à ses personnages la dimension nécessaire à les rendre inoubliables. Tout cela se regarde et se lit sans ennui, même si on reste un peu selon moi à la surface des choses.
Jean-Rémi BARLAND
« L’origine du monde » de Sébastien Thiéry. Au Gymnase jusqu’au 21 mars à 20h30. Sauf le mercredi 18 mars à 19h. Pièce éditée à «L’avant-scène Théâtre» n° 1349, datée du 15 septembre 2013. 93 pages -12 €

Articles similaires

Aller au contenu principal