Marseille : Agir contre le Front National, colloque contre les idées et actions d’extrême-droite en réponse à la tenue de l’université d’été du FN

Publié le 15 septembre 2013 à  23h43 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h18

Pierre Bergé et Patrick Mennucci lors du colloque Agir contre le Front National (Photo S.R.)
Pierre Bergé et Patrick Mennucci lors du colloque Agir contre le Front National (Photo S.R.)
Du colloque Agir contre le Front National organisé ce dimanche 15 septembre à l’initiative de Sandrine Mazetier, Malek Boutih et Patrick Mennucci, on retiendra des temps forts, au rang desquels l’intervention de Raphaël Lioger, philosophe et sociologue des religions, la prise de parole de Pierre Bergé et le désaccord entre la politologue spécialiste de l’extrême droite Virginie Martin et Malek Boutih, le député de l’Essonne.
Patrick Mennucci explique pourquoi il a souhaité qu’une telle réunion se déroule, ce qu’il en retient: « Je ne pouvais pas supporter que le FN soit à Marseille et que nous ne débattions pas sur les dangers qu’il représente, sur les moyens de lutter contre lui. Et cette journée m’a éclairé. J’ai compris que c’est dans la rigueur du programme municipal, les réponses qu’il apporte aux problèmes qui résident, leur crédibilité, que nous pourrons les combattre  ».
Raphaël Liogier, pour expliquer la stratégie actuelle du FN en revient à Maurras qui entendait distinguer le pays réel et le pays légal pour faire avancer ses idées. « Le FN a commencé à changer sa stratégie à partir de 2003 notamment sur la laïcité qui ne va plus avoir de sens mais seulement faire signe. La laïcité est un principe juridique portant sur la séparation des églises et de l’État. Et il est question de neutralité ce qui ne veut pas dire neutralisation. Tout au contraire, la laïcité est là pour que les publics puissent s’exprimer dans l’espace public. » Avec le FN « la laïcité devient une partie du patrimoine français et il n’est plus question de la loi de 1905. Relisez l’intervention d’Aristide Briand en 1905 et vous verrez que cela n’a rien à voir avec ce que dit le FN… mais aussi certains au PS ».

« L’extrême-droite ne s’étend pas, c’est pire, elle se dissout dans l’opinion »

Pour lui: « L’extrême-droite ne s’étend pas, c’est pire, elle se dissout dans l’opinion et on voit que quasiment tout le monde porte ses thèmes. On ne peut parler de Lepenisation des esprits, en revanche, on assiste à une marinelepenisation. Par exemple, lorsque l’on voit la Manif pour tous, les organisateurs n’ont cessé d’affirmer qu’ils représentaient le peuple. Comme depuis la fin de la seconde guerre mondiale, il n’est plus légitime de parler de race, on parle de culture, de défense de la filiation. Marine Le Pen ne dit pas être raciste, elle juge qu’une culture est antinomique avec la démocratie : l’Islam. Comme la Manif pour tous n’était pas contre les homosexuels, elle posait juste la question de la filiation. La même stratégie de contournement est utilisée avec l’antisémitisme, ainsi Dieudonné ne se positionne pas comme antisémite… mais comme antisioniste et il va jusqu’à déclarer que le mariage pour tous est un complot sioniste  ». Et la boucle est bouclée.
Alors l’universitaire ne cache pas la gravité de la situation: « Avant il y avait des idéologies et il était possible de débattre, de s’affronter, mais là, le FN joue sur l’opiniologie qui permet de dire tout ce qu’on veut. Il joue aussi sur les frustrations qui touchent une majorité de la population et, enfin, sur le tous pourris, un terrain sur lequel on retrouve aussi Jean-Luc Mélenchon. De même l’insécurité. Peut-être existe-t-elle à Marseille. Mais on ne cible pas les vrais problèmes. On préfère laisser pourrir la situation en faisant signe, et, une fois que la situation a pourri on incrimine l’immigration, le communautarisme, on s’en prend à des innocents ».
Il conclut avec gravité: « Il faut dire les problèmes de sécurité, s’y attaquer. Il faut dire les problèmes économiques, s’y attaquer. Autrement rien ne dit que Marine Le Pen sera au deuxième tour de la Présidentielle, par contre, si elle y est, elle peut très bien gagner.  »

« On ne vaincra jamais la bête immonde, par contre on peut l’affaiblir »

Pierre Bergé a tenu à participer à cette journée. « Il en est qui me demande pourquoi je suis ici aujourd’hui ? Mais la vraie question, si je n’étais pas venu, aurait été : pourquoi votre absence ? Je suis attaché à Marseille et cette ville est en danger. L’arbre, bien réel, de la violence cache le danger FN. Un danger auquel il n’y a pas de réponse unique, on le saurait. Mais le danger est bien réel, comme le dit Raphaël Liogier, les idées du FN se dissolvent dans la société or, on sait bien en homéopathie que plus une molécule est diluée, plus son effet est grand. La méfiance s’impose. Les organisateurs de la Manif pour tous se foutaient du mariage homo, ils avaient là une occasion de mettre en cause la légitimité du gouvernement. Et il ne faut pas croire que le pire n’arrive qu’aux autres, ailleurs, le Nazisme est arrivé à cause du Traité de Versailles qui a affamé l’Allemagne. C’est contre cela qu’il faut lutter. Et, on sait très bien qu’on ne vaincra jamais la bête immonde, par contre, on peut l’affaiblir et là, il s’agit de l’empêcher de gagner les élections ».
L’après-midi la table ronde porte sur « Face au FN : bataille culturelle, bataille économique ou bataille morale ».
Virginie Martin, politologue, juge: « La réponse morale au FN est une ineptie. En effet, depuis le temps cela se saurait si elle était efficace. La réponse économique, c’est parce que les gens souffrent qu’ils votent FN, n’est pas non plus pertinente. C’est dans le plus petit dénominateur qu’il faut chercher la réponse à la montée de l’extrême droite, dans le trouble civilisationnel. Qui n’a pas entendu dire que nous connaissons la colonisation à l’envers, que l’Europe décline. Nous sommes là dans l’irrationnel, dans des représentations très profondes. Et quelles réponses apportons-nous à ce trouble ? On parle de plus de République, de laïcité, d’État. Mais cela n’est pas suffisant. On parle aussi d’intégration à la française, mais cela n’est plus pertinent. Quand quelqu’un migrait dans les années 60-70 il quittait tout, fermait la porte sur son passé. Mais aujourd’hui il y a Internet, Facebook, les compagnies low coast. Aujourd’hui nous vivons le temps du transculturel. Et les réponses ne sont pas à la hauteur. Ainsi, la dénonciation du communautarisme, mais c’est la communauté homo qui s’est mobilisée, qui a permis d’avancer dans la lutte contre le Sida. Le FN est dans un anachronisme absolu, mais c’est à nous de proposer une autre vision du monde ».
Malek Boutih affiche son soutien à Patrick Mennucci avant de lancer à la précédente intervenante: « Je suis choqué par vos propos. La morale pour moi, contrairement à ce que vous dites, c’est le fond de l’affaire. L’économie : Le Pen est arrivé au second tour de la Présidentielle alors que nous étions dans une période de création d’emplois. Le multiculturalisme ? Mais cela veut dire quoi lorsque l’on voit les résultats du FN en Alsace alors que pour eux les étrangers c’est les parisiens ?». Il enchaîne : « Bien sûr que nous sommes dans une période trouble, il va falloir du temps pour redresser l’économie, développer l’écologie. Mais il faut marteler que, dans tous les cas, le FN n’est pas légitime à avoir accès au pouvoir politique ». Il conclut : «Et j’ai envie de dire aux Marseillais : si vous voulez vivre encore plus mal, vous enfoncez avec le FN, ce sera pour votre malheur, pas celui des autres ».
Michel CAIRE

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