Tirée des réserves du Mucem, la guillotine sera exposée 6 mois durant. Une manière de rendre hommage à l’homme qui a fait de l’abolition de la peine de mort, le combat de sa vie. Au moment où la République salue la lutte de Robert Badinter en l’accueillant au Panthéon, il était logique de ressortir le symbole de son combat.

Une machine glaçante
Elle nous fait face comme un bête assoiffée de sang. La guillotine trône au centre d’un demi-cercle. Le musée l’a sortie de ses collections pour rendre hommage à Robert Badinter. Il a vu la machine glaçante en action et toute sa vie ne fut qu’un combat pour abolir la peine de mort. « Pour ne plus avoir de gens couper en deux », dira-t-il. A quelques jours de son entrée au Panthéon le Mucem a voulu lui rendre hommage à travers cet objet. « Il fallait que le public se rende compte physiquement de ce que cela voulait dire, analyse Pierre-Olivier Costa, le président du Mucem. L’histoire n’est pas qu’abstraction, elle est aussi objet et on est un musée de l’objet. Alors on a voulu monter à quel point l’objet disait des choses de cette abolition de la peine de mort. »
Un objet gênant

Quand la peine de mort a été abolie en 1981, aucun dossier dans les archives n’évoque la volonté du personnel scientifique de faire entrer cette pièce dans un musée. C’est Robert Badinter qui a voulu que la guillotine soit conservée dans un musée pour être inaliénable mais avec des précautions. « Quand la guillotine entre en collection en 1982, il est spécifié qu’il ne faut pas présenter cet objet au public avant l’an 2 000, dévoile Marie-Charlotte Calafat, directrice scientifique et des collections du Mucem. Il y a cette projection d’en faire une pièce de musée mais pour le futur parce que c’est trop sensible ». Il y a une gêne ? « C’est certain, cet objet est glaçant, il est monstrueux. Il fait 4,50 mètres de haut, pèse 800 kg, le mouton qui tient la lame fait 40 kg… Là on a vraiment voulu être en hommage à la pièce de musée que souhaitait Robert Badinter, donc on la présente comme tel. »
Un objet central
Jamais la guillotine n’a été présentée de cette manière, centrale. Au musée d’Orsay en 2010 elle était partiellement voilée. Aux Baumettes, elle était derrière des grilles. Le Mucem l’a exposée dès 2013 et pendant 4 ans mais dans un coin. Là, elle nous fait face, l’émotion est très forte mais elle est atténuée par une contextualisation des différentes luttes. « C’est pleinement notre rôle d’être à la fois ce lieu d’apaisement et de débats, indique le président du Mucem. On est un musée de société donc on a des marqueurs, des traces de toutes les avancées sociales et sociétales. On peut regarder les choses en face juste avec la mémoire et la considération qu’on doit avoir pour les hommes et les femmes qui se sont battus. »
Un outil chirurgical
L’apparition de la Guillotine -qui tire son nom de son inventeur, un médecin, M. Guillotin-, remonte à 1792. Elle fut utilisée pour Le roi Louis XVI. Si l’outil est monstrueux, il est apparu pour éviter que des condamnés, décapités à la hache ne meurent souvent dans d’atroces souffrances. Le bourreau de Marie-Stuart manqua deux fois son cou avant que le troisième ne fût fatal et elle n’est pas la seule. On estime à 40 000 le nombre de personnes guillotinées depuis sa première utilisation, majoritairement durant la Révolution. Le bruit sourd de la guillotine a résonné pour la dernière fois le 10 septembre 1977, à la prison des Baumettes à Marseille.
Robert Badinter entrera au Panthéon le 9 octobre. Le Mucem sera gratuit à cette occasion.
Reportage Joël BARCY