Marseille: Pourquoi l’IHU Méditerranée Infection et Kedge sont désormais partenaires

Publié le 22 décembre 2018 à  7h49 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  20h42

L’un manque de compétences en gestion, marketing, ingénierie financière, l’autre entend placer ses étudiants en Mastère spécialisé Innovation Santé : l’IHU et la Business School ont donc décidé qu’en combinant leurs atouts, ils pouvaient s’apporter l’un l’autre des solutions. Les prémices, prenant la forme d’un challenge innovation créé voilà quatre ans, ont cédé le pas à un véritable partenariat opérationnel.

Eric Chabrière,  responsable de la valorisation à l'IHU Méditerranée Infection  et Christophe Mouysset, directeur des relations entreprises chez Kedge Business School ont signé il y a peu un accord de partenariat portant sur la capture d'innovation (Photo KBS)
Eric Chabrière, responsable de la valorisation à l’IHU Méditerranée Infection et Christophe Mouysset, directeur des relations entreprises chez Kedge Business School ont signé il y a peu un accord de partenariat portant sur la capture d’innovation (Photo KBS)
Ils travailleront désormais ensemble : l’IHU Méditerranée Infection et Kedge Business School ont en effet signé un accord de partenariat. Le but étant d’attribuer aux étudiants du Mastère Spécialisé en Innovation Santé (MSIS) de Kedge la mission de valoriser le portefeuille d’innovations disponibles au cœur de l’IHU. Pour Eric Chabrière, Directeur de recherche de l’équipe Bio cristallographie Biotechnologie et Enzymologie Structurale et responsable de la valorisation chez Méditerranée Infection, le besoin de s’adjoindre des compétences autres que les scientifiques s’imposait. «A l’IHU, nous avons tous identifié une faiblesse en gestion, marketing, ingénierie financière. Ici, nous faisons du développement et de la recherche. Or la difficulté en France, c’est de transformer cela. Quand on a la molécule et que l’on dépose le brevet, on n’en est en fait qu’à la moitié du chemin ! On croit souvent que le brevet va se transformer en richesse, mais c’est faux : on est encore loin du monde industriel. Il y a les contraintes, les réglementations, les protocoles… Les entreprises ne veulent pas acheter de brevet en cours de développement. Elles préfèrent acquérir un produit clé en main», explique-t-il. Et c’est bien ce qui différencie une invention d’une innovation, revient quant à lui Paul Gimet, directeur du mastère en question chez Kedge. « Une innovation, c’est une invention qui a rencontré un marché. Tout ce qui sort du concours Lépine ne devient pas un business… C’est le fait de capturer cette valeur qui joue. A partir du moment où l’invention a une valeur marchande ou une valeur d’usage, cela devient une innovation.»

Placer les étudiants dans des environnements complexes

C’est donc à cela que devra s’appliquer la quarantaine d’élèves issus de la Business School sise à Luminy : la capture d’innovation. En d’autres termes, le fait «de déterminer à quels segments et sous-segments de marché les brevets de l’IHU peuvent être destinés, et de se charger de l’aspect marketing», poursuit Paul Gimet. A la genèse de ce partenariat, un challenge innovation créé voilà déjà quatre ans, avec l’objectif de mettre l’entreprise au cœur de la pédagogie de Kedge. «Il s’agit de proposer aux étudiants d’être placés dans un environnement complexe, comme par exemple celui des biotechs, des medtechs, de l’aéronautique… Pendant trois semaines, nous leur demandons de capturer la valeur d’une innovation. Ceci en mixant des scientifiques et des étudiants. Cette année, nous avons inclus dans le brassage les élèves d’autres écoles, comme Epitech. Dans le cadre de ce challenge, une mission est donc proposée». Deux start-up de l’IHU, identifiées comme ayant des besoins en la matière ont donc fait l’objet de ce challenge. Il y a tout d’abord Gene & Green TK, qui propose une nouvelle alternative aux antibiotiques en développant des agents d’anti-virulence bactérienne (les bactéries ne posant souci que lorsqu’elles développent un système de communication qui leur est propre, la start-up a identifié des enzymes particulières qui les en empêchent). L’autre TPE, c’est Xegen, société de bioinformatique spécialisée dans l’analyse de données «omics» (c’est-à-dire les disciplines scientifiques se terminant par -omique, comme par exemple la génomique) et l’annotation fonctionnelle de gènes, de familles de gènes ou de génomes complets.

Partenariat opérationnel

C’est donc à la suite de ce challenge que Kedge Business School et l’IHU ont décidé d’aller plus loin, ensemble. «Il s’agit d’un partenariat opérationnel. Concrètement, les sept start-up peuvent passer leurs annonces pour des stages, des emplois pouvant intéresser la quarantaine d’étudiants du Mastère», précise Eric Chabrière. Parmi ces dernières, Planaire Cosmetic, une jeune pousse qui étudie les propriétés de régénérescence d’un ver nommé donc planaire. Propriétés qui en font un être potentiellement immortel et qui le rendent capable de résister à des bactéries très pathogènes, voire mortelles pour l’homme. «En termes de capture, avec cette innovation, soit on cible le marché du médicament, soit celui de la cosmétique», développe Claude Spano, Directeur Innovation Hybride et Intelligence Numérique chez Kedge Business School. Mais ce n’est pas tout : «Outre les start-up, il y a également pas moins de 38 brevets au sein de l’IHU. Et nous ne pouvons pas tout développer… Nous proposons donc aussi ce portefeuille de brevets, pour les étudiants prêts à analyser les possibilités de capture de ces technologies », reprend Eric Chabrière. Enfin, il y a également une autre grande richesse au sein de Méditerranée Infection : sa banque de microbes. «Nous comptons plus de 300 bactéries… Beaucoup de pathologies sont liées au microbiote, le cancer, l’obésité… Il y a donc besoin de ces bactéries pour réaliser des médicaments… et possibilité de les vendre en tant que services. Soit tout un modèle économique à mettre en place», analyse encore le directeur de recherche. Bref, le chantier est vaste et les quarante étudiants du mastère Innovation Santé ont une belle marge de manœuvre.

Intérêt bilatéral

Mais il ne s’agit pas d’un contrat à sens unique… Car l’IHU aussi a beaucoup à apporter à Kedge. «Nous avons de l’expérience dans la recherche, dans le financement de l’innovation, savons comment monter une start-up scientifique… Pour l’heure, Kedge ne sais pas encore le faire. Il y aura donc des interventions dans un sens et dans l’autre. Nous pouvons répondre à des questions spécifiques, comme par exemple est-ce qu’il faut tout breveter, mettre à disposition nos très bons carnets d’adresse. Si quelqu’un veut investir, nous avons une excellente visibilité en la matière», conclut enfin Eric Chabrière.
Carole PAYRAU

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