Marseille rend hommage au groupe Manouchian

Publié le 23 février 2014 à  11h31 - DerniÚre mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h18

L'Affiche rouge est une affiche de propagande placardée en France dans le contexte de la condamnation à mort de 23 membres des Francs-tireurs et partisans, suivie de leur exécution, le 21 février 1944.
L’Affiche rouge est une affiche de propagande placardĂ©e en France dans le contexte de la condamnation Ă  mort de 23 membres des Francs-tireurs et partisans, suivie de leur exĂ©cution, le 21 fĂ©vrier 1944.
A l’initiative de la Jeunesse ArmĂ©nienne de France (JAF) Marseille vient de rendre hommage Ă  Missak Manouchian et les membres de l’Affiche Rouge, Ă  l’occasion du 70e anniversaire de leur exĂ©cution par les Nazis. Une cĂ©rĂ©monie forte, Ă©mouvante lors de laquelle la plupart des intervenants ont insistĂ© sur le devoir de mĂ©moire en ses temps troubles que nous vivons.
La cĂ©rĂ©monie se dĂ©roule devant la stĂšle de Missak Manouchian, Ă  Marseille, ville oĂč rescapĂ© du gĂ©nocide armĂ©nien, il arrive en 1925. De nombreuses personnalitĂ©s sont prĂ©sentes (*), au premier rang desquelles Marie-Arlette Carlotti, la ministre dĂ©lĂ©guĂ©e auprĂšs de la ministre des Affaires sociale et de la SantĂ©, chargĂ©e des personnes handicapĂ©es et de la lutte contre l’exclusion.
J.P Chiny, ancien combattant, responsable de l’ANACR, le premier, lance un cri d’alarme : «Soudain des voix s’Ă©lĂšvent pour ironiser, nier le racisme et les victimes. Et le pire c’est que des milliers de français paient pour aller aux spectacles d’un pitoyable bouffon. Alors, plus que jamais, il s’impose de perpĂ©tuer la mĂ©moire». Puis d’indiquer: «C’est Ă  Marseille, en 1940 que naĂźt la rĂ©sistance avec Henri Frenay. Ils Ă©taient peu nombreux alors, venaient d’horizons diffĂ©rents mais avaient en partage l’amour de la France et de la liberté». Il rappelle Ă  ce propos:« Dans ce quartier du Vieux-Port, des rues, des places, rappellent les hĂ©ros de la rĂ©sistance. Nous avons une rue Gabriel PĂ©ri, communiste, journaliste Ă  l’HumanitĂ© ; la place d’Estienne d’Orves, catholique, Action Française et, ce buste en hommage Ă  Manouchian, armĂ©nien. Les Nazis, aprĂšs l’exĂ©cution du groupe Manouchian ont publiĂ© une affiche rouge, ultime dĂ©gradation, pour discrĂ©diter la rĂ©sistance, en montrant ces italiens, armĂ©niens, espagnol, polonais morts pour la France en chantant La Marseillaise. Cette affiche, finalement, est le symbole de l’identitĂ© de notre Nation. Et il s’agit de rappeler que la libertĂ© et la dĂ©mocratie ne sont pas des valeurs naturelles mais qu’il faut les gagner. Et que, dans des temps troubles, c’est la rĂ©sistance qui a sauvĂ© l’honneur de la France».

« Ce groupe, aux noms imprononçables, doit rejoindre les grands noms de la Résistance au Panthéon »

Julien Dikran Harounyan, le prĂ©sident de la JAF Marseille rappelle que «Missak Manouchian Ă©tait un ouvrier, un homme de lettres, un homme de paix. RescapĂ© du gĂ©nocide armĂ©nien mais orphelin, il arrive Ă  Marseille, la derniĂšre terre de libertĂ©. C’est avec le PCF qu’il prend conscience des horreurs en cours, horreurs qui lui rappellent son passĂ©. Il Ă©labore le groupe Manouchian avec des Ă©trangers, des apatrides qui ont fui qui Franco, qui Mussolini, qui Hitler. Ils ne se battent ni pour leur famille, ils n’en n’ont plus, ni pour leurs biens, ils n’en n’ont pas, ni pour la gloire. Ils se battent pour la libertĂ© de la France».
Alors, pour l’intervenant, il est clair que ce groupe, « aux noms imprononçables, doit rejoindre les grands noms de la RĂ©sistance au PanthĂ©on », et d’inviter « les Ă©lus, les parlementaires prĂ©sents Ă  cette cĂ©rĂ©monie, d’intervenir en ce sens».
Puis d’inviter Ă  son tour « aux devoirs de mĂ©moire, de transmission, d’Ă©veil aux valeurs de la rĂ©sistance », car si « les bourreaux ont changĂ© les crimes sont toujours commis». Il rappelle Ă  ce propos l’action entreprise avec AmnĂ©sie internationale.
Il condidĂšre: «Manouchian et ses camarades sont le meilleur remĂšde contre les replis sur soi qui sont aujourd’hui Ă  l’Ɠuvre comme ils l’Ă©taient voilĂ  70 ans».

« Crier sa soif de justice et de paix au monde entier »

Simon Azilazian, prĂ©sident de l’Amicale des anciens combattants et rĂ©sistants français d’origine armĂ©nienne, avance : «Des hommes, des femmes, se sont battus contre la haine, le fascisme, les intĂ©rĂȘts mercantiles de nos dirigeants. Et pourtant, 70 ans plus tard, dans notre 21e siĂšcle dĂ©sarticulĂ©, on n’arrive pas Ă  Ă©radiquer les vieux dĂ©mons alors que nous pensions qu’il serait celui de l’Ă©veil des consciences». Il invite «la France de la rĂ©volution, des droits de l’Homme et du citoyen Ă  crier sa soif de justice et de paix au monde entier». Il rĂ©clame enfin aux participants «engageons-nous Ă  nous indigner sans modĂ©ration, il est encore temps».
Gilbert Minassian, alias le colonel Hovsep Hovsepian, cĂ©lĂšbre Ă  son tour les militants de l’Affiche Rouge. «Étrangers mais patriotes français, ils ont Ă©tĂ© l’honneur de la France ». Et de signifier aux personnes prĂ©sentes Ă  la commĂ©moration: «Vous ĂȘtes les hĂ©ritiers moraux de la France unie dans ses diffĂ©rences, de la France des LumiĂšres qui rayonne dans le monde. Et bien, hĂ©ritiers moraux, nous devons nous opposer Ă  la haine et Ă  tous ceux qui essaient de diviser les français».
Pour Dominique Tian : « 70 ans aprĂšs l’exĂ©cution du groupe Manouchian, la ville de Marseille, quelles que soient ses opinions, est unie contre le Fascisme ».
Christophe Masse, vice-président du Département 13, représentant Jean-Noël Guérini précise que le Conseil général prendra toute sa part dans les manifestations commémoratives de la premiÚre guerre mondiale et du génocide arménien.

« Elle a exhortĂ© les jeunes Ă  bannir de leur tĂȘte et de leur vocabulaire le mot : Haine »

Jean-Marc Coppola, reprĂ©sentant Michel Vauzelle, le PrĂ©sident de RĂ©gion rappelle : «C’est grĂące Ă  des juifs, des armĂ©niens, des italiens… que nous avons pu voir la fin des tĂ©nĂšbres». Il poursuit : « Manouchian devient communiste en 1934 alors que l’extrĂȘme-droite bat le pavĂ© aux cris de: « les juifs dehor » ».
L’Ă©lu considĂšre Ă  son tour que Manouchian et son groupe ont toute leur place au PanthĂ©on. Puis de conclure en citant une rĂ©sistante, rencontrĂ©e lors d’un voyage organisĂ© par la RĂ©gion avec des lycĂ©ens Ă  Auschwitz-Birkenau :«Elle a exhortĂ© les jeunes Ă  bannir de leur tĂȘte et de leur vocabulaire le mot : Haine ».

« Le gouvernement travaille à la pénalisation de la négation du génocide arménien »

Marie-Arlette Carlotti insiste sur le fait que «c’est Ă  Marseille que Missak Manouchian a dĂ©barquĂ©, Marseille qui a accueilli tant de destins, de vies brisĂ©es par la folie des hommes. ConnaĂźtre leur histoire c’est unir nos cƓurs fraternels. Et l’histoire du peuple armĂ©nien est notre histoire car nous appartenons Ă  la mĂȘme communautĂ©, la communautĂ© humaine. Nous sommes liĂ©s par nos singularitĂ©s. Et il ne faut pas se tromper : ceux qui sont du cĂŽtĂ© de la mĂ©moire sont du cĂŽtĂ© de la vie alors que ceux qui sont du cĂŽtĂ© de l’oublie sont du cĂŽtĂ© de la mort ». Elle prĂ©cise Ă  ce propos :«Le gouvernement travaille Ă  la pĂ©nalisation de la nĂ©gation du gĂ©nocide armĂ©nien ».
Patrick Mennucci, le maire des 1/7 clĂŽture les interventions : « Qu’elle Ă©tait la Patrie de Manouchian ? L’ArmĂ©nie n’existait que dans le cƓur des armĂ©niens. Alors qu’elle Ă©tait leur patrie sinon la mort, le sang, les meurtres, les soudards qui envoient des hommes, des femmes, des enfants sur les routes de Syrie sans eau, sans nourriture. Sa patrie c’Ă©tait le gĂ©nocide. Et puis il arrive Ă  Marseille, trouve un pays, plus que la France c’Ă©tait la RĂ©publique, c’Ă©tait le dernier refuge de la libertĂ©. Un refuge qui sera mis sous le joug des Nazis et il deviendra un combattant de la libertĂ© ».
Patrick Mennucci soutient l’idĂ©e que les cendres des membres du groupe Manouchian reposent au PanthĂ©on. Il reprend une idĂ©e formulĂ©e par Christophe Masse, qu’un monument voit le jour Ă  Marseille, en 2015, sur le J4, Ă  l’occasion du centiĂšme anniversaire du premier gĂ©nocide du 20e siĂšcle. «Cette signature validera le statut de terre d’accueil de notre citĂ© phocĂ©enne. Il marquera l’amitiĂ© entre les peuples ».

Michel CAIRE

On notait la prĂ©sence de Marie-Arlette Carlotti, ministre des Affaires sociale et de la SantĂ©, chargĂ©e des personnes handicapĂ©es et de la lutte contre l’exclusion, du dĂ©putĂ© Dominique Tian UMP, reprĂ©sentant le Maire de Marseille, de Christophe Masse, reprĂ©sentant le prĂ©sident du conseil gĂ©nĂ©ral 13, de Jean-Marc Coppola, reprĂ©sentant le prĂ©sident de RĂ©gion Paca, de la sĂ©natrice communiste Isabelle Pasquet, des dĂ©putĂ©s europĂ©ens Jean Roatta et Jean-Luc Bennhamias…

Missak Manouchian

Missak Manouchian, rescapĂ© du gĂ©nocide armĂ©nien arrive Ă  Marseille en 1925. Il adhĂ©rera au PCF, entre dans la rĂ©sistance, devient responsable des FTP-MOI. Il sera arrĂȘtĂ©, condamnĂ© Ă  mort avec son groupe. Le 21 fĂ©vrier 1944, les 22 hommes du groupe sont fusillĂ©s au Mont-ValĂ©rien, en refusant d’avoir les yeux bandĂ©s, tandis qu’Olga Bancic la femme du groupe est transfĂ©rĂ©e en Allemagne et dĂ©capitĂ©e Ă  la prison de Stuttgart le 10 mai 1944. Dans la foulĂ©e de ces exĂ©cutions, la propagande allemande placarde 15 000 exemplaires de ces fameuses affiches rouges portant en mĂ©daillons noirs les visages de dix fusillĂ©s. Au centre, l’affiche Rouge de Manouchian cette inscription : « ArmĂ©nien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessĂ©s ».
Mais l’affaire de l’Affiche Rouge, placardĂ©e sur les murs de Paris par l’ennemi, produit l’effet contraire Ă  celui escomptĂ© : pour toute la RĂ©sistance, elle devient l’emblĂšme du martyre. Les soutiens de sympathisants se multiplient.

Les 23 membres du groupe Manouchian exécutés par les Allemands

Celestino Alfonso, Espagnol, 27 ans -Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, dĂ©capitĂ©e en Allemagne le 10 mai 1944) -Joseph Boczov, Hongrois, 38 ans – IngĂ©nieur chimiste- Georges Cloarec, Français, 20 ans -Rino Della Negra, Italien, 19 ans -Thomas Elek, Hongrois, 18 ans, Ă©tudiant -Maurice Fingercwajg, Polonais, 19 ans -Spartaco Fontano, Italien, 22 ans -Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans -Emeric Glasz, Hongrois, 42 ans, ouvrier mĂ©tallurgiste -LĂ©on Goldberg, Polonais, 19 ans -Szlama Grzywacz, Polonais, 34 ans -Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans -CĂ©sare Luccarini, Italien, 22 ans -Missak Manouchian, ArmĂ©nien, 37 ans -Armenak Arpen Manoukian, ArmĂ©nien, 44 ans -Marcel Rayman, Polonais, 21 ans -Roger Rouxel, Français, 18 ans -Antoine Salvadori, Italien, 24 ans -Willy Schapiro, Polonais, 29 ans -AmĂ©dĂ©o UssĂ©glio, Italien, 32 ans -Wolf Wajsbrot, Polonais, 18 ans -Robert Witchitz, Français, 19 ans.

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