Marseille. Théâtre Toursky. «Un président ne devrait pas dire ça » vision théâtrale, voire cinématographique du pouvoir

Au départ un livre signé Gérard Davet et Fabrice Lhomme paru aux éditions Stock. Intitulé « Un président ne devrait pas dire ça ». Cet homme qui aurait pu s’abstenir pour des raisons évoquées dans cet essai au final assez frondeur n’est autre que François Hollande. Les auteurs qui sont de fait des biographes des pensées et réflexions d’un homme de pouvoir, ont voulu demeurer au plus près d’une réalité qu’ils servent avec beaucoup de verve.

Destimed Un president ne devrait pas dire ca Photo Eliot Blondet
« Un président ne devrait pas dire ça » Thibault de Montalembert et Lison Daniel complémentaires et exceptionnels  © Eliot Blandet

Et voilà que « Un président ne devrait pas dire ça » est devenu une pièce de théâtre construite par les auteurs eux-mêmes sur des dialogues de François Pérache et une collaboration artistique d’Antoine Mory, tandis que Charles Templon assisté d’Alexandre Paradis signait la mise en scène. On aurait pu craindre le pire et assister à une succession de petites phrases mises bout à bout. Il n’en est rien ! Brillant ce spectacle doit sa réussite avant tout à la manière dont l’ensemble est donné aux spectateurs de manière quasi cinématographique avec une utilisation très judicieuse de la vidéo.

Nous sommes dans les coulisses d’une rédaction où Stéphane journaliste d’investigation propose aux patrons de son journal une série d’articles faisant suite à des entretiens privés avec François Hollande, le temps de sa présidence. Pour Stéphane le journalisme, c’est du temps long, et donc, c’est presque un marathon qu’il s’apprête à entreprendre. Il est assisté pour cela de Léa Klein, jeune journaliste cultivée à l’extrême, (Sciences Po et Normale Sup.) qui a plus ou moins forcé sa décision travailler avec lui.

 Quelque chose de balzacien

 Il y a, comme le notait l’acteur Scali Delpeyrat, qui incarne François Hollande jusqu’à l’osmose, quelque chose de balzacien dans cette plongée au cœur des splendeurs et misères de la République. Ajoutant : « Il y a là quelque chose de formidable dans le registre de la comédie humaine », le comédien prend un plaisir extrême à enchaîner ses répliques qui sont au mot près, celles tenues par François Hollande lorsqu’il était en fonction à l’Élysée.

Sur l’écran défilent des phrases telles que : «moi personne ne m’a vu arriver », « une leçon de la politique c’est d’être totalement amnésique » ou encore « être Président, c’est ne plus avoir d’amis » sans oublier : « La question ? Y’a que les réponses qui sont indiscrètes ». Chapitrée en cinq moments à savoir : « Le Président et les affaires judiciaires », « Le Président et le terrorisme», «Le Président et ses Premiers ministres», «Le Président et sa vie privée », et « Le Président et sa réélection », la pièce déploie son univers avec un jeu très subtil d’allers et retours entre le bureau du journaliste et l’Élysée.

C’est très visuel, et drôle parfois, avec un coup de projecteur sur l’investigation et la fabrique de l’information. François Hollande étant le centre du motif mais il pourrait être question d’un autre Président dans les mêmes conditions, car c’est bien à une réflexion sur la manière d’exercer le pouvoir dont il est aussi question ici.

 Interprètes explosifs

 La force du spectacle tient également dans, on a commencé à le dire, la puissance des interprètes. Hélène Babu, qui campe une patronne de Stéphane absolument survoltée possède un charisme aussi impressionnant que celui de Scali Delpeyrat, irrésistible en François Hollande. Le duo Thibault de Montalembert en Stéphane (notons que cet acteur souvent invité à jouer au Jeu de Paume d’Aix a fait ses classes de formation avec un certain… Dominique Bluzet), et Lison Daniel née à Marseille, tient de la magie. Tout le monde joue ensemble, s’écoute, fait sonner les silences, dans une volonté d’offrir une pièce choral. Pas de fausses notes dans cette sonate théâtrale sur le pouvoir et ce qu’on en fait et ce qu’on en dit. Du vrai théâtre oui et où l’on apprend une foultitude de choses et qui passionne autant par le fond que dans la forme.

Jean-Rémi BARLAND

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