Trois copropriétaires condamnés à de la prison ferme. Du sursis pour un ex-adjoint au maire et un architecte-expert. Au total le tribunal a prononcé 6 relaxes et 10 condamnations de 7 mois un procès fleuve de six semaines.

Les copropriétaires condamnés

Quatre ans de prison dont deux fermes ont été prononcés à l’encontre de Xavier Cachart, ex-élu régional, propriétaire et avocat du syndic. Il est reconnu coupable « des fautes les plus graves », dira le président du tribunal. Homicides involontaires et soumission de personnes vulnérables à un habitat indigne. Il n’ira pas en prison, sa peine de 2 ans sera purgée via un bracelet électronique. Peine identique pour Gilbert Ardilly, absent à l’audience. Via une SCI, c’est l’un des propriétaires de l’appartement du 1er étage du 65, rue d’Aubagne occupé par une famille comorienne avec un enfant de huit ans. Le petit El Amine racontera qu’en partant à l’école, il avait « une maman, une famille, des vêtements. A son retour il n’avait plus qu’un cartable.» Il sera le seul survivant de l’appartement. Sébastien Ardilly, le fils de Gilbert Ardilly, qui s’est effondré à l’audience et a nécessité une suspension d’audience a été condamné à trois ans de prison, dont un an ferme, là aussi sous bracelet électronique. Sa femme Martine à trois ans de prison avec sursis intégral.
Le gestionnaire coupable
Jean-François Valentin, le gestionnaire de la SARL cabinet Liautard, syndic de l’immeuble N°65 est lui aussi reconnu coupable de ne pas avoir engagé des travaux. Le tribunal le condamne à 3 ans de prison avec sursis. Selon le tribunal il connaissait l’état de l’immeuble et s’est associé avec Xavier Cachart, copropriétaire mais aussi avocat du syndic, pour ne rien faire. Tous ces protagonistes n’avaient pas été initialement renvoyés devant le tribunal lors de l’ordonnance de renvoi.
L’action des avocats des parties civiles
Si gestionnaire et copropriétaires se sont retrouvés à la barre pour ce procès fleuve et sont aujourd’hui condamnés c’est principalement dû à l’action de quelques avocats des 102 parties civiles. « Lors de l’instruction, le juge et le procureur de la République n’ont pas poursuivi les propriétaires, ni Monsieur Valentin, dénonce Benoît Candon, avocat de parties civiles. S’ils sont condamnés aujourd’hui c’est grâce aux parties civiles que nous sommes. 4 ou 5 pauvres avocats, payés avec l’aide juridictionnelle, et qui se sont dit ce n’est pas normal qu’ils s’en sortent si bien. Alors on a fait des citations directes, cela a été accepté par le tribunal et ils se sont fait condamnés sévèrement.»
Du sursis pour l’élu et l’expert
Julien Ruas ex-adjoint de Jean-Claude Gaudin à l’époque est lui aussi reconnu coupable de négligences caractérisées en ne menant pas une politique volontariste contre l’habitat indigne, en n’utilisant pas les 6,5 M€, débloqués pour effectuer des travaux d’urgence. Une peine de 2 ans avec sursis est prononcée. « Il y a des éléments sur la responsabilité du syndic, sur la responsabilité politique de la ville de Marseille et de Julien Ruas qui sont forts, estime Kevin Vachet du collectif du 5 novembre. Julien Ruas a été condamné pour ne pas avoir pris en compte les alertes de la société civile, cela veut dire que le travail des associations doit être reconnu et que cela vaut pour alerte institutionnelle et politique. »
Richard Carta l’architecte expert qui avait autorisé les occupants du N°65 à réintégrer leur immeuble a été condamné 2 ans de prison avec sursis. Il avait mené une expertise express en raison d’un départ en vacances le lendemain. Trois semaines plus tard l’immeuble s’effondrait.
Assassins !
C’est sous les cris d’assassins que sont sortis du tribunal, l’ex-adjoint au maire Julien Ruas et le copropriétaire Xavier Cachart. Les représentants d’associations étaient présents massivement et se sont fait entendre malgré les condamnations de 10 personnes sur les 16 possibles. « On n’a pas respecté les morts et on n’a pas obtenu réparation. Deux ans de bracelet électronique mon dieu, c’est comme le télétravail, c’est de la « téléprison », clame en colère Stéphane Lécolier, du collectif du 5 novembre. « Je ne peux avoir le regard d’un professionnel du droit, car je ne suis pas une professionnelle du droit, je suis une accompagnatrice qui est au chevet de ces familles en détresse et méprisées, justifie Kaouther Ben Mohamed, présidente de l’association “Marseille en colère”. Oui ils ont été condamnés, oui pour la première fois on reconnait leur culpabilité mais on espérait que ces gens goûtent un peu à la misère qu’ils imposent aux autres et goûtent un peu à l’habitat insalubre, celui de la prison. »
Plus de modération
Vision différente pour les avocats des parties civiles. Pour Benoît Candon, avocat de parties civiles, les prévenus « ont été jugés avec une main de fer, ils se sont pris des peines considérables, ils ont des amendes considérables et ils ont une honte de cette condamnation dont ils ne se départiront jamais. » Le président régional de la fondation « logement des défavorisés » (ex-abbé Pierre) évoque un jugement historique. « La culpabilité a été reconnue, de la prison ferme a été requise certes avec aménagement mais à notre connaissance c’est un jugement historique.»
Reportage Joël BARCY