OFF d’Avignon. « Pourquoi les gens qui sèment » : un débat citoyen salutaire

Qu’est-ce qui est juste ? La pièce de Sébastien Bizeau interroge le conflit entre légalité et légitimité. Une pièce à 100 à l’heure où la scène est transformée en arène, où le public n’est pas composé de spectateurs mais de citoyens.

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« Pourquoi les gens qui sèment » © Joël Barcy

Storytelling

Sébastien Bizeau nous a habitués avec « Heureux les orphelins » à tordre les mots pour raconter une histoire, un narratif, destiné à faire passer la pilule. Avec « Pourquoi des gens qui sèment » il confronte le mot « juste » au sein d’un couple. Chloé et Antoine s’aiment, ont vécu de belles choses ensemble mais leurs trajectoires divergent. Chloé est militante écologiste prête à la désobéissance civile pour empêcher le développement des bassines. Antoine est préfet, gardien de l’ordre républicain. Leur amour résistera-t-il à l’épreuve de choix totalement radicaux ?

Un public citoyen

Le public fait partie du spectacle, la mise en scène immersive le transforme en citoyen balloté entre un débat télévisé, une réunion publique, une conférence de presse ou confronté aux dilemmes des associations sur la marche à suivre. Impossible de se tenir à l’écart des événements. La pièce est menée à 100 à l’heure avec une multitude de rôles (une dizaine pour certains des acteurs, tous impeccables) et nous intègre dans ce tourbillon, nous questionne. A quel engagement citoyen suis-je prêt pour rester fidèle à mes convictions, à quels sacrifices ? Et après tout dans quel camp serai-je ? Celui de la légalité ou de la légitimité ?

Un couple que tout oppose

 Comment rester ensemble quand les convictions sont aux antipodes ? Quand la loi et la justice ne se répondent plus. Chloé est une Antigone contemporaine prête à tout pour sauver la planète quel qu’en soit le prix. On goûte les joutes verbales au sein du couple, les propos sont ciselés, les mots choc. Mais vient immanquablement une question : jusqu’où peuvent-ils aller l’un et l’autre sans rompre ? A nouveau le spectateur-citoyen est confronté à son action ou son inaction. Le texte n’est pas bardé de slogans, rien n’est vraiment manichéen. Les zones sont plutôt grises même si à la fin il faudra trancher.

Théâtre engagé

 Sébastien Bizeau, à travers une pièce ludique, offre un théâtre engagé, aborde des problèmes de fond : les bassines, ces réserves artificielles censées pallier la pénurie d’eau estivale. Mais qui a raison ? Les gros agriculteurs qui y puisent pour sauver leurs récoltes ou les 90% qui n’y auront pas accès ? Les pouvoirs publics forts du soutien des puissants syndicats agricoles maintiennent le cap. Les militants, eux, dénoncent un accaparement des ressources. ? On est sur un champ de bataille où chacun a ses raisons de se battre, sûr de son bon droit, de ses arguments et de sa victoire. Une impasse se dessine.

Et l’amour ?

 Lorsque Cloé projette une action sur la zone qu’Antoine protège, tout dérape. Chloé est certaine de la légitimité de son action pour alerter. Antoine a la défense de la République chevillée au corps. Il ne reculera pas. Aucun des deux ne veut renoncer. Le compromis maintenu jusque-là va se rompre sur l’autel des convictions. Plus d’issue possible. Pot de terre contre pot de fer, Chloé est interpellée. La graine écologique semée dans son esprit a germé, elle est allée jusqu’au bout de ses convictions mais la note est salée

Joël BARCY

« Pourquoi les gens qui sèment »  La Factory salle Tomasi à 12h40, jusqu’au 26 juillet

 

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