Festival OFF Avignon. « Une chose vraie », une autofiction poignante

Dans ce seule en scène la comédienne Ysanis Padonou livre avec pudeur et sans pathos son vécu d’actrice, victime d’une maladie neurodégénérative rare, la maladie d’Huntington. Elle dit vrai et elle est bouleversante.

Destimed Ysanis Padonou
La comédienne Ysanis Padonou atteinte de la maladie de Huntington dans « Une chose vraie » © Joël Barcy

Froide neutralité

Ysanis Padonou est assise au centre du décor, style studio photo, saturé de couleurs. Elle ressemble à un petit animal aveuglé par les projecteurs. La scène est presque nue, comme risque de l’être son cerveau. Seuls quelques objets semés ici et là servent de repères. Mais rapidement sa voix profonde donne une autre image. « Je suis là… bien là ».  Elle ne s’embarrasse pas de mots, elle est directe, factuelle, clinique.

Des aveux

La comédienne évoque en préambule la maladie qui la frappe. Elle porte une oreillette, l’ôte pour la montrer au public. « Sans elle, en quelques minutes, je me mettrai à bafouiller », explique-t-elle et, elle devrait disparaître de la scène. Pas de jérémiades ou de vague à l’âme, juste une constatation froide. Elle énonce les origines de la maladie et ses conséquences : « La maladie de Huntington est une affection génétique et neurodégénérative qui me condamne à l’effritement de mes facultés cognitives et motrices. La dégradation s’amorcera entre mes 35 et mes 50 ans. » Une course contre la montre est engagée, elle nous laisse sans voix.

La vie continue

Ysanis a 27 ans. Elle n’a pas de symptômes mais une épée de Damoclès sur sa tête. Huntington est héréditaire, son grand-père en est mort. Sa mère en est atteinte. Elle l’a appris, en 2014, de la bouche du neurologue en l’accompagnant: « En quatorze minutes chrono lors d’une consultation brutale ne laissant aucune place à la dernière respiration qui précède la noyade. » Alors l’actrice quitte l’enveloppe de son double sur scène et replonge dans son passé où elle a déjà dû se battre.

 Comment se construire ?

 Ysanis est recrutée à l’école du Théâtre national de Strasbourg en 2011. Elle entend un metteur en scène dire : « Elle est bien la petite Négresse. » Elle surmonte cette épreuve puis, arrive la découverte de la maladie de sa mère et potentiellement la sienne.  Elle s’éloigne de sa génitrice, brûle les planches tant qu’elle peut avant qu’un diagnostic ne confirme, à l’âge de 19 ans, qu’elle est atteinte aussi. L’information connue, implacable, comment la gérer ? Comment se construit une jeune femme quand elle sait que passés ses 35 son été de santé va se dégrader ? Comment cohabiter avec l’inexorable ?

 Mise à nu 

« Je n’ai pas envie d’être victime de cette situation, mais actrice tant que je le pourrai», insiste-t-elle.  Dans ce récit autobiographique, la comédienne se dévoile avec délicatesse, humour et légèreté sur les conséquences de ce nom barbare : Huntington. Elle invite à une réflexion sur les maladies neurodégénératives. En ultime partage, elle enlève son oreillette et convie une spectatrice-souffleuse sur scène pour jouer le rôle de l’oreillette. Elle lui murmure les vers d’une tragédie qu’elle répète. Elle n’est pas une victime. Elle est actrice, une grande actrice.

Joël BARCY

« Une chose vraie » théâtre du Train bleu à 15h05,  jours impairs jusqu’au 23 juillet.

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