Publié le 3 mai 2018 à 20h56 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h47
Sur scène, le plateau tient la route avec une Elsa crédible, toute de sensibilité, parfois de naïveté et d’inquiétudes féminines qui a les traits, et la voix sur le fil tendu de la fragilité, de Barbara Haveman. Petra Lang, elle, est une inquiétante Ortrud, sorcière sortie de ces grimoires où sont consignées les légendes teutonnes, voix bien placée, puissante et grinçante aux mimiques à faire des cauchemars toute la nuit. Annoncé souffrant, Thomas Gazheli campe un Frédéric de Telramund aigrelet, malfaisant malgré lui puisque manipulé par sa sorcière d’épouse du début jusqu’à sa fin. Adrian Eröd, héraut du roi, omniprésent, tient parfaitement sa partie, précis et avec une belle projection. Quant au roi Henri, l’oiseleur incarné par Samuel Youn, il chante et joue avec classe et talent, confirmant les excellentes impressions qu’il nous avait laissé à l’issue de sa dernière prestation à Marseille en 2015 dans «Le Vaisseau fantôme». Quant à Norbert Ernst, dans le rôle titre, il maîtrise totalement sa prestation vocale, évitant la surpuissance, histoire de préserver avec intelligence l’homogénéité de la distribution et la crédibilité de son histoire d’amour avec Elsa.
Un excellent travail auquel il convient d’associer les comprimari Pascale Bonnet-Dupeyron, Florence Laurent, Elena Le Fur et Marianne Pobbig chez les femmes, Florian Cafiero, Samy Camps, Jean-Vincent Blot et Julien Véronèse chez les hommes de même que le danseur-comédien Massimo Riggi (Gottfried) et les enfants Lisa Vercellino et Matteo Laffont. Après Hérodiade et avant Ernani, le chœur, renforcé chez les hommes, était confronté à Wagner et s’est distingué par sa précision une fois la mise en place du premier acte effectuée. Puissance et gravité ont présidé à ses prestations dont la qualité n’a d’égale que le travail effectué en amont sous la direction d’Emmanuel Trenque. Puis, il y a la mise en scène de Louis Désiré, toute de sobriété et d’intelligence. Loin d’un onirisme souvent utilisé, et usé, pour cet ouvrage, Louis Désiré crée un environnement sombre, certes, mais tout d’humanité. Un travail pour lequel il bénéficie des décors et costumes, sobres et sombres eux aussi, mais qui ne trahissent pas une seule fois le propos, de Diego Mendez Casariego. On est loin de la légende clinquante avec épées, armures et cygnes emplumés, la seule part de surnaturel étant apportée par les lumières blanches violentes parfaitement réglées par Patrick Méeüs. Une histoire toute de romantisme, un rêve d’Elsa, comme le confie le metteur en scène, une tranche de vie humaine avec le bien, le mal et un happy end où le héros, repart vers son Graal sans avoir négligé d’assurer bonne vie à ceux qu’il a côtoyés et à celle qu’il a peut-être aimée en ce royaume de Brabant. Superbe travail, production à découvrir sans faute au cours des deux représentations à venir.
Michel EGEA
Pratique. Autres représentations le samedi 5 mai à 19 heures et le mardi
8 mai à 14h30. Réservations au 04 91 55 11 10 / 04 91 55 20 43 ou sur opera.marseille.fr