On a vu dans le Off d’Avignon : Arnaud Denis, un époustouflant misanthrope

Publié le 22 juillet 2014 à  12h24 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h05

Arnaud Denis, un époustouflant misanthrope (Photo D.R.)
Arnaud Denis, un époustouflant misanthrope (Photo D.R.)

Si parmi toutes les mises en scène du «Misanthrope» de Molière, celle de Michèle André s’impose comme un événement, c’est en raison de la cohérence du jeu des comédiens, de la sobriété avec laquelle sont exposés les sentiments des personnages, de la beauté des costumes, de la subtilité des lumières et de la relecture intelligente proposée aux spectateurs. Sombre, noire même, plus proche du «Don Giovanni» de Mozart que d’une comédie de Molière, cette vision d’Alceste dépasse tous les clivages classiques-modernes, pour brosser le portrait d’un homme blessé et d’une jeune femme vilipendée en raison de son insouciance, de sa prétendue légèreté et de la force de son esprit indépendant. Demeurer dans la pureté d’exécution des scènes de la pièce, avec un côté sonate et un aspect Requiem; faire de la rencontre entre un être jaloux et l’incarnation même de la liberté, un chant épique; restituer les intrigues de cour sous Louis XIV en élargissant le propos à toutes les sphères de tous les pouvoirs passés, présents et futurs, l’ambition de Michèle André est extrême. Et le résultat à la hauteur de ses exigeantes ambitions. Ayant raboté un peu le texte, en s’attelant à gommer ses aspects purement décoratifs, le spectacle s’attache à montrer en filigrane une Célimène nouvelle qui peut se concevoir, elle aussi, comme une Misanthrope au féminin, animée de la même volonté de voir triompher la vérité brut de décoffrage. Sur scène cela se voit, cela s’entend, l’ensemble porté par la beauté éclatante et le talent d’Élodie Navarre, une Célimène rayonnante, vraie, intense, très éloignée de l’aspect ampoulé que l’on donne en général au personnage dans les mises en scène de la Comédie Française. Si toute la troupe est au diapason la palme revient néanmoins à l’incroyable Arnaud Denis qui campe un époustouflant misanthrope. Un misanthrope d’anthologie devrait-on dire. Éblouissant acteur -dont la performance a été saluée dans «Ce qui arrive et ce qu’on attend» de Jean-Marie Besset (DVD de la pièce disponible chez la Copat)- possédant une voix profonde et grave -(à ce titre il a enregistré pour Gallimard audio des lectures de «Cheval de guerre» de Michael Morpugo et des extraits de la correspondance de Gaston Gallimard)- Arnaud Denis ne semble pas jouer mais incarne Alceste dans toute sa dimension tragique. Pas d’affectation dans son interprétation qui rappelle celui d’Henri Virlogeux dans le même rôle, mais une vision humble, noire et lumineuse d’un personnage rendu à sa dimension humaine, très humaine, d’un individu courageux «fait de tous les hommes et que vaut n’importe qui».
Jean-Rémi BARLAND
Au Théâtre actuel à 22h 30. Réservations au 04 90 82 04 02

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