Opéra de Marseille – Le beau retour de «L’Africaine»

Pour retrouver trace d’une représentation à Marseille de l’ouvrage de Meyerbeer il faut remonter… en janvier 1964, soit une petite soixantaine d’années. Pour ouvrir cette saison 23/24 de l’Opéra, Maurice Xiberras a eu la bonne idée de le programmer avec Karine Deshayes dans le rôle-titre. Un joli coup !

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Karine Deshayes (Sélika) et Florian Laconi (Vasco de Gama). (Photo Christian Dresse).

Directeurs d’opéras, journalistes parisiens, musicologues de tout poil, il n’y a pas que le Pape et le rugby pour faire venir du beau monde à Marseille, l’Opéra y arrive aussi. Nous en voulons pour preuve la première représentation de « L’Africaine » mardi soir. Il faut dire que le casting 100% français composé par le directeur de la maison avait de quoi séduire avec un «quatuor» de luxe. Et le résultat a été vocalement à la hauteur de l’attente. Karine Deshayes, avec aisance et caractère, a donné toute sa densité émotionnelle à l’héroïne, confirmant qu’elle est actuellement en plénitude vocale avec une maitrise parfaite de sa tessiture de mezzo-soprano, une projection idéale et une capacité de coloration de son chant hors du commun ; le seul reproche, tout petit, qui peut lui être adressé étant une diction approximative au moment d’aborder les difficultés. A ses côtés, Hélène Carpentier n’a aucune difficulté pour imposer une Inès délicate, victime par amour, libérée par la suite avec la complicité de sa rivale. La soprano possède un chant élégant, une belle personnalité et une diction parfaite.

Du côté masculin de la distribution, Florian Laconi est un Vasco de Gama sans faille, ténor précis et puissant, projection idéale et grande présence scénique pour incarner l’explorateur vaillant et l’homme partagé entre l’amour de deux femmes. Amoureux, aussi, mais transit, de la reine Sélika, le Nélusko de Jérôme Bouteiller impose sa puissance et sa rigueur vocale procurant une belle dimension à son personnage.

Laurence Janot est une parfaite Anna, suivante d’Inès, Patrick Bolleire, Christophe Berri, François Lis, Cyril Rovery, Jean-Vincent Blot, Wilfried Tissot et Jean Pierre Revest complétant judicieusement une distribution de grande homogénéité. De la classe et de la qualité, aussi, dans la prestation du chœur de la maison préparé par Christophe Talmont.

Positionnant l’action au début du 20e siècle, Charles Roubaud et son équipe signent décors, costumes et mise en scène de cette production de façon élégante, évitant la reconstitution historique et ses lourdeurs, avec des déplacements fluides, des éléments de décors aériens et des vidéos simples mais évocatrices.

Enfin, cette production bénéficie de la direction de Nader Abassi, invité en dernière minute à Marseille pour suppléer Roberto Rizzi-Brignoli initialement programmé. Une performance pour le chef égyptien qui inscrivait ainsi l’œuvre à son répertoire de façon intelligente et sensible, mettant en valeur les couleurs d’un orchestre attentif.

«L’Africaine» est le dernier opéra composé par Giacomo Meyerbeer. Une œuvre mêlant exotisme, colonialisme, paternalisme dictatorial, poids de l’intégrisme religieux et féminisme. De quoi titiller les sensibilités au 19ème siècle avec une histoire d’amour complexe menée par un trio :

Sélika, reine esclave, Ines, princesse et Vasco de Gama, explorateur. A sa création en 1865 à Paris, l’opéra a connu un beau succès qui s’est poursuivi ensuite au fil des ans un peu partout en Europe avant de s’éloigner des préoccupations de la société. On peut regretter que la première de cette production marseillaise n’ait pas rencontré le succès populaire qu’elle méritait ; espérons que les retours de la presse sur cette représentation inciteront le public à une découverte dans les jours à venir.

Michel EGEA

Autres représentations les 5 et 10 octobre à 20 heures et le 8 octobre à 14h30. opera.marseille.fr

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