Le Pape est arrivé directement de l’aéroport Marseille-Provence à Notre-Dame de la Garde sanctuarisée pour l’occasion. Un lieu privilégié pour le Pape François qui prie souvent Marie. Il s’est ensuite rendu sur la stèle dédié à tous ceux qui ont péri en mer marins et migrants. Pour ces derniers, il a invité les pays riches à prendre en compte la pauvreté, à faire preuve d’humanité et à aider les personnes dans le besoin.
Le Saint-Père a été accueilli par le recteur de la basilique, le père Spinosa, ému de recevoir sa Sainteté. Cinq siècles que la cité phocéenne l’espérait. Après avoir embrassé le christ, le Pape a béni l’assistance. Intervention du Cardinal Jean-Marie Aveline…
« Nous sommes réunis en mémoire de ceux qui n’ont pas survécu, qui n’ont pas été sauvés »
Après une prière mariale en la basilique Notre-Dame de la Garde, le Pape François s’est rendu auprès de la stèle érigée pour les disparus en mer marins et migrants pour un vibrant hommage.
C’est le cardinal Jean-Marc Aveline qui prendra tout d’abord la parole : «Et maintenant, nous voici devant cette stèle, érigée ici, face à la mer, en hommage aux marins et aux migrants qui ont péri dans le linceul des flots. Dans le cours de votre voyage à Marseille, cette étape est sans doute l’une des plus émouvantes.». l’archevêque de Marseille a également rappelé que «quand des hommes, des femmes et des enfants, ne connaissant rien à la navigation, fuyant la misère et la guerre, sont dépouillés de leurs biens par des passeurs malhonnêtes, qui les condamnent à mort en les faisant monter sur des embarcations vétustes et dangereuses, c’est un crime !»,
L’archevêque de Marseille s’est ensuite adressé aux responsables politiques des pays européens de la Méditerranée sur leur responsabilité vis-à-vis des migrants tentant de traverser la mer : « Quand les institutions politiques interdisent aux organisations non gouvernementales et aux navires qui croisent dans ces eaux de porter secours aux naufragés, c’est un crime tout aussi grave et une violation du droit international maritime le plus élémentaire. Ceux qui sont ici avec vous ce soir, très Saint-Père, vous remercient chaleureusement pour le courage et la ténacité avec laquelle, depuis dix ans, depuis votre tout premier voyage sur l’île de Lampedusa, vous défendez la cause des personnes migrantes envers et contre tout. »
C’est entouré des représentants religieux de la Ville et leurs délégués, du maire de Marseille Benoît Payan, et d’associations que le Pape François a ensuite pris la parole. Le ton est grave, déterminé :«La mer se trouve devant nous; elle est source de vie, mais aussi un lieu qui évoque la tragédie des naufrages causant la mort. Nous sommes réunis en mémoire de ceux qui n’ont pas survécu, qui n’ont pas été sauvés» .
«Les naufrages, poursuit-il, ne doivent pas être considérés comme des faits divers, et les morts des numéros». rappelant que «ce sont des noms et des prénoms, ce sont des visages et des histoires, ce sont des vies brisées et des rêves anéantis».
Le Pape François souligne encore: «Cette mer magnifique est devenue un immense cimetière où de nombreux frères et sœurs se trouvent même privés du droit à une tombe, et où seule est ensevelie la dignité humaine.»
«La Méditerranée est un carrefour de civilisations», rappelle le Saint-Père qui lance un appel sans équivoque : « Nous ne pouvons pas nous résigner à voir des êtres humains traités comme des monnaies d’échange, emprisonnés et torturés de manière atroce ; nous ne pouvons plus assister aux tragédies des naufrages provoqués par des trafics odieux et le fanatisme de l’indifférence. Les personnes qui risquent de se noyer, lorsqu’elles sont abandonnées sur les flots, doivent être secourues. C’est un devoir d’humanité, c’est un devoir de civilisation. »
Le Pape François prévient: «le Ciel nous bénira si, sur terre comme sur mer, nous savons prendre soin des plus faibles, si nous savons surmonter la paralysie de la peur et le désintérêt qui condamne à mort, avec des gants de velours.» Il a également alerté sur le «virus de l’extrémisme et du fléau idéologique du fondamentalisme qui rongent la vie réelle des communautés.»
Le pape François a tenu également à remercier les associations à ses côtés pour leur engagement solidaire: «Vous êtes le Marseille de l’avenir. Avancez sans vous décourager, afin que cette ville soit pour la France, pour l’Europe et pour le monde une mosaïque d’espérance» En conclusion, il s’est adressé aux dirigeants européens, et les a invité à «cesser d’avoir peur des problèmes que la Méditerranée nous pose. Pour l’Union européenne et pour nous tous, notre survie en dépend».
« Il y aura le message de Marseille »
A l’issue de ce discours puissant qui alerte et empli d’humanité, nombreuses ont été les réactions au rang desquelles Véronique Dembele, qui a fui son pays «C’est un message très fort. Il a dit de soulever les gens qui sont tombés et d’essuyer les larmes de ceux qui pleurent. Moi ça m’a touchée car j’ai fait partie de ces personnes-là ». Et de leur côté les évêques sont à l’unisson « Il y aura le message de Marseille ».
Benoît Payan: « C’est un message universel »
Pour Benoît Payan, le maire de Marseille, «le Pape a envoyé un message universel, c’est un message très marseillais. Il est venu dire qu’on doit réfléchir à ce que doit devenir et ce va devenir l’humanité et que les pays riches ont une responsabilité. Il a convoqué notre humanité. Il ne parle pas de nous en fonction de nos croyances, de nos religions ou de nos orientations politiques mais il nous dit d’accueillir dignement les gens… Maintenant il appartient aux pays riches de réfléchir à cela. C’est pas pour rien qu’il a prononcé ce discours à Marseille ».
Jean-Claude Gaudin, fairplay.
Combien de fois le maire honoraire de Marseille est allé plaider sa cause à Rome dans l’espoir d’accueillir un Pape à Marseille. Hélas le sort ou Dieu en a décidé autrement. C’est son successeur qui aura eu cet honneur. « C’est un grand moment, estime Jean-Claude Gaudin. Nous l’espérions depuis longtemps. J’ai été maire longtemps, on écrivait en même temps que l’archevêque pour dire au Saint-Père venez à Marseille mais ça ne s’est pas fait.»
Reportage vidéo Joël BARCY – rédaction Michel CAIRE