SNCM : la Commission européenne rejette une demande de sursis formulée par la France

Publié le 31 août 2013 à  10h09 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h16

La justice européenne a rejeté ce vendredi 30 août une demande de sursis à exécution d’une décision à l’encontre de la SNCM condamnant la compagnie maritime à rembourser à l’Etat français 220 M€ d’aides publiques jugées « injustifiées » par Bruxelles. Le tribunal européen a estimé que « le risque d’une liquidation de la SNCM ne saurait être considéré comme suffisamment imminent pour justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité ».

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La demande de la France d’obtenir un sursis à exécution d’une décision à l’encontre de la Société Nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM) a été rejetée, ce vendredi 30 août, par la justice européenne. Une requête qui avait été formulée suite à la décision de la Commission européenne d’ordonner, en mai dernier, à la compagnie maritime basée à Marseille de rembourser l’Etat à hauteur de 220 M€ pour des aides publiques qu’elles avaient perçues et qui étaient, aux yeux de Bruxelles, « injustifiées » au nom des règles européennes de concurrence. La Commission européenne a en effet jugé que les aides perçues par la SNCM entre 2007 et 2013 pour le service « complémentaire » qui couvre les périodes de pointe pendant la saison touristique, ne compensent aucun besoin réel de service public.
Ce vendredi, la justice européenne a justifié son rejet en soulignant qu’« aussi longtemps que les autorités françaises n’auront pris aucune mesure juridiquement contraignante (…), le risque d’une liquidation de la SNCM ne saurait être considéré comme suffisamment imminent pour justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité ». Le tribunal européen a également estimé qu’« à supposer que les autorités françaises aient déjà adopté de telles mesures », il existe « des voies de recours internes permettant à ladite entreprise de se défendre contre les mesures de recouvrement au niveau national ». Avant d’ajouter enfin : « Il convient de relever que la décision attaquée n’impose aucune obligation directe à la SNCM. (…) C’est à la République française, seule destinataire de la décision attaquée, qu’il appartient d’exiger la restitution, par la SNCM, des prétendues aides d’Etat et d’annuler lesdits versements. »
Du côté de la SNCM, on a relativisé la portée de cette nouvelle décision de la justice européenne. Pour Maître Sébastien Mabile, l’avocat de la compagnie maritime, « ce n’est pas une surprise ni un coup de tonnerre supplémentaire ». Et de souligner que « toute une série d’autres recours sont possibles ». Parallèlement à la démarche de l’Etat français, la SNCM a d’ailleurs déposé un recours en annulation devant le tribunal de première instance de l’Union européenne. Une procédure dans laquelle, comme le précise Sébastien Mabile, « la décision ne sera pas connue avant un an ».

Un « plan de sauvetage », prévoyant la suppression de 600 postes, adopté en juin

Reste que la compagnie maritime n’est pas à l’abri d’une confirmation de cette condamnation qui la laisserait exsangue. Privatisée en 2006, la SNCM est en effet toujours structurellement déficitaire, ses pertes d’exploitation s’étant élevées à 14 M€ en 2012. Une situation qui a conduit les deux actionnaires principaux de la compagnie, l’Etat et Véolia, à se mettre d’accord, lors du conseil de surveillance du 20 juin, sur un « plan de sauvetage » qui prévoit la suppression de 600 postes sans « licenciements secs » selon le ministère des Transports. Avec les temps partiels, ce sont au total 800 personnes qui vont être impactées par ce plan qui doit permettre de « maintenir à flot » la SNCM. Ce qui correspond à 40% des effectifs, la SNCM comptant 2 000 employés pour 1 400 emplois à temps plein. Dès l’an prochain, 415 postes seront supprimés avec 160 départs volontaires prévus parmi le personnel à quai et 34 parmi le personnel navigant, plus 221 CDD qui ne seront pas renouvelés au sein du personnel naviguant.
En contrepartie, ce plan de sauvetage prévoit le renouvellement de la flotte de ferries de la SNCM afin de lui permettre de répondre à la Délégation de Service Public (DSP) pour la desserte entre le continent et la Corse. Mais cette DSP, dont dépend deux tiers du chiffre d’affaires de la compagnie maritime, tarde à être renouvelée pour les dix prochaines années (2014-2023). L’Assemblée de Corse a en effet rejeté début juin à l’unanimité l’offre de la SNCM. L’ancienne compagnie publique, et son allié la CMN, avient remporté les appels d’offres pour les périodes 2002-2006 puis 2007-2013. Cependant, c’est aujourd’hui Corsica Ferries, compagnie privée s’appuyant sur un modèle économique low-cost, qui capte 58% du marché vers l’Ile de Beauté contre 34% à la SNCM et 8% à la CMN.

Un renouvellement de la flotte a minima et un actionnariat incertain

Une concurrence dans laquelle la SNCM, qui exploite neuf ferries et cargos mixtes effectuant des rotations entre Marseille et la Corse, la Sardaigne, la Tunisie et l’Algérie, souffre de ne disposer que d’une flotte est vieillissante et plus assez compétitive. Pour relancer la compagnie, le président du directoire Marc Dufour avait présenté dès son arrivée à la tête de la compagnie en octobre 2011 un plan ambitieux qui prévoyait l’acquisition de huit bateaux mixtes (fret et passagers), pour un coût de 800 M€, afin de revenir à des modes de transports plus combinés pour augmenter la productivité et réduire les coûts. Mais le « plan de sauvetage » sur lequel se sont entendus les deux actionnaires ne prévoit plus désormais que le renouvellement de quatre navires, deux à court terme et deux à moyen terme. Et une source ministérielle de préciser que « quatre navires, c’est le volume qui permet la DSP » pour la desserte de la Corse.
Enfin, l’incertitude est également toujours de mise sur la répartition du capital de la SNCM, aujourd’hui détenu à 66% par Transdev, la coentreprise de transport de la Caisse des dépôts et consignation (CDC) – émanation de l’Etat – et de Véolia Environnement, à 25% par l’Etat en direct et à 9% par le personnel. Cet actionnariat devait évoluer fin juin, Véolia étant appelé reprendre seul la totalité de la part de Transdev. Ce transfert, qui est une condition sine qua non pour le basculement du reste de Veolia Transdev à la CDC, a finalement été reporté jusqu’à ce que la compagnie dispose d’une « meilleure visibilité » sur l’attribution de la DSP. Reste qu’il ne s’agit que d’un report et en aucun d’un renoncement, et qu’avec une telle modification de l’actionnariat la SNCM se trouverait ainsi être la seule filiale transport d’un groupe Veolia tourné vers l’eau, l’énergie et les déchets.
Serge PAYRAU

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