Tribune de Bernard Valero. La macrorégion méditerranéenne, un projet majeur pour dessiner un autre futur de la Méditerranée.

Après en avoir fait un thème central de la 6e édition de la Méditerranée du Futur (septembre 2023), la Région Sud vient d’acter son engagement robuste en faveur de sa stratégie macrorégionale en Méditerranée lors de la dernière Assemblée plénière du Conseil régional (15 décembre 2023).

 

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Bernard Valero (Photo D.R)

La Méditerranée offre aujourd’hui un paysage qui est tout sauf réjouissant : un ensemble géopolitique sous tensions et fracture, un espace ou le réchauffement climatique, plus qu’ailleurs dans le Monde, menace les grands équilibres environnementaux, une région ou les inégalités de développement économique et social se creusent chaque jour davantage.

Dans ce contexte ou la gravité le dispute à l’urgence, le chacun pour soi ne pourra fonctionner et devra laisser place à une responsabilité collective appelée à s’incarner dans une stratégie macro régionale méditerranéenne. Il ne s’agit pas ce faisant de réinventer la roue, ni de se complaire dans des incantations sans substance, ni encore d’ajouter une nouvelle couche au millefeuilles des coopérations en Méditerranée. Bien au contraire, ce qui est en jeu est la capacité des Européens et de leurs voisins des trois rives de la Méditerranée à œuvrer sur une réalité complexe, autour d’une dynamique d’action collective fondée sur des projets partagés et associant tous les niveaux d’acteurs, national, régional et local, autour de la même table de coopération.

Depuis plusieurs années, l’Union européenne a déjà mis en place avec succès quatre macro régions :

. La Région alpine,

. La Région du Danube,

. La Région de la Mer baltique,

. La Région de la Mer adriatique et ionienne.

Chacun de ces ensembles recouvre une zone géographique composée d’États membres de l’UE et de pays tiers qui souhaitent coopérer pour relever ensemble les défis environnementaux, économiques et sociétaux qu’ils ont en commun. Une macrorégion ne reçoit pas de financements européens qui lui seraient dédiés. Elle est conçue pour optimiser l’usage des financements existants, européens ou autres, pour les mutualiser et pour les mettre au service de projets d’intérêt commun visant à une meilleure intégration du territoire concerné.

Ces quatre ensembles et les résultats positifs auxquels ils sont parvenus jusqu’ici soulignent en creux l’absence criante de la prise en compte de l’espace méditerranéen. Plus que jamais, une coopération multilatérale renforcée, à toutes les échelles  des territoires méditerranéens, fondée sur des objectifs concrets répondant aux attentes des 500 millions de Méditerranéens ainsi qu’à l’impérieux besoin de paix et de développement durable de tout cet espace, s’impose aujourd’hui avec force comme une évidence et une nécessité.

 Telle que la conçoivent ses promoteurs et l’inspire l’exemple des quatre macrorégions déjà créées avec succès par l’Union européenne, la future macro région méditerranéenne est un projet aux multiples et fécondes vertus :

  •  Un cadre de cohérence pour une gouvernance méditerranéenne qui viendrait mettre en synergies tous les acteurs de coopération a tous les niveaux, des États aux collectivités territoriales,
  •  Un cadre de cohérence pour ordonner un foisonnement, façon puzzle, des initiatives lancées, au fil des ans et à différentes échelles, pour organiser l’espace méditerranéen : le processus de Barcelone, l’Union pour la Méditerranée (l’UpM), le Dialogue 5+5, l’Assemblée régionale et locale euro-méditerranéenne, l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, l’initiative WestMed, la Commission inter-méditerranéenne (CIM) de la Conférence des régions périphériques et maritimes (CRPM), Medcities, les euroregions, etc.
  •  Un cadre de cohérence entre les multiples programmes de financement de tous types mobilisés et empilés sur la zone méditerranéenne,
  •   Un cadre de cohérence politique enfin, destiné à y voir clair dans le labyrinthe des coopérations menées en ordre dispersé par une multitude d’acteurs, à d’innombrables niveaux et selon des objectifs et des configurations multiples. La macrorégion permettra d’identifier les interactions des trois grands groupes d’acteurs, tats, collectivités territoriales et sociétés civiles, d’en saisir les enjeux et de prendre la mesure des moyens et ressources mobilisés. Cet exercice est démocratique par essence et il sera indispensable pour informer, convaincre et susciter l’adhésion des 500 millions de Méditerranéens aux évolutions qui conditionnent leur communauté de destin.

Dans la dynamique qui est en train de se forger autour du projet de macrorégion méditerranéenne, la Région sud occupe une place singulière :

  • D’abord parce qu’elle a eu l’intelligence de définir depuis 2017, et de s’y tenir depuis, une vision stratégique de coopération internationale construite autour de deux axes : la Méditerranée, et le climat et l’environnement. Le rendez vous annuel de la Méditerranée du Futur incarne ce cap, illustre la capacité de mobilisation et d’entraînement que la Région Sud a mis au service de coopérations avec ses partenaires internationaux, souligne le rôle que peut jouer une collectivité territoriale en jouant avec virtuosité sur les différents claviers territorial, extatique, européen et international.
  • Ensuite parce que la Région Sud a construit un stock d’expertise qui légitime son action et ses ambitions : quotidiennement connectée sur Paris et Bruxelles, membre de la macrorégion alpine, autorité de gestion du programme européen EuroMed depuis 18 ans au cours desquels elle s’est acquis la reconnaissance et la confiance de 69 régions méditerranéennes et des 14 États membres de ce programme, signataire d’accords passés avec des États, (ce qui n’est pas chose banale au regard du droit français et international), force motrice dans de nombreux cadres et programmes de coopérations méditerranéennes (Arlem, CRPM, Marittimo, Next-Med, etc.).
  •   Enfin, parce que privilégiant l’addition des expertises et des capacités des uns et des autres, la Région Sud se retrouve aux côtés de ses «sœurs » méditerranéennes françaises, l’Occitanie et la Corse, et à la même table que d’autres régions européennes concernées en Italie, en Grèce et en Espagne, et avec la Catalogne tout particulièrement, au sein de la commission inter-méditerranéenne de la CRPM.

En chemin depuis longtemps, le projet de macrorégion méditerranéenne s’est accéléré au sortir de la pandémie du Covid :

  •  En octobre 2022, le comité européen des régions lançait un appel au Conseil européen et à la Commission en faveur du projet de macrorégion.
  •  Le 9 mai 2023, le Parlement européen adoptait à une écrasante majorité le rapport du député européen François Alfonsi préconisant et soutenant la création de la macrorégion méditerranéenne.
  •  Le 22 septembre 2023, a Marseille lors de l’Acte VI de la Méditerranée du Futur, en présence du vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas, et de Younous Omarjee, député européen et président de la commission du développement régional, la Région Sud et ses 36 partenaires de coopération en Méditerranée réaffirmaient solennellement leur engagement autour du projet de macrorégion.
  • Le 24 novembre 2023, le président de la Catalogne accueillait à Barcelone les représentants de 12 régions de 7 pays méditerranéens afin de donner avec eux une impulsion supplémentaire au projet de macrorégion.

Ce cheminement doit se poursuivre. Il s’agit désormais, dans une prochaine étape, d’obtenir du Conseil européen qu’il avalise et fasse sien le projet afin de le présenter à la Commission européenne. Cette saisine de l’exécutif européen visera l’élaboration d’une stratégie macrorégionale accompagnée d’un plan d’action.

Au vu de la situation compliquée, c’est un euphémisme, que connaît la Méditerranée aujourd’hui, c’est un sursaut d’ambition, de responsabilité et de courage qui est en jeu autour du projet de macrorégion. Aux urgences et aux périls qui s’accumulent sur ce petit espace, la réponse ne pourra être que collective. En s’appuyant sur des volontés et des projets partagés, dans un cadre et avec des instruments rénovés, à la bonne échelle des politiques publiques, l’Europe et ses voisins des trois rives ont les moyens de répondre aux défis présents et aux incertitudes du futur. Dans cette perspective, l’année 2024 sera décisive pour franchir la marche qui mène du projet a l’action.

Bernard Valero est ancien consul général à Barcelone, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire à Skopje, ambassadeur de France en Belgique, directeur général de l’Avitem (Agence des villes et territoires durables méditerranéens) et porte-parole du Quai d’Orsay.

 

 

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