Tribune du Pr. Hagay Sobol. Plan Trump : 20 points pour la paix à Gaza et au-delà ?

Il est des moments de bascule qui changent tout. Il en est ainsi de la proposition sur Gaza de Donald Trump endossée par Israël, l’Autorité Palestinienne (AP), les principaux pays arabes et musulmans. Désormais, rien ne pourra plus être comme avant.

Devant les caméras du monde entier, le Président américain, Donald Trump, a annoncé une avancée sans précédent dans un conflit dont on ne voyait pas l’issue. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a accepté un plan détaillé en 20 points pour mettre fin à la guerre à Gaza. Parrainé par les principaux pays arabes, y compris le Qatar, ou musulmans comme la Turquie, l’Indonésie ou le Pakistan, ce plan engage et ceux qui le refuseront porteront l’entière responsabilité des conséquences. La balle est désormais dans le camp du Hamas.

Les principaux points du plan Trump pour la paix

Pour l’essentiel, il est stipulé l’établissement d’un cessez-le-feu immédiat, dès l’acceptation des parties, un retrait progressif de Tsahal pour permettre la libération de tous les otages (sous 72 heures) en échange de la libération de prisonniers palestiniens, et pour l’implémentation des autres points. Le Hamas, quant à lui, sera désarmé et ses membres qui accepteront les provisions de l’accord seront amnistiés.

Ce faisant, Gaza deviendra une zone démilitarisée, déradicalisée et libérée du terrorisme. Il est prévu une aide immédiate à la reconstruction et un plan de financement à plus long terme, une distribution sans entraves de l’aide humanitaire par des institutions neutres, une réhabilitation des infrastructures et la réouverture du point de passage de Rafah, ainsi qu’un ambitieux plan de développement économique.

Sera mise en place une gouvernance palestinienne apolitique, composée d’experts, sous la supervision internationale d’un « Comité pour la paix » présidée par Donald Trump qui comprendrait, entre autres, l’ancien Premier ministre britannique, Tony Blair, maîtrisant parfaitement le dossier. In fine, la gouvernance sera transférée à l’AP après qu’elle aura procédée à de nécessaires réformes. Côté israélien, aucune expulsion, annexion ni occupation ne sera autorisée mais sera instauré une voie crédible vers l’autodétermination et la création d’un Etat palestinien.

Conséquences pour Israël et le gouvernement Netanyahou

Le plan annoncé est aux antipodes des positions des deux ministres d’extrême-droite du gouvernement actuel mais très attendu par la majorité des Israéliens. Donald trump a dû peser de tout son poids pour le faire accepter à Benjamin Netanyahou qui met ainsi en péril sa fragile et disparate coalition. Afin d’en assurer la mise en oeuvre, le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, s’est officiellement engagé, auprès des deux protagonistes, à soutenir l’initiative même si la majorité actuelle venait à se disloquer. Aussi, faut-il s’attendre à de prochaines élections. L’actuel Premier ministre fera tout pour tourner les événements à son avantage malgré la faillite sécuritaire et en dépit de concessions majeures.

Pour la population israélienne mise à rude épreuve par deux ans d’une guerre totale sur 7 fronts, avec ses alertes quotidiennes de missiles et de drones sur les agglomérations civiles depuis le pogrom du 7 octobre, cette perspective redonne espoir en l’avenir. La perspective, non d’une accalmie temporaire jusqu’au prochain round, mais celle d’un apaisement durable et d’une réelle intégration régionale. Dans ce contexte, la libération des otages revêt une valeur symbolique majeure. Cela signifie que le pays fait tout pour « ramener ses enfants à la maison ». C’est cette idée force qui cimente une société si diversifiée et le secret de la résilience de l’Etat hébreu.

Conséquences pour les Palestiniens, l’AP et le Hamas

C’est l’occasion la plus sérieuse de mettre un terme à un conflit qui a vu trop de souffrance, de morts civils et il n’est pas sûr que cela se reproduise à court terme. Le plan soutenu par tous les bailleurs de fond de la cause palestinienne, hormis l’Iran, ne laisse que peu de choix à Mahmoud Abbas, âgé de 89 ans. Très contesté et initialement élu pour un mandat de 4 ans en 2005, il s’est accroché au pouvoir sans jamais organiser d’élections ni prévoir sa succession. Accusé de corruption et de népotisme, il est sous la menace constante du Hamas. Il ne doit sa survie qu’à la collaboration avec les services de sécurité israéliens. Le plan américain pour Gaza impose des réformes qui devront s’appliquer à Ramallah avec l’aval des pays arabes et musulmans. Toute autre alternative conduirait à une guerre civile entre factions rivales pour s’emparer du pouvoir.

Quant au Hamas, malgré ses premières déclarations de rejet, il est non seulement affaibli militairement mais également isolé diplomatiquement. Le Qatar, soutien des Frères musulmans dont la milice islamiste est la branche palestinienne, endosse le projet et il ne peut plus compter sur l’Iran après la défaite subie lors de la guerre des 12 jours, la perte de ses proxys et le retour du Snapback (sanctions internationales). Un refus, reviendrait à donner un blanc-seing à Israël de « finir le travail » cautionné par tous ses parrains, et les chefs du groupe terroriste ne trouveraient plus d’asile ni au Qatar ni en Turquie.

Perspectives globales d’un accord sur Gaza

Le 7 octobre a été déclenché par les mollahs de Téhéran pour empêcher la normalisation avec plusieurs acteurs majeurs comme l’Arabie Saoudite. En voyant la liste impressionnante « des fées qui se penchent sur le berceau » de cet accord, on comprend aisément que ce plan n’a rien d’une lubie et qu’un long travail de préparation dans l’ombre l’a précédé. En plus des pays de l’alliance d’Abraham et de Riyad, on retrouve la Turquie, l’Indonésie (plus grand pays musulman) et le Pakistan. Cet accord en présage un autre avec la Syrie, où Ankara est également impliqué et s’imbrique parfaitement dans le cadre de l’accord stratégique de défense mutuelle entre le régime Wahhabite et Islamabad.

Les enjeux sont énormes et à l’échelon planétaire. Contrairement à l’Iran qui exporte sa révolution islamique par conflits interposés, les autres acteurs priorisent la stabilité, le développement économique et la prospérité. Aussi, celui qui serait à l’origine d’un échec serait exclu, et pour longtemps, du concert des nations.

Et le plan français dans tout ça ?

Le plan français est une reconnaissance inconditionnelle et unilatérale de la Palestine, excluant de fait Israël dans son élaboration. Son défaut majeur est de ne donner aucune solution pour désarmer le Hamas, condition sine qua non d’un processus de paix. A l’opposé, le plan Trump est progressif. Il apporte le carburant, c’est-à-dire la volonté politique et les moyens, ainsi que la puissance dont manquait la proposition française pour s’imposer. Il peut s’implémenter malgré un refus du Hamas, dans les parties de Gaza déjà libérées et remises à l’autorité intérimaire, tandis que Jérusalem serait autorisée à « en finir » avec le groupe terroriste dans les zones encore sous son contrôle. Il inclut l’Etat hébreu tout en lui fixant des conditions très fermes ainsi qu’à l’AP, à laquelle il impose des réformes indispensables. Et surtout, il a su rassembler des acteurs incontournables prêts à s’engager au-delà d’un vote purement symbolique. La France ne devrait pas manquer ce rendez-vous historique. Plutôt que de chercher à imposer sa vision, Paris devrait adhérer aux perspectives ambitieuses du plan américain et aider, avec son savoir-faire et son expérience, à les concrétiser.

Désormais le Hamas est seul au monde ?

Cette proposition rend les choses beaucoup plus claires : après l’acceptation d’Israël, tout dépend désormais du Hamas. En cas de refus, il en porterait toute la responsabilité et en payerait les conséquences. Ensuite, il n’y a plus aucune raison valable de continuer d’attaquer l’Etat hébreu puisque ce plan signe l’arrêt du conflit à Gaza, protège les populations civiles et trace l’avenir vers un Etat palestinien. Ceux qui aspirent à une paix sincère devraient soutenir indistinctement les deux camps et faire pression sur les extrémistes. Dans le cas contraire cela démontrerait, sans aucune ambiguïté, que les contrevenants, pays, organisations, partis politiques ou individus, ne sont pas motivés par des considérations humanitaires et l’émancipation du peuple palestinien. Mais, tout comme le Hamas, ils prônent en réalité la destruction de l’Etat hébreu et la haine des juifs attaqués sous couvert d’attachement à Israël. Il leur faudra certainement un peu de temps pour réviser leur logiciel mais il n’y a plus de retour en arrière possible. Sinon, ils continueront à errer comme des poulets sans tête et l’avenir s’écrira sans eux, à l’image des passagers de la « Flottille 3 » dont les propos sont si éloignés de la nouvelle réalité qui se déroule sur la terre ferme.

Le 29 septembre au matin Israël était isolé. C’est désormais au tour de la milice islamiste et de ses partisans de l’être. Il ne pouvait y avoir de meilleur nouvelle pour le second anniversaire du 7 octobre que la perspective de la libération des otages et de la paix.

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