Tribune libre de Marc La Mola – Police: Vous avez dit proximitĂ© ?

Publié le 16 février 2017 à  12h31 - DerniÚre mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h45

C’était en 2002 que Nicolas Sarkozy, alors en visite au commissariat de Toulouse, proclamait la fin de la police de proximitĂ©. Son discours entrecoupĂ© de mimiques ridicules et de hochements de tĂȘte injustifiĂ©s prenait pour tĂ©moin les policiers organisant des rencontres sportives avec les jeunes de la citĂ© du Mirail. Il venait de sonner le glas d’une police pourtant efficace mais n’allait pas mettre un terme qu’à ces unitĂ©s constituĂ©es, il allait anĂ©antir l’institution !

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Dans ses déclarations sibyllines Sarkozy dissimulait le pire. Il ne le dévoila que plus tard 


En 2017, soit 15 annĂ©es aprĂšs, c’est l’affaire dite de ThĂ©o qui semble rallumer la flamme et faire s’interroger les diffĂ©rents candidats Ă  l’élection prĂ©sidentielle sur la nĂ©cessitĂ© de recrĂ©er la police de proximitĂ©. Chacun y va de la sienne et mĂȘme ceux qui en ont Ă©tĂ© les bourreaux ont depuis lessivĂ© le billot et ranger la hache pour se racheter une conduite et subitement devenir des fervents dĂ©fenseurs de cette police trop longtemps relĂ©guĂ©e aux calendes Grecques.
Alors ils parlent, proposent et promettent comme ils le font Ă  chaque Ă©chĂ©ance en assortissant leurs phrases de « il y a qu’à … il faut que … » et cela fonctionne. Ils capteront des regards, ils attireront des attentions et susciteront mĂȘme des vocations. Bref, le discours Ă©culĂ© de nos chers politiques Ă  la recherche d’électeurs crĂ©dules, si tant est qu’il en subsistent.

Mais le nƓud du problĂšme n’est pas dans les discours des responsables politiques, il est bien dans le regard que portent ces derniers sur une police que la majeure partie des policiers «d’active» n’ont jamais connue : la police de proximitĂ©.
Alors ils prononcent ces mots, ils les utilisent Ă  tort et souvent Ă  travers sans savoir que pour un ancien flic comme moi le terme mĂȘme de police de proximitĂ© est presque un plĂ©onasme, quasiment une pĂ©rissologie, et frĂŽle de prĂšs la tautologie. Mais aprĂšs tout qu’importe de ressusciter un cadavre que l’on a soit mĂȘme dissimulĂ© derriĂšre une politique du chiffre et un management dĂ©bile, qu’importe puisqu’ils n’y verront que du feu et iront voter pour ces prometteurs de vĂ©ritĂ© Ă  gĂ©omĂ©trie variable.
Mais je m’égare et dĂ©verse ma haine contre ceux que j’exĂšcre plus que tout et que je contemple Ă  chaque JT de 20 heures tenter de se placer en sauveur de l’humanitĂ© ou plutĂŽt en ce moment de la police.

Vous avez donc dit proximité, Police de proximité 
 ?

Oui c’est bien de cela dont je parle et je vais vous expliquer Ă  quoi ressemblaient ces fameux policiers et en quoi consistait leur mission. Ils ne sont aujourd’hui que des dinosaures porteurs de cravates, de pantalons Ă  pinces et leurs chaussures Ă©taient basses et bien cirĂ©es. C’était un temps oĂč les brigadiers vĂ©rifiaient la couleur des chaussettes Ă  l’appel, c’était un temps oĂč la hiĂ©rarchie accordait sa confiance Ă  ses effectifs.

Ils Ă©taient deux ou trois et patrouillaient Ă  pieds dans nos rues, par la suite ils ont eu des mobylettes, des scooters et parfois mĂȘme des automobiles. Ils n’étaient soumis Ă  rien ou plutĂŽt Ă  pas grand-chose mais c’était un temps que les flics ayant moins de vingt ans de carriĂšre ne peuvent pas connaĂźtre. Pas de chiffres Ă  rendre, pas d’interpellations Ă  effectuer et mĂȘme pas de contraventions Ă  rĂ©diger. Quelle belle Ă©poque non ?
Ces policiers avaient une belle mission, celle d’ĂȘtre proche de la population. Il fallait qu’ils la sentent, la ressentent et la voient bouger, Ă©voluer pour la comprendre et se faire les tĂ©moins de ses ressentis comme de ses intentions. Ils connaissaient toute «la faune» de leur secteur et Ă©taient consultĂ©s par tous leurs collĂšgues afin de faire avancer des dossiers, de trouver une adresse ou de localiser un fuyard. Ils Ă©taient la mĂ©moire de chaque commissariat et leurs missions demeuraient essentielles.
Mais ça c’était avant !

Ces policiers Ă©taient mĂȘme implantĂ©s dans des endroits aujourd’hui dĂ©sertĂ©s par toutes formes d’autoritĂ©, par toutes traces d’État, vous savez cet État qui aujourd’hui prĂŽne le retour Ă  cette mission jugĂ©e jadis autant basique qu’inutile. HĂ© oui mais c’est ainsi. Il faut dĂ©molir pour reconstruire, pour reconstruire sur les ruines d’une police moribonde ayant sacrifiĂ© tellement de ses fonctionnaires dans des missions inadaptĂ©es, dans des fonctions ne pouvant conduire que dans le mur et ayant autant nĂ©gligĂ© une sociĂ©tĂ© en souffrance d’attendre un service public de qualitĂ©.

Alors on aperçoit au loin la police de proximitĂ© et plus anciennement les Ăźlotiers pointer leur nez. On la voit ressurgir comme un remĂšde Ă  tous les maux et notamment ceux d’une police malade sans tenir compte qu’aujourd’hui un retour Ă  cette mission est impossible tant la violence et la dĂ©termination des dĂ©linquants ont atteint des sommets vertigineux.
LĂącher actuellement deux policiers en uniforme et sans vĂ©hicule dans des quartiers difficiles serait les condamner purement et simplement Ă  mort mais pourtant un retour Ă  cette police me semble indispensable et pas seulement parce que des Ă©diles en mal de voix la rĂ©clament Ă  corps et Ă  cris. Je l’ai toujours prĂŽnĂ© et maintes fois Ă©crit dans mes diffĂ©rents ouvrages.

Mais pour cela il faut revoir la police et son fonctionnement intrinsĂšque tout comme les stratĂ©gies qui rĂ©gissent ses missions. J’ai souvenir que quelques semaines avant ma dĂ©mission j’avais dit Ă  monsieur le chef d’état major de la police marseillaise qu’il y avait urgence de revenir aux fondamentaux de la police. Je n’ai eu en guise de rĂ©ponse qu’un sourire bĂ©at sous-entendant que je n’avais rien compris de ce qui se tramait. Il se fĂ©licita de ma dĂ©mission et moi aussi d’ailleurs !

Mais que sont les fondamentaux de la police ?

C’est avant tout une volontĂ© politique et des stratĂ©gies intelligentes capables de prĂ©voir sur du long terme les impacts des directives appliquĂ©es. Ces impacts ne se mesurent pas que sur la sociĂ©tĂ© mais aussi sur l’état psychologique des policiers et sur ce que l’institution risque de devenir.

15 ans aprùs elle est à l’agonie !

Elle est dans cet Ă©tat parce qu’aucun des ministres s’étant succĂ©dĂ© Ă  la Place Bauveau n’a eu le courage d’enrayer une politique que j’ai dĂ©taillĂ©e dans la premiĂšre partie de mon article et ce pour des raisons purement Ă©lectorales. Elle a Ă©tĂ© remplacĂ©e par le chiffre, encore le chiffre et toujours le chiffre comme unique rĂ©fĂ©rence d’une activitĂ© non quantifiable que l’on a pourtant voulu quantifier, que l’on est parvenu Ă  chiffrer.
Le Larousse la dĂ©finit ainsi : Situation de quelqu’un qui se trouve Ă  peu de distance de quelqu’un 
 La police ne sait plus ce que ce mot veut dire, la sociĂ©tĂ© rĂ©clame ce qu’elle ne connaĂźt pas ou ce qui lui fait dĂ©faut.

Adieu police de proximitĂ© tu n’es qu’un vieux souvenir et je me souviens t’avoir vu disparaĂźtre sans oraison funĂšbre et sans linceul. Pas de discours pour t’honorer, pas de breloque ridicule sur un cercueil drapĂ© de tricolore. En fait tu es tout comme les policiers, tu n’as bĂ©nĂ©ficiĂ© que de l’ingratitude de ceux qui t’ont occis, de l’oubli de ceux lĂ  mĂȘme qui veulent te ranimer en prĂ©textant que tu es nĂ©cessaire et indispensable.

Lire aussi de Marc La Mola [[Marc La Mola a Ă©tĂ© flic durant vingt-sept annĂ©es. AprĂšs des dĂ©buts Ă  Paris il rejoint sa ville natale, Marseille et choisit les quartiers nord pour y exercer. C’est aussi lĂ  qu’il a grandi. Officier de Police Judiciaire Ă  la tĂȘte d’un groupe d’enquĂȘte de voie publique il a traĂźnĂ© dans ces quartiers pour en mesurer les maux. Il a touchĂ© du doigt la misĂšre et la violence de ces secteurs de la Ville. Marc La Mola a sans doute trop aimĂ© son mĂ©tier et c’est en 2013 qu’il dĂ©cide de mettre un terme Ă  sa carriĂšre. Il retourne Ă  la vie civile pour Ă©crire. Il est aujourd’hui auteur, romancier et scĂ©nariste. Chez Michalon Éditions il a publiĂ© : «Le sale boulot, confessions d’un flic Ă  la dĂ©rive», «Un mauvais flic, lettre ouverte Ă  Manuel Valls», «Quand j’étais flic  ». Ces trois tĂ©moignages relatent les moments forts de sa carriĂšre et ses diffĂ©rentes prises de position. C’est chez ce mĂȘme Ă©diteur qu’il publiera en mars 2017, «Police, Grandeur et DĂ©cadence» dans lequel il explique comment la police en est arrivĂ©e Ă  descendre dans la rue pour manifester son mĂ©contentement. Il est encore romancier. Il publie chez Sudarenes Éditions un polar Ă  l’accent Marseillais, «Le sang des fauves». En juin 2017 le personnage de ce premier polar revient dans «Vallis Clausa», deuxiĂšme volet des enquĂȘtes de son personnage Randy Massolo, un flic torturĂ©. Il est aussi scĂ©nariste et a signĂ© l’écriture de plusieurs synopsis optionnĂ©s par des maisons de production. Il enseigne Ă©galement l’écriture de scĂ©narios Ă  l’École supĂ©rieure du cinĂ©ma Cinemagis de Martigues (13)]]

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