Publié le 10 mars 2016 à 21h09 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 22h04
L’ensemble des diplomaties occidentales soutient sans réserve et avec persévérance, depuis plusieurs années, la solution de deux États indépendants et souverains, Israël et la Palestine. C’est, en particulier la position des États-Unis et de la France, et, plus généralement du Quartet (États-Unis, Union européenne, Nations-Unies, Russie). Cette position a été, à maintes reprises, réaffirmée. A cet égard, le 1er février dernier une réunion du Quartet à Munich a pris nettement position. Après avoir condamné tous les actes récents de violence contre les civils, ajoutant que leur poursuite, ainsi que l’extension des implantations juives israéliennes en Cisjordanie, mettent dangereusement en péril la solution de deux États, le Quartet, sous l’impulsion du Haut-Commissaire aux Affaires Étrangères de l’Union européenne, Frederica Mogherini, a déclaré qu’il était en train de préparer un rapport sur la situation sur le terrain, incluant un ensemble de recommandations «that can help inform international discussions on the best way to advance the two-state solution.» Il semble que les membres du Quartet se soient mis d’accord pour admettre que, sans horizon politique, la situation à l’intérieur de l’Autorité palestinienne risque de se détériorer.
Pour le Quartet, un certain nombre de conditions devront être remplies. En premier, les deux parties doivent démontrer par des actions concrètes leur engagement pour une solution à deux États. En second, une économie palestinienne solide, une bonne gouvernance (governement capacity), l’unité entre Gaza et la Cisjordanie, sur une base démocratique, sous la responsabilité de l’Autorité palestinienne, devrait permettre de reconstruire la confiance, et d’éviter un nouveau cycle de violence. Aussi, le Quartet s’engage à se coordonner avec les principaux partenaires, y compris ceux de la Région (sous-entendu l’Égypte, la Jordanie et l’Arabie Saoudite). Cette approche ressemble à celle qui a prévalu lors des négociations avec l’Iran sur la question nucléaire, favorisant l’approche multilatérale, plutôt que se contenter d’inviter les deux parties à relancer les pourparlers. Un précédent existe : la Conférence de Madrid d’octobre 1991.
A cette époque, le premier ministre israélien de l’époque, Yitzhak Shamir s’était opposé à la tenue d’une telle conférence internationale [[Il a fallu des pressions américaines très fortes, mais aussi des concessions. Shamir obtint que la question des implantations ne soit pas inscrite, et des arabes de Jérusalem-est participent à la conférence. De plus , la délégation palestinienne devait être incluse dans celle de la Jordanie.]]. Elle faisait suite à la première Intifada palestinienne, et elle était initiée et fortement appuyée par les États-Unis.
Pour le Quartet, il est important de créer un consensus international entre les principales puissances pour aider à la résolution du conflit israélo-palestinien. Dans cet esprit, le Quartet se substituerait au Conseil de Sécurité, mais aussi à l’initiative que prend la France. Dans un même esprit, et s’inquiétant de la situation précaire du Président Abbas, de la volatilité sur le terrain, la diplomatie française a annoncé, le 29 janvier dernier qu’elle comptait prendre une initiative appuyée fortement par l’Égypte. L’initiative comprend trois volets. Il s’agirait, en premier, de consulter les Israéliens et les Palestiniens (cette étape a déjà eu lieu). En second, de réunir à Paris, le mois prochain, des diplomates de différents pays, du Quartet, mais aussi de pays arabes, tel l’Égypte, l’Arabie Saoudite et la Jordanie, inquiets de la dégradation de la situation au Moyen-Orient. Enfin, cette réunion serait suivie d’une autre, au niveau ministériel cette fois. Dans l’hypothèse d’un échec de cette initiative, la France a d’ores et déjà annoncée qu’elle reconnaitrait l’État palestinien, faute d’avancement des négociations.
A notre connaissance, la tenue de ces réunions n’est pas encore officiellement décidée. La réaction de Netanyahu a été vive. Il a déclaré s’opposer à cette initiative française, plaidant pour une réunion bilatérale, durant laquelle Israéliens et Palestiniens débattraient de l’avenir de la région. Deux raisons justifient, selon lui, sa réticence à accepter l’initiative française. D’une part, il fait valoir qu’il lui parait difficile d’accepter sous la condition évoquée par la France, à savoir la reconnaissance d’un État palestinien d’ici la fin de l’été, énoncée avant même le début de tout processus de négociations, ce qui ne devrait pas inciter la partie palestinienne à faire des concessions, sachant qu’un échec des pourparlers n’empêchera pas la France de reconnaître l’Etat palestinien. Le poids de la France n’est pas celui de la Suède qui a déjà décidé la reconnaissance de l’État palestinien. La France est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies, son influence est telle que sa décision pourrait inciter d’autres pays à la suivre. On comprendrait que, Netanyahu, dans l’hypothèse d’une acceptation de l’initiative française puisse exiger le retrait de cet engagement de la France. D’autre part, Netanyahu doit compter avec sa coalition à la Knesset, qui ne détient qu’une très courte majorité à la Knesset (1 voix de majorité sur 120), et qui s’opposera à toute initiative internationale qui donnerait le sentiment aux Israéliens qu’on veut leur imposer une solution qui irait à l’encontre de leurs intérêts.
Par ailleurs, les américains, dont le feu vert à la mise en œuvre du plan français est indispensable, n’ont pas encore fait connaître leur position. La France a déjà présenté son plan aux Israéliens et aux Palestiniens. Il n’y aurait pas eu (cf. article de Uri Savir, dans Al-monitor du 14 février dernier) de rejet sans appel des Israéliens et des Palestiniens sur le principe d’une conférence internationale. Cependant l’écart sur le fondement, et sur les termes de référence nécessaires à une conférence, reste très importante, voire « insurmontable», d’autant plus qu’Israël est fermement attaché au principe de négociations bilatérales plutôt que multilatérales. La réaction de Mahmoud Abbas a été positive. S’exprimant en marge du Sommet africain du 29 janvier, il affirme: « We welcome the French initiative and affirm that the status quo cannot continue. »
Concernant les États-Unis, force est de constater que tous les efforts qu’ils ont entrepris depuis plusieurs années, ont échoué, la dernière en date est l’initiative prise par le Secrétaire d’État, John Kerry. En cause, la réticence des Israéliens à aboutir, la faiblesse du Président Abbas. Beaucoup pensent que le Président Obama a renoncé. Pourtant dans un très récent discours prononcé jeudi dernier, il a présenté, à nouveau, sa vision de la paix entre Israéliens et Palestiniens. Elle n’apporte rien de nouveau. Il s’est contenté de réaffirmer les idées plusieurs fois énoncées. Concernant le tracé des frontières il estime que celui-ci doit partir des lignes de 1967 et qu’il conviendra d’opérer des changements de territoires. Les Palestiniens ont le droit à un État contigüe. Il fait implicitement allusion au souhait des Israéliens, plusieurs exprimé, de pouvoir construire dans la zone E1, qui se situe à l’est de Jérusalem. Dans cette hypothèse la Cisjordanie serait coupée en deux.
A plusieurs reprises l’administration américaine a mis en garde les Israéliens de ne pas construire dans cette zone. Il invite les deux parties à reprendre la négociation directement. Est-ce à dire qu’il ne retient pas l’hypothèse d’une conférence internationale ? Ce n’est pas si sûr. Dans l’hypothèse où l’initiative française d’une conférence internationale met en avant l’intérêt, pour l’ensemble des pays de la région, de partir de l’Initiative Arabe de Paix, comme base de départ, les chances d’aboutir à réunir Israéliens et Palestiniens autour de la table de négociations, sont loin d’être nulles, mais la prudence nous incite à rester néanmoins sceptique.
(*) Le Professeur Gilbert Benhayoun est le président du groupe d’Aix qui comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées.