Union régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse. Scop et Scic : des jeunettes de 85 ans qui ont tout l’avenir devant elles

Publié le 9 juillet 2023 à  10h30 - Dernière mise à  jour le 9 août 2023 à  11h55

85 ans et elles ne font pas leur âge, mieux, leur avenir se présente au mieux tant elles répondent à des attentes des salariés en quête de sens dans leur vie professionnelle notamment à la suite de la crise Covid. Les Scop et Scic des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse viennent de célébrer dignement cet anniversaire sur le site de thecamp à Aix-en-Provence.

Les Scop et Scic des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse répondent à des attentes des salariés en quête de sens dans leur vie professionnelle
85 ans de l’Union régionale des Scop et Scic Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse (Photos M.D.)

Franck Maillé, le président de l’Union régionale des Scop et Scic de Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse note : « Les événements nationaux, internationaux et climatiques se sont succédé tout au long de l’année 2022. Certaines coopératives n’ont malheureusement pas pu se relever mais d’autres, heureusement, ont pu être créées, transmises, reprises et, nous sommes plus nombreux que l’année dernière ». Il tient à préciser que « la Scop et la Scic ont le même but qu’une entité commerciale classique : faire du profit. Mais ce qui change c’est le pouvoir qu’a le salarié, celui d’élire ses dirigeants, de participer à la décision sur la répartition des richesses, à la stratégie à adopter ou encore l’organisation à mettre en place ».

« On est une des solutions »

Alors, pour Franck Maillé, il importe que ce modèle économique sorte de l’ombre dans lequel il a trop longtemps vécu : « Je suis convaincu que nous sommes un modèle économique qui va amorcer un changement de paradigme. On est une des solutions. J’y crois d’autant plus que je vois des 35-40 ans qui ne se retrouvaient pas dans ce qu’ils faisaient et ont trouvé dans les Scop et les Scic des structures pour lesquelles ils se lèvent en se disant qu’ils travaillent vraiment pour leur boîte, dans laquelle ils pèsent, dans laquelle ils partagent des valeurs. Dans des sociétés qui permettent aux entrepreneurs d’éviter l’isolement, d’entreprendre collectivement, de fidéliser leurs salariés en les associant au projet, d’envisager une pérennité à long terme. Elles ont en effet des durées de vie supérieures à la moyenne des entreprises françaises grâce à deux leviers : la consolidation de leurs fonds propres d’année en année et le soutien technique et financier que le mouvement coopératif met à leur disposition. Et ce modèle économique, depuis plus de 85 ans, se pose la question de la répartition des richesses ; ne cesse d’être actif, créatif ».

331 SCOP et SCIC dans la région Sud

Le président précise que 331 Scop et Scic sont implantés dans la région Sud et la Corse pour 2 973 emplois et un chiffre d’affaires de 281 millions d’euros. Franck Maillé insistera également sur les enjeux environnementaux par une citation : « La planète est encore assez vaste et assez riche pour le nombre de ses habitants ; mais il y a un grand péril en la demeure, c’est que les appétits de l’Homme sont devenus des besoins impérieux que rien n’enchaîne, et que si ces besoins ne s’imposent pas, dans un temps donné, une certaine limite, il n’y aura plus de proportion entre la demande de l’Homme et la production de la planète ». Le texte date de…1872, il est de George Sand.

 

« Le modèle coopératif est un modèle qui fonctionne aujourd’hui et que la Région Sud accompagne »

Après la prise de parole du président de l’Union régionale c’est au tour d’Isabelle Campagnola-Savon de prendre la parole. La conseillère régionale, présidente de la Commission Entreprises -Artisanat et commerce- Économie sociale et solidaire, économie circulaire, représentant Renaud Muselier souligne : « Un lien fort et durable vous rattache à notre Région, et nous sommes fiers d’être à vos côtés pour célébrer ensemble cet événement ». Rappelle que « depuis 2019, c’est dans le cadre « Mon projet d’entreprise » que s’inscrit la relation principale entre la Région et l’URSCOP, pour un accompagnement annuel de 195 entrepreneurs et un financement régional de 320 000 € par an ».

Isabelle Campagnola-Savon ajoute qu’en 2019 la Région a également réabondé le fonds Pargest pour renforcer l’action en faveur des transmissions d’entreprises saines. « La Région Sud, poursuit-elle, s’appuie fortement sur l’URSCOP, mais également sur France active et sur la Cress qui proposent des solutions de financements sur toutes les phases de vie d’un projet d’économie sociale et solidaire ». Elle évoque également le travail accompli avec les partenaires de « Mon projet d’entreprise » pour accroître l’accompagnement des projets ESS et annonce que « la Région souhaite aller encore plus loin pour aider les entreprises de l’ESS de son territoire à se développer en faisant émerger des champions de l’ESS, pouvant ainsi pleinement contribuer à la résolution de défis que nous pose l’urgence climatique ». Isabelle Campagnola-Savon conclura son intervention en insistant : « Le modèle coopératif est un modèle qui fonctionne aujourd’hui et que la Région accompagne et continuera de soutenir. Merci d’être à nos côtés dans le combat majeur qui est celui de la transition écologique des entreprises ».

Un peuple racine

Puis Franck Maillé propose aux participants un pas de côté pour mieux regarder le monde, ses enjeux. Pour cela il donne la parole au géographe Eric Julien. Fin 1985, jeune géographe passionné d’alpinisme, il part à la conquête de la plus haute montagne à proximité de la mer, et c’est à 5 000 mètres d’altitude qu’il est victime d’un œdème pulmonaire dans cette Sierra Nevada de Santa Marta au Nord de la Colombie. « La population locale, les Indiens Kogis me sauvent la vie en me descendant dans leur village où ils m’ont soigné. J’ai été soigné par des indiens primitifs, autochtones, un peuple racine. Ils ne sont pas mieux que nous, pas moins bien, ils sont différents et donc inspirants ». Allant mieux, il s’apprête à partir une semaine plus tard, demande ce qu’il peut faire pour remercier les Kogis de l’avoir sauver. C’est peu dire que la réponse marquera sa vie : « Ils m’ont demandé de les aider à récupérer leurs terres car ils sont repoussés toujours plus haut par les narco-trafiquants, les paramilitaires, la guérilla et l’armée ».

« Il manque la moitié de l’intelligence »

Dans sa quête pour faire connaître, protéger les Kogis et trouver des fonds Eric Julien emmène un groupe en France qui demande : « comment est-il possible de vivre sans nature », est invité à participer à une réunion dont le groupe sort en notant l’absence de femmes, considérant : « Il manque la moitié de l’intelligence ». Eric Julien ajoute que « les Kogis veulent nous aider, pour eux, si nous continuons comme cela nous allons mourir et ils nous donnent quinze ans. Les Kogis se considèrent comme les gardiens de la mère Terre. Ils tentent de préserver les grands équilibres de cette « mère Terre » et veulent alerter les « Petits Frères »- que nous sommes à leurs yeux- : « Cette mère est comme un grand corps humain, et s’il en manque une partie, le reste ne peut plus fonctionner ». Ils plaident donc en faveur d’une union de notre forme de connaissance avec la leur pour une nouvelle alliance avec le vivant ». Eric Julien a permis, grâce à son action, le rachat de plus de 1 800 hectares de terrain au profit des Kogis, ce peuple racine.

« Nous devons progresser en matière de qualité de vie au travail »

Place est donnée à une table ronde sur la gouvernance partagée et la citoyenneté économique. Fatima Bellaredj, déléguée générale de la Confédération générale des Scop insiste à son tour sur le fait que Scop et Scic « sont des entreprises comme les autres, organisées sous forme de SA, SARL ou SAS et elles doivent réaliser des bénéfices ». Puis, rappelle-t-elle : « La différence c’est que les salariés ne perdent pas leur citoyenneté en entrant dans l’entreprise. Ils sont les sociétaires majoritaires (en droit de vote et en capital social ». Mais point d’auto-satisfaction chez elle : « Nous devons progresser en matière de qualité de vie au travail. Et nous devons gagner aussi en citoyenneté de l’entreprise, notamment en matière d’environnement ». Elle précise également : « Je suis très fière d’appartenir à ce mouvement dans lequel on trouve l’idée d’aller plus loin et celle du faire ensemble, sans oublier l’humilité et la parité ».

La richesse d’une entreprise participative

Catherine Berthonneche, gérante et cofondatrice de Mosaïque présente cette structure : « Mosaïque est une Scop partagée innovante, où entrepreneuses et entrepreneurs développent leurs activités artisanales, commerciales ou agricoles multiples en mutualisant les fonctions administratives, juridiques et comptables nécessaires à chacun et chacune ». Pour elle : « Ce n’est pas naturel de partager le pouvoir avec l’éducation que nous recevons et on n’apprend pas non plus les bénéfices qu’il y a à le faire. Je crois qu’il faut que les gens vivent cette expérience pour qu’ils mesurent à quel point cette richesse est bien plus grande que celle que l’on peut trouver dans l’entreprise qui n’est pas participative ». Elle explique également comment ont été nommés les deux nouveaux cogérants qui vont lui succéder : « Nous avons décidé de ne pas mettre les gens en concurrence. Il a été demandé à tous ceux qui voulaient se présenter pourquoi ils souhaitaient être cogérants. Chacun s’est exprimé, tout le monde a pu faire des propositions et nous sommes arrivés à un binôme en faveur duquel nous avons voté ».

Relever les défis de l’accélération du monde

La Scic ImmaTerra aide les entreprises à « relever les défis de l’accélération du monde et à mener de front la maîtrise des enjeux économiques, du respect humain, de l’environnement et de leur écosystème ». Séverine Cachod explique : « Il faut emmener les gens à se déconditionner. On vient les chercher, on les accompagne afin de leur permettre de sortir de sa zone de confort. Il faut accepter de se tromper et s’en nourrir. Nous nous inscrivons dans une logique de petits pas pour parcourir tout ce cheminement ». Elle ajoute : « Nous accompagnons les acteurs avec l’ensemble de ses salariés, de ses parties prenantes, internes comme externes ».

« Faire face à un enjeu de renouvellement des générations d’agriculteurs »

Frédéric Cordier, co-fondateur et associé de la Scic « Terre Adonis » indique que cette structure a été créée « pour faire face à un enjeu de renouvellement des générations d’agriculteurs ; pour rendre possible des choses jusque-là considérée comme impossible ». Terre Adonis est une SCIC cofondée par la Safer Paca, la Coopération Agricole Sud et la Région Sud. Elle accompagne les projets agricoles sur Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ce dispositif fédère des partenaires publics et privés autour de projets de territoire afin de financer une phase de portage du foncier complémentaire aux outils de financement classique. Il permet de faciliter l’installation ou la consolidation d’agriculteurs ne pouvant faire face simultanément à l’acquisition des terres et aux investissements matériels indispensables.

« La coopération est vitale »

Pour Cécile Monière, dirigeante du Laboratoire d’Intelligence Collective et Artificielle (Lica) : « La coopération est vitale. On a en chacun de nous l’envie de coopérer mais on nous apprend au contraire à être en compétition. Alors il faut désapprendre et ce n’est pas évident. Lorsque l’on parle de gouvernance on est dans le partage à la mode Obelix, un prend les 3/4 et les autres le reste. Alors, un équilibre est à retrouver. Partager le pouvoir c’est partager les responsabilités. Il nous faut apprendre le self-management, apprendre que se tromper n’est pas grave, c’est une expérience. Nous-mêmes, nous nous sommes trompés très souvent et c’est ce qui nous a permis d’avancer ».

« Le modèle coopératif garde tout son sens »

Agnès Rossi, élue déléguée à l’ESS de la Région Sud, revient sur cet anniversaire : « lorsque l’on vient à l’anniversaire d’une structure de 85 ans on s’attend à voir des gens raconter une histoire. Cela a eu lieu mais surtout on a entendu des personnes qui parlent d’avenir, se posent des questions, innovent pour répondre aux nouveaux défis qui se posent. La vitalité est telle que l’on a l’impression de voir un mouvement qui vient de naître alors qu’il s’est créé voilà bien longtemps pour répondre déjà à des défis. Aujourd’hui ils ne sont plus les mêmes mais le modèle coopératif garde tout son sens. Et nous avons devant nous des personnes jeunes, travailleuses, ancrées dans les réalités d’aujourd’hui et, j’en suis persuadée, leur capacité d’innovation va nous aider à répondre aux défis de la transition écologique ».

Sécurité sociale de l’alimentation

Eric Gauthier et Mathilde Woilez de l’association « Au Maquis » présentent enfin leur action en faveur de la Sécurité sociale de l’alimentation. Pour cela tout un travail a été accompli avec 25 habitants de Cadenet (13). Dans un premier temps, sur une période de six mois, tous les 15 jours, ils se sont regroupés pour se former, s’informer collectivement autour de l’alimentation grâce à l’intervention d’experts choisis pour apporter de la controverse sur 3 axes : l’alimentation et le système alimentaire, le fonctionnement et le financement de la sécurité sociale, la démocratie et la participation citoyenne. La deuxième phase a amener les participants et participantes à réfléchir ensemble, sur la base de la vision commune créée, à des critères de conventionnement. Ce sont ces critères qui détermineront où et comment pourront être dépensées localement les allocations. « Puis on a expérimenté, cherché des financements ». un dispositif que l’association veut développer : « Raison pour laquelle nous nous tournons vers les Scop. N’ont-elles pas une grande histoire à construire sur la Sécurité sociale de l’alimentation ? ». La troisième serait de créer une caisse locale d’alimentation dont le conseil de l’alimentation de Cadenet serait gestionnaire.
Reportage vidéo Joël BARCY – Rédaction Michel CAIRE

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