La nouvelle a été divulguée il y a quelques jours : le Comité National des appellations d’origine relatives aux vins de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) a voté à l’unanimité pour la reconnaissance en Cru de la Dénomination Géographique Complémentaire (DGC) Sainte-Victoire en rouge et rosé. Mais il faudra attendre encore quelques semaines et la fin de la procédure pour être sûr que le millésime 2025 sera le premier du Cru Sainte-Victoire.

En 2005, au terme de longues années de travail et de lobbying, une poignée de vignerons des Côtes de Provence, dont les exploitations étaient situées auprès de la montagne chère à Paul Cézanne, obtenaient une distinction de leur production avec la dénomination géographique complémentaire (DGC) Sainte-Victoire. Une mention destinée aux vins rouges et rosés élaborés dans le respect d’un cahier des charges contraignant ayant pour but de garantir un haut niveau de qualité.
Depuis d’autres DGC ont vu le jour dans les Côtes de Provence : La Londe, Fréjus, Pierrefeu et Notre-dame-des-Anges.
En 20 ans d’existence, les vins DGC Sainte-Victoire ont démontré l’intérêt de la dénomination en se positionnant en tête des gammes « premium » des Côtes de Provence. L’identité et la typicité des vins produits, liées à un terroir unique et au savoir-faire des vignerons, sont à la base de ce succès qui a certainement facilité le cheminement vers la distinction de Cru.
Répartie sur neuf communes des Bouches-du-Rhône et du Var (Trets, Le Tholonet, Châteauneuf-le-Rouge, Meyreuil, Peynier, Rousset, Puyloubier, Pourrières et Pourcieux) l’aire délimité parcellaire de l’Appellation d’Origine Protégée (AOP) Côtes de Provence abrite un vignoble de 3430 ha. 2885 ha font l’objet d’un identification parcellaire en DGC Sainte Victoire. Pour le millésime 2024, 750 ha ont été revendiqués en DGC par les vignerons désireux de maitriser totalement leur production afin de ne pas produire ce qu’ils ne seraient pas capables de vendre, une surproduction pouvant peser négativement sur les cours.
DGC vs Cru : ce qu’il faut savoir
Une DGC est une mention spécifique à l’intérieur d’une Appellation d’Origine Protégée qui permet de mettre en avant un terroir et un savoir-faire particulier au sein de cette appellation. Elle impose des critères plus stricts que ceux de l’appellation socle, notamment en matière de délimitation géographique, de cépages, de rendements ou de techniques de production. Dans le cas des Côtes de Provence Sainte-Victoire, la dénomination de terroir reconnue depuis 2005 valorise cette zone pour son terroir singulier et ses propriétés qualitatives, mais elle reste intégrée à l’AOP Côtes de Provence.
Un Cru, au sens de terroir, désigne une zone viticole bien définie reconnue pour la qualité exceptionnelle de ses vins, liée à des conditions naturelles uniques (sols, climat, exposition) et au savoir-faire des vignerons. Un Cru est généralement associé à un haut niveau qualitatif et se positionne comme une entité propre au sein d’une appellation.
Côtes de Provence, toujours !

Aujourd’hui il n’est pas question, pour les vins de Sainte-Victoire, de profiter du Cru pour tourner le dos à la « maison mère » qu’est l’appellation Côtes de Provence. Depuis quelques années, le président de l’association des vignerons de Sainte-Victoire, Olivier Sumeire, n’a de cesse de le répéter alors que les vins commercialisés en DGC se distinguent sur les marchés, notamment sur le créneau « premium ». Pour lui, devenir Cru marque simplement une nouvelle progression hiérarchique et la possibilité de déterminer un nouveau positionnement commercial sans renier ses racines; « De plus, poursuit Olivier Sumeire, le vocable “cru” parle au plus grand nombre; il est synonyme de haut de gamme auprès des consommateurs même s’ils ne sont pas des spécialistes. C’est un atout non négligeable pour nos vins à l’heure où le marché se tend. »
Quant à Eric Pastorino, le Président du Conseil interprofessionnel des Vins de Provence et du Syndicat des vins Côtes de Provence, il se réjouit : «L’accession au Cru est une avancée majeure dans la hiérarchisation des Côtes de Provence. Cette reconnaissance valorise le travail des vignerons et consacre l’identité unique de Sainte-Victoire.»
La procédure n’est pas terminée
Même si le passage en Cru Sainte-Victoire a été adopté à l’INAO à l’unanimité, ce qui est plutôt une bonne chose, rien n’est fait pour l’instant. « Il faut attendre la fin de la démarche officielle, informe Jean-Jacques Balikian, le directeur de l’association des vignerons de Sainte-Victoire. Une procédure nationale d’opposition, qui n’a toujours pas été mise en place, va s’ouvrir et, pendant deux mois, d’éventuelles oppositions pourront y être signifiées. Mais dans la mesure où le passage en Cru a été adopté à l’unanimité, nous sommes optimistes. Une fois achevée cette procédure, le texte officiel devra être signé par les ministères concernés : agriculture, environnement et économie avant d’être publié au Journal Officiel..» Si aucun grain de sable ne vient enrayer la machine, Sainte-Victoire sera alors définitivement Cru et le millésime 2025 pourrait être le premier à l’afficher sur l’étiquette ! Il ne restera alors plus qu’à faire le forcing auprès de l’INAO afin que les vins blancs puissent aussi obtenir la distinction que leur qualité justifie amplement…
Michel EGEA