C’est à l’Orange vélodrome que vient de se tenir la première édition du Forum méditerranéen de l’IA qui a rassemblé les grands acteurs de l’IA en Méditerranée -entreprises et startups, chercheurs, investisseurs autour de la problématique suivante: Quelles réponses l’IA peut-elle apporter aux grands défis que connaît la Méditerranée ?
Rodolphe Saadé, PDG de CMA-CGM, ouvre la rencontre: «La révolution de l’IA est la plus grande de notre époque. Internet a changé notre accès à l’information, l’IA redéfinit en profondeur notre façon d’analyser les données et d’interagir avec les systèmes et, au bout du compte, de prendre des décisions stratégiques qui façonnent l’avenir. Cette transformation touche tous les secteurs d’activités et va au-delà de simples gains d’efficacité. Cela ouvre de nouvelles perspectives et nous pousse à repenser notre modèle économique. En tant que dirigeant nous avons la responsabilité de comprendre, d’anticiper et de guider cette innovation.» « L’IA, ajoute-t-il, doit être non seulement une révolution technique mais aussi humaine. Elle doit être un outil qui enrichit et soutien les compétences du collaborateur et non un obstacle.»
« l’IA c’est l’ami de la productivité, de l’écologie et du progrès social »
Pour Antoine Armand, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie : « L’objectif aujourd’hui est de démystifier l’IA, de montrer qu’elle est accessible à tous. Elle fait gagner du temps, du carburant quand elle modifie les trajets, de l’énergie quand elle modifie les process. Bref l’IA c’est l’ami de la productivité, de l’écologie et du progrès social. » Considère que, malgré le contexte difficile, la France doit être « derrière les capitaines d’industrie et les salariés qui s’inscrivent dans des projets aussi innovants, qui vont faire de la France un des pionniers européens et mondiaux de l’IA. » Précise que 40 000 talents sont formés chaque année et avance comme objectif d’en former 100 000 en 2030. Pour développer l’IA le ministre souligne l’importance d’avoir une énergie décarbonée et bon marché, s’appuyant notamment le développement d’EPR² sur le territoire. Puis, rappelle que 2,3 milliards d’euros ont été versés en 2024 par des fonds publics à des start-up. «Quand des gens prennent des risques, vont là où personne n’est allé le gouvernement doit être au rendez-vous et je suis heureux de voir que des investisseurs privés s’engagent.» Pour le ministre, l’IA « est non seulement un facteur de productivité, de compétitivité, c’est aussi la clé pour l’émancipation sociale et économique de notre pays. Et c’est par la productivité que les chefs d’entreprise pourront mieux payer les salariés ». Dans ce contexte, Antoine Armand indique : «Notre challenge premier réside dans l’accompagnement des entreprises en matière d’IA. Pour cela nous présentons aux TPE/PME des cas d’usages simples, concrets, de la manière dont ces entreprises peuvent utiliser l’IA générative dans l’ensemble de leur process. Et cessons de croire qu’il faut identifier des secteurs où l’IA pourrait être utile car elle peut l’être dans tous les secteurs ».
«Un défi politique majeur pour l’Union européenne»
L’IA, insiste le ministre, représente aussi un enjeu national mais aussi européen : «Dans le contexte géopolitique que nous connaissons troublé, difficile, dans un monde qui est dur et qui va se durcir, dans un monde qui est concurrentiel et qui va continuer à user d’armes de moins en moins légales, parfois discrètes, parfois très visibles mais qui vont être un défi politique majeur pour l’Union européenne ». « La France, poursuit-il, défend nos technologies européennes car, si nous ne les défendons pas nous serons balayés par des politiques déloyales, agressives dans un monde où nous devons être coopératifs quand les autres le sont et fermes quand nécessaire ». Il se prononce également en faveur d’une régulation : « car nous avons besoin d’un outil de confiance et de stabilité. »
« Un sérieux problème de prise de risques en Europe »
Plusieurs tables ronde se succèdent, on notera celle où il est question de la place de l’Europe, en matière d’IA, dans le monde. Et, dès l’intervention de Nozha Boujemaa, coprésidente du groupe d’experts IA de l’OCDE, on mesure les enjeux : « Il y a un sérieux problème de prise de risques en Europe. Il est urgent de développer les calculs à l’échelle de l’Europe ». Arno Amabile, rapporteur général du conseil général de l’économie, conseiller pour le sommet de l’IA précise : « Nous avons quasiment le même pourcentage d’emplois dans l’IA en France, 1,3% et en Europe, 1,6%. Et l’Europe a reçu en investissement dans ce domaine 5 à 8 fois moins que les Etats-Unis alors que notre économie est 1,5 fois inférieure à celle des Etats-Unis. Il y a donc un écart très important. » Un phénomène dû, selon Arno Amabile : « A un problème d’offre et de demande. Le marché de l’investissement est mondial. Pourquoi les Européens n’investissent pas plus en Europe et pourquoi n’y a-t-il pas plus de demandes de la part des entreprises européennes ? » Signale que «lorsque l’on parle aux Etats-Unis d’un projet français on trouve cela intéressant mais on ajoute tout de suite ne pas savoir si nous avons suffisamment d’ambition. Nous avons un vrai problème de crédibilité et d’enthousiasme. » Est-ce que la partie est perdue, l’écart est-il devenu trop grand ? « Non, assure Arno Amabile, regardez ce qui s’est passé avec le train, des fortunes immenses ont été réalisées aux Etats-Unis et l’Europe n’a pas baissé les bras, elle s’est aussi lancée dans cette aventure. Il faut bien mesurer que l’histoire de la technologie est longue et elle montre que ce n’est pas parce que l’on a perdu une bataille que l’on a perdu la guerre. »
« l’IA doit forcer l’Europe à aller vers l’intégration »
Pour Giancarlo Monsellato, directeur de Deloitte France et Afrique francophone, « l’IA doit forcer l’Europe à aller vers l’intégration car l’écart avec les États-Unis devient gigantesque. Ainsi, les 2/3 des start-up liées à l’IA sont aux Etats-Unis pour 9% seulement en Europe. Et on investit 5 fois plus aux Etats-Unis qu’en Europe. »
Laurent Solly, vice-président Europe du Sud de Meta rappelle : «Meta a beaucoup investi en Europe et notamment en France puisqu’il y a plus de 10 ans nous avons créé dans ce pays un de nos plus gros labo sur l’IA. » Considère qu’ «il y a en Europe des talents et incontestablement la France forme parmi les meilleurs chercheurs et ingénieurs en Europe. Une Europe qui est le troisième marché mondial. C’est donc un très grand marché avec un très grand potentiel mais, comme le montre le rapport Draghi, il y a un retard extrêmement net avec les Etats-Unis et il grandit toutes les semaines. Draghi parle d’un enjeu existentiel pour l’Europe. Et il vient de souligner avec le président Macron que l’Europe n’innovait pas assez et régulait trop et que, si cela continue encore deux, trois ans elle sera sortie du marché.». Il précise : « Attention, un américain comme Meta comprend la question sur la régulation. Le problème c’est qu’en Europe cette régulation est imprévisible, fragmentée et incohérente et c’est une difficulté pour toutes les entreprise qui opèrent en Europe. » Pour lui, il faut donc : « Une harmonisation des règles et des règles qui permettent l’innovation et qui soient claires et stables. »
Michel CAIRE
IA : le plan de la région Sud
Le 25 octobre, en Assemblée Plénière, la Région Sud a adopté son Plan Sud pour des intelligences artificielles 2024-2028. Objectifs : faire de l’Intelligence Artificielle (IA) un outil utile aux citoyens et aux entreprises, accessible à tous et soutenir l’excellence de nos chercheurs et de nos startups. Ce plan, doté de 70 millions d’€ sur 5 ans, se décline en 3 axes pour 22 mesures : Gouvernance régionale des IA et modernisation de l’administration, avec notamment une charte d’utilisation de l’IA ; acculturation et sensibilisation de tous, du grand public aux entreprises en passant par les jeunes et les élus ; renforcement et attractivité de l’écosystème régional : soutien à la recherche, à la formation et à l’innovation.
Plusieurs dispositifs publics régionaux seront prochainement créés ou adaptés pour intégrer les enjeux de l’IA : aides à la numérisation des entreprises, avec les dispositifs « Mon Assistant IA » et « Moove2Digital » ; financement de thèses doctorales et accélération de projets structurants ; accompagnement des territoires pour la modernisation de leurs services selon leurs enjeux et besoins. « Une Intelligence Artificielle utile à tous, à chacun des habitants de notre région, c’est possible. Grâce à un écosystème performant et innovant, autour de nos start-up, d’outils modernes et d’une offre de formation adaptée, les atouts sont là ! Ce plan permettra d’améliorer la qualité de notre service public, et de développer de manière sécurisée l’intelligence artificielle pour nos entreprises » avance Renaud Muselier ,président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.